Éditorial
Garrigues & Sentiers on the Net
L’exclusion, réalité d’aujourd’hui. Comment accepter dans notre société d’accueillir des personnes différentes, dont certaines ont leurs propres règles, d’autres ne semblant pas avoir le droit d’exister ? La situation est difficile, elle nécessite accueil et réalisme et remise en question de nos vies personnelles et de notre société.
Alain Barthélémy montre que l'exécration, une des formes les plus radicales de l'exclusion, s'enracine dans le sacré et dans le monde religieux. Il en traque les différents aspects à travers les civilisations et souligne la force explosive du « aimer ses ennemis et prier pour ceux qui vous persécutent. »
Nathalie Gadea nous interroge : la joie de l’Évangile est-elle vraiment pour tous ? Les « petits » ne sont-ils pas exclus de fait de nos communautés ? Déjà au temps de Jésus les apôtres étaient réticents à les accueillir. Puisse l’église prendre la tenue de service et se laisser évangéliser par les exclus, car « la joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu ».
Jacques Gaillot, évêque de Partenia se demande : Pourquoi exclure ? À travers un exemple tout simple, il montre que l nul n’échappe à un sentiment d’exclusion s’il ne rencontre quelqu’un qui l’accueille vraiment, tel qu’il est et reconnaît sa dignité. Or le monde actuel dit aux plus pauvres notamment : « tu ne vaux rien ». Mettre ou remettre debout, c’est lutter contre l’exclusion et être le témoin du Père de toute tendresse
Marcel Goldenberg nous affirme – dans Les exclus dans la mémoire d’un homme juif – que « Se mettre à la place de l’autre, cet inconnu inquiétant, cet étrange étranger, c’est le reconnaître comme un homme, lui donner le droit de visage », et que cette démarche est nécessaire pour dépasser les tentations d’exclusion qui ont tant marqué les rapports entre Chrétiens, Juifs et Musulmans.
Charles de la Roncière nous raconte – dans Lépreux au Moyen-Âge – comment on organisait au Moyen Age l’exclusion des lépreux, ces parias de l’époque, autour d’une cérémonie rappelant celles d’entrée dans un monastère avec ce caractère de « mort à ce monde ». Ils sont constitués comme un peuple à part avec son propre statut.
Dans le monde contemporain, nombreux sont les populations vivant l’exclusion.
Dominique Mazel, dans son témoignage sur 30 années d’action à Germain Nouveau auprès des SDF et avec eux, évoque dans Exclusion totale : les SDF à Aix-en-Provence, l’accueil des exclus d’une société qui ne veut pas d’eux, ou dont ils ne veulent pas eux-mêmes. Leu permettre « d’être en relation et d’accepter d’être en société… et parfois d’être avec soi-même ».
Dans Témoignage provençal : une communauté d’Emmaüs, Gilbert Bon-Mardion, qui y a appartenu comme bénévole, témoigne qu’ils donnent un exemple d'inclusion de ces exclus à qui on ne demande pas de renoncer à ce qu'ils sont.
Alain Fourest évoque dans La lutte contre l’exclusion : pourquoi un tel échec ? les « exclus ordinaires » qui habitent principalement nos banlieues. Il nous montre en quoi « l’exclusion et la pauvreté ne sont pas toujours synonymes ». Il nous montre les failles des politiques qui se sont efforcées de réduire cette exclusion, en particulier dans la région marseillaise.
Autres exclus, les Chibanis (vieux travailleurs maghrébins) et les Roms : à travers l’évocation de deux films Marc Durand fait un parallèle entre deux faces de l’exclusion : Deux exclusions : anciens et nouveaux. Puis il essaie de définir cette population rom et de dévoiler ce qu’elle vit parmi nous, ans Les Roms, ces exclus…
Régine Hugues et Joëlle Palesi nous montrent un chemin d’insertion pour certaines de ces familles hébergées à Marseille, dans Accompagnement des familles Roms.
Autre population exclue, de force, les détenus dans nos prisons.
Geneviève de Roudneff, en témoignant de ce qui est vécu avec les proches des détenus, nous montre dans Les épouses et les mères en attente de parloir (à la prison de Luynes, près d’Aix-en-Provence) cette souffrance partagée par les familles, prises elles aussi dans cette exclusion sociale.
Martine Rancoule, en évoquant avec les mots de Jésus « Mon âme est triste à en mourir, priez et veillez avec moi » ces souffrances vécues dans ce cadre, nous invite à une réflexion sur nous-mêmes en nous rappelant que rencontrer une fragilité nous renvoie à notre propre fragilité. « La prison est le constat et l’aboutissement d’échecs humains et sociétaux ».
Alain Cugno, réfléchissant sur la réalité de la prison, ce qu’elle prétend faire, nous découvre Le double paradoxe de la prison qui est que ces exclus sont en fait surtout victimes d’enfermements, d’inclusions successives dont ils ne sortent pas. Et il en vient à la question de savoir s’il ne faut pas passer par «aimer la prison » pour pouvoir non seulement en sortir, mais sortir de ces inclusions.
Enfin l’exclusion très concrète qui guette tout le monde est celle qui vient par le travail.
Antoine Duprez, à travers le film de S. Brizé La loi du marché suit la lente déshumanisation d’un chômeur ; Il n’aura plus que la fuite pour sauver sa peau. Cette loi impitoyable peut même tuer.
Jean-Marc Parodi, avec Recréer le plein emploi, une utopie réaliste, s’attache à décrire les difficultés rencontrées pour recréer le plein emploi, utopie bien sûr, mais qu’il faudrait rendre réaliste, à condition de changer le contenu et l’organisation du travail, donc innover radicalement. Cela existe déjà dans certains en micro-économie.
- Guy Roustang élargit ce débat avec Du plein emploi à la pleine activité, en s’intéressant au cadre mondial qui règle notre économie. « Il s’agit de faire pour l’emploi le même travail que celui du pape François dans sa dernière encyclique qui considère que prendre soin de la nature va nécessairement de pair avec une critique radicale du système économique mondial » affirme-t-il, et cette critique passe d’abord par celle de la croissance : un autre monde que celui de l’emploi et de la croissance est à inventer.
- Bernard Ginisty affirme « Nous allons dans le mur… » en prenant appui sur un rêve où les contradictions entre le « bien vivre » et l’idolâtrie du PIB tournent au cauchemar. Il livre une analyse critique très serrée de notre « société de marché » (ou, plutôt, comme il l’écrit à juste titre, « de supermarché »), pour en venir à cette affirmation que l’on devrait, comme on dit, « graver dans le marbre » de notre Constitution : « Si la démocratie et la citoyenneté ont un sens, elles posent en principe que tout être humain peut apporter quelque chose à l'échange public. » Peut-on imaginer une plus ferme condamnation de l’exclusion ?
G&S