Nous allons dans le mur… Accélérons !

Publié le par Garrigues et Sentiers

La violence instituée de l’économie financiarisée

J’ai fait un cauchemar...

Les accidents de la route ayant augmenté de façon significative, le gouvernement mit en place une campagne de presse intensive pour faire cesser ce fléau. À la surprise générale, les Français se laissèrent convaincre et changèrent peu à peu leur comportement. Ils utilisèrent davantage les transports en commun, respectèrent strictement le code de la route et commencèrent à avoir, en tant qu’automobilistes, de l’attention pour leurs concitoyens.

Le gouvernement se félicita de la diminution des accidents qu’il attribua à la pertinence de son programme et à la force de conviction de ses ministres. L’étonnement fut grand lorsqu’il apparut que le mouvement s’amplifiait. S’identifiant de moins en moins à leur voiture, les Français n’en firent plus le support essentiel de leurs loisirs et de leur standing. Les cadres découvrirent qu’ils pouvaient exister sans voiture de prestige, et les petits marquis des cabinets ministériels qu’il y avait une vie après les berlines de fonction. La consommation de voitures baissait.

Les proclamations d’autosatisfaction du gouvernement se raréfièrent. Le lobby des constructeurs automobiles se lança dans une campagne de presse pour exalter le risque, la vitesse, le panache en voiture. Rien n’y fit et peu à peu, les accidents de la route devinrent exceptionnels. Le syndicat de la réparation automobile, touché de plein fouet par cette situation, vit fondre 70% de ses effectifs. Le renouvellement du parc automobile se ralentit malgré des primes que le gouvernement versait aux acheteurs et l’on vit croître dangereusement le stock de voitures invendues. On annonça quelques suicides d’experts en « flux tendus ». Les compagnies d’assurance furent gravement sinistrées par la diminution des contrats et la généralisation des bonus qui réduisirent considérablement leur flux de trésorerie. Les services d’urgence des hôpitaux présentèrent des bilans catastrophiques car ils n’arrivaient plus à amortir leurs investissements très sophistiqués. Faute de clientèle, nombre de centres de rééducation fonctionnelle et professionnelle fermèrent leurs portes.

La situation fut jugée grave par le gouvernement qui commanda une étude à des experts. Ceux-ci chiffrèrent à plus de 300 000 la disparition d’emplois due à ce nouveau comportement des Français 1. D’après leurs calculs, le seuil d’accident était tombé trop bas et, si l’on voulait la reprise, il convenait de revenir à un nombre d’accidents plus conforme au « cercle de la raison » économique.

Rien n’y fit ! Les Français étaient devenus désespérément sages et appliquaient ce que depuis des lustres on leur présentait comme un comportement responsable et civique. Non seulement l’automobile fut atteinte, mais la consommation d’alcool et de tabac diminua, entraînant de graves pertes de ressources fiscales pour l’État et des disparitions d’emplois tant dans le secteur de la production que dans celui de la santé. Le plaisir de savourer le temps, les êtres et les choses remplaçait peu à peu la frénésie de les consommer.

Les dernières tentatives gouvernementales pour débusquer des gisements d’emplois dans les services aux personnes ne donnèrent que des résultats modestes, car de plus en plus de personnes avaient du temps pour s’intéresser à leurs proches et à leurs amis. Grâce à une poussée d’attentats terroristes, on vit un moment la courbe de l’emploi se redresser légèrement du fait de la création systématique de vigiles dans les magasins. Mais les destructions opérées et les emplois générés restaient largement insuffisants pour relancer la machine économique.

Le PIB s’effondrait et l’on commença à entendre tel ou tel expert affirmer : « au fond, ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre… »

En ce lundi matin, je fus réveillé en sursaut par mon radioréveil. Le journaliste expliquait que le bilan des accidents de la route du week-end restait dans la norme saisonnière. Les kilomètres de bouchons à l’entrée des grandes villes ne subissaient pas de variation significative. La consommation d’alcool, de tabac, d’aliments conditionnés par des produits chimiques, l’exposition à l’amiante et à la pollution permettaient d’envisager des créations d’emplois dans le domaine sanitaire. Grâce au stress généralisé des salariés qui avaient peur de perdre leur emploi et à celui des chômeurs qui n’en trouvaient pas la France restait championne du monde de la consommation d’antidépresseurs. Et l’on annonçait de prochaines manifestations de chauffeurs routiers, car le protocole d’accord signé après le dernier mouvement de grève n’avait pas été respecté. Je retrouvais un monde familier.

L’économie se portait bien. Je n’avais fait qu’un cauchemar….

Hors de l’échange monétaire, point de salut !

Nos élites ayant décidé une fois pour toutes que la richesse du pays se mesure par l'échange monétarisé elles recherchent éperdument des "gisements d'emplois" pour alimenter cet échange hors duquel il ne saurait y avoir de salut. On nous explique doctement la théorie des "déversoirs" : à savoir que les emplois du secteur "primaire" de l'agriculture et de l'artisanat se sont déversés dans le secteur "secondaire" de l'industrie. Celle-ci donnant des signes de faiblesse, les emplois se sont déversés dans le secteur "tertiaire" des services. Or, catastrophe, ce secteur arrive de moins en moins à entretenir l'échange monétarisé et l'on nous annonce que la prochaine "sidérurgie" sera la banque et les assurances. Ou trouver alors ce fameux "quaternaire" qui permettrait de continuer la geste conquérante de l'économisme monétarisé ?

Divine surprise : les dysfonctionnements sociaux augmentent. Mais oui, bien sûr ! : Les gens sont de plus en plus isolés, les banlieues génèrent coté "hard" des policiers et côté "soft" des travailleurs sociaux. Les accidents de la route constituent un formidable échange monétarisé, certes un peu violent, mais tellement porteur d'emplois. Quant au fameux déficit de la Sécurité Sociale qu'est ce d'autre que la multiplication d'emplois chargés de soigner le mal-être généralisé ? Il faut voir avec quelle gourmandise certains néo-managers du social parlent de leur "produit", vocabulaire qui les arrache à l'obscurantisme des échanges humains pour accéder enfin à la dignité de "l'économique".

Le politique, délogé une première fois par l'économisme triomphant risque de se voir nié une seconde fois par ce qu'il est convenu d'appeler "le social". Lorsque le budget de la sécurité sociale devient supérieur à celui de l'État, et que les dépenses "sociales" représentent près de la moitié des budgets des Conseils Départementaux, il est urgent de savoir de quoi on parle lorsqu'on parle "social". Sortons des confusions : les politiques ont en charge le vivre ensemble de la nation française : ils ne sauraient plus longtemps transformer des rapports économiques conflictuels de groupes sociaux en assistance sociale. Par ailleurs, une société vit son quotidien à travers mille rapports de proximité, d’initiatives, de solidarités qu'il serait à la fois grotesque et dangereux de vouloir professionnaliser.

L’idole spéculative

Lorsqu’au XVIIe siècle on s'avisait d'avoir commerce avec une dame, on imaginait des échanges mondains et amoureux pour lesquels il convenait d'ajouter quelque commerce de cadeaux signe de ce désir de rencontre. Aujourd’hui, le dernier espoir pour éveiller la pulsion de consommer réside dans les qualités pulpeuses de quelque dame payée pour nous persuader que notre bonheur vient de la répétition infinie du commerce des choses. Et lorsque le marché est important, la dame peut y être servie comme petit cadeau accessoire.

Cependant, la rotation des choses restant encore liée à la pesanteur matérielle des objets, on nous propose le commerce de l’argent rendu d'autant plus aisé qu'il a définitivement rompu tout lien avec la "matière". Lorsque le 15 août 1971, Richard Nixon décida la suspension de la convertibilité du dollar en or, le "commerce" pouvait larguer ses dernières amarres avec quelque réalité que ce soit et habiter enfin l'univers de la spéculation. Et les experts nous expliquent qu'il s'échange par jour 50 à 100 fois plus de signes monétaires que de "choses" dans le temps soit disant « réel » des réseaux informatiques mondiaux. Celui qui "s'enrichit" aujourd'hui ne l'est certainement plus de culture, de citoyenneté ou d'amour relégués dans le dérisoire, il l'est de moins en moins dans la fabrication des choses, il l'est dans la spéculation, c'est-à-dire, selon l'étymologie du mot, dans la contemplation, la fascination et la manipulation spéculaire du symbole monétaire. Mes vieux maîtres nommaient cette fascination "idolâtrie" et m'expliquaient que le signe infaillible de l'idole c'est qu'elle rend "bête", c'est-à-dire qu'elle stérilise toute pensée (ce sont les fameux « incontournables » et autres cercles de la raison chers aux grands prêtres du marché mondialisé), et qu'elle rend "méchant", c'est à dire qu'elle sacrifie tout l'humain à sa contemplation spéculaire (les salariés ne sont plus que des « variables d’ajustement »).

La décadence des échanges

Il en est de même d'ailleurs de l'histoire des systèmes de pensée qui s'inaugure dans l'échange (la première œuvre philosophique de l'Occident a pris la forme des Dialogues de Platon) et finit dans la spéculation des scolastiques où la pensée, loin de servir l'échange humain, devient à elle-même sa propre finalité dans une variété infinie de procédures, de jeux et de constructions. Quand la pensée spéculait sur le sexe des anges, les barbares n'étaient pas loin.

La mondialisation et la financiarisation du monde ont réduit les chefs de gouvernement au statut de sous-préfets d'arrondissement de l'univers et les élites, à peine remises de leur gueule de bois des lendemains qui n'ont pas chanté, en hérauts d'un "marché" qui n'est qu'un supermarché sans régulation. Les responsables politiques, devant des flux mondiaux qu'ils commentent à défaut de les gérer, se livrent à l'exercice immortalisé par la phrase fameuse de Cocteau dans Les Mariés de la Tour Eiffel : "ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs". Déréalisation du politique et de l'économique au nom des jeux monétaires posés comme la raison ultime du monde et la religion de son destin : voilà ce qu'il nous est proposé comme évidence de l'échange humain.

Ce que nous avons appelé "productivité" a consisté à séparer au maximum ce que le "marché" au sens de Braudel reliait, à savoir l'échange humain et le commerce des choses. C'est ce que m'avait fait comprendre une employée de banque, il y a une vingtaine d'années. Chaque semaine une petite vieille venait voir si sa pension trimestrielle était arrivée et cette guichetière pensait important d'accepter ce prétexte pour échanger. Depuis, les auditeurs internes ont dû mettre bon ordre à ces dérives en ramenant à la logique de la productivité la guichetière ayant étourdiment mêlé un échange interpersonnel et une activité économique. Quant à la personne âgée, elle est priée d'utiliser sa carte de crédit pour vérifier, plusieurs fois par jour si çà lui chante, l'arrivée de sa pension. Et si elle manque d’échanges humains portés jusque là par le "commerce" de sa pension, il ne lui reste plus qu'à devenir un "gisement d'emplois" pour" service de proximité". Des métiers fuyant dans une pureté janséniste de "l'économique" juxtaposés à des métiers du "social" en quête d'une impossible identité, et qui ont en commun un appauvrissement humain généralisé, tels sont les résultats de nos spéculations.

L’obsession du « temps réel »

La pensée unique économiste pose en principe que toute régulation politique de la gestion des flux financiers serait “néfaste”. Il faut laisser la logique financière mener l'économie et le vivre ensemble, puisque le politique ne peut être qu'un “gros bêta” qui viendrait mettre ses gros souliers dans la spéculation mondiale. Le 4 septembre 2012, la chaîne de télévision ARTE diffusait un document sur la banque américaine Goldmann Sachs intitulé « la banque qui dirige le monde ». Compte-tenu du rôle majeur que cette grande banque a joué dans la crise financière actuelle, ses dirigeants ont été convoqués par une commission d’enquête du Sénat américain. Au cours de cette audition publique, la morgue à peine polie du Président de la banque face aux représentants élus de la nation américaine traduisait le sentiment de toute puissance de ce banquier qui va jusqu’au délire : « Je ne suis qu’un banquier faisant le travail de Dieu. Cette phrase révélatrice et grotesque n’a pas été prononcée par un esprit dérangé, mais par le Primus inter pares des financiers de Wall Street, Lloyd Blankfein, patron de Goldman Sachs, la banque emblématique de la sécession des riches » 2.

Et pour éviter tout débat citoyen dans la gestion financière, on l'a confiée aux programmes les plus sophistiquées des ordinateurs au nom de ce que les informaticiens appellent y la gestion « en temps réel ». Pour être dans le «temps réel», ce n'est pas la peine d'avoir un cerveau, il suffit d'avoir une moelle épinière : c'est l'arc réflexe. Or, le vrai temps réel d'un homme, c'est le temps du débat, le temps du travail d'équipe, c'est prendre du temps (et donc “perdre du temps” pour les obsédés du time is money) pour se mettre d'accord, pour respecter l'autre et prendre le temps de l'écouter. Le temps réel de la machine se définit sinon par de l'inhumain tout au moins par de “l'a-humain”. Ce type de réflexion apparaîtra comme des fadaises humanistes d'une autre époque aux maîtres des flux financiers. L'âge du politique serait fini, c'est l'âge de la «gestion en temps réel». Et surtout qu'il ne soit pas parasité par les problèmes humains. Et donc, laissons faire les machines. En termes religieux, ça s'appelle une idole, c'est-à-dire une construction inventée par l'homme et qui lui revient de façon violente comme un boomerang sous la forme d'un destin. Et la forme du destin a pris aujourd'hui l'expression chère à bien des gestionnaires : « c'est incontournable ! » Cela conduit à une double déconnexion : entre le politique et l'économique et entre l'économique et le financier. Dans le capitalisme traditionnel, la logique du capital était entrepreneuriale. Celui qui avait de l'argent investissait dans une entreprise et admettait que le retour sur investissement ne soit pas en temps réel, mais dans la logique du temps spécifique de l'activité économique de l'entreprise. Aujourd'hui, la volonté de générer des profits dans l'immédiat à travers le système financier, a déréalisé non seulement le politique mais aussi l'économique. En temps réel, les investisseurs et notamment les fonds de pension vont et viennent dans les entreprises au hasard des “bons coups” financiers spéculatifs à réaliser. Ce qui évidemment atteint de plein fouet les logiques de l'entreprise.

Une société de supermarché

Il n'est pas vrai que nous soyons dans une société de marché. Nous sommes dans une société de supermarché. Quelle est la différence ? Nous pourrions évoquer ces marchés où le plaisir d'échanger est lié à l'achat des produits. Ou encore, ces longues palabres dans les pays du Sud où le temps de marchander fait partie de l'art de vivre. Par contre, essayez d'engager une conversation avec une caissière d'un supermarché et vous verrez fondre sur vous les lois de la productivité sous la forme d'un petit chef grincheux ! La religion du marché fait définitivement de nous des « électrons célibataires » de la mondialisation. L'individu devrait se sentir libre de tout lien affectif pour la grande épopée de l'économie. La rupture de l'économique et du social, de la marchandise et du lien humain crée alors des situations «barbares». L'économie financiarisée se déploie sans régulation humaine au gré des spéculations. Le lien social, coupé de toute économie, devient errant pour se transformer peu à peu en gisement d'emplois. Alors que le marché mêlait étroitement l'échange de choses et l'échange entre les hommes, le supermarché élimine l'humain pour la seule gloire de la marchandise. Il n'y a plus de culture autour de l'objet commercialisé dans la logique de supermarché. Au niveau de l'entreprise, les emplois deviennent des variables d'ajustement au gré des fusions, délocalisations, reconversions.

Comme l’analyse l’économiste René Passet, le néo-libéralisme triomphant veut présenter sa théorie comme une « loi de la nature » : « Délivrée de toute intervention perturbatrice, laissant les choses se dérouler spontanément, qu’elles qu’en soient les conséquences – fût-ce l’écrasement du faible par le fort – cette économie exprimerait spontanément les lois de la nature : « nul ne peut rien à cela mon frère, et tu dois t’y soumettre ». Les sacrifices qu’ils t’infligent et dont ils se dispensent ne sont donc pas dus à la malice des hommes ni aux vices du système, mais à la nature des choses. (...) Regardez-les en revanche jubiler lorsqu’ils serrent la vis aux plus humbles, généralement après s’être attribué de généreuses augmentations c’est tellement bon d’exhiber un tel pouvoir. Les malheurs particuliers, disait déjà au XVIIIe siècle Pangloss le philosophe de Voltaire, font le bonheur général, de sorte que plus il y a de malheurs particuliers et plus tout est bien » (Voltaire Candide ou l’optimisme chap. IV). Tous les Pangloss de notre temps le proclament, la misère des humbles est le prix de la prospérité générale, et cela est fort bon » 3.

Il n’est pas étonnant qu’une économie laissée au libre jeu des rapports de force ne cesse de générer des inégalités qui, comme le note le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, constituent la cause profonde de la crise : « Il est très frappant de constater que peu de leaders mondiaux ont porté attention aux causes profondes de la crise. On s'est beaucoup focalisé sur les dysfonctionnements du système bancaire : c'est une cause importante, mais pas la cause profonde de la crise. Depuis trente ans, les inégalités ont explosé dans les pays développés, et particulièrement aux États-Unis. Pour éviter que les gens ne soient complètement déclassés, on leur a accordé des crédits sans compter, on leur a dit d'acheter des maisons qu'ils ne pouvaient pas se payer. C'était juste une mascarade, mais qui correspondait en fait à une manière un peu perverse de tenter de résoudre cette hausse des inégalités. Avec la crise, la richesse fictive liée à l'endettement s'est évaporée, mais personne – ni Obama ni les autres – n'a songé à s'attaquer au fond du problème. Ironie de l'histoire, la manière dont on a traité cette crise n'a fait que renforcer ces inégalités. Il suffit de regarder la question des bonus, qui n'est sans doute pas fondamentale, mais se révèle tout de même très symbolique. On n'a pas fait grand-chose pour empêcher leur réapparition. Idem avec les plans d'austérité : ce sont les pauvres, ceux qui bénéficient le plus des systèmes de redistribution, qui vont en pâtir les premiers » 4.

Tenter de vivre

Au moment où nos sociétés risquent d'étouffer entre la crispation sur les avantages acquis et l'idolâtrie monétaire, il nous reste à "tenter de vivre" et à retrouver le goût de réconcilier l'échange des choses et le commerce entre les hommes. Pour cela, il convient de lutter sur deux fronts, le mondial et le local. Au plan international, c’est le sens du combat des altermondialistes pour qui la reconquête par les citoyens du pouvoir politique sur une spéculation financière sans foi ni loi constitue une priorité. Au plan local, on pourrait évoquer toutes les initiatives d'épargne alternatives et solidaires, les placements éthiques, des Cigales, la société financière La Nef. Pour l'instant, les défricheurs de ces nouveaux espaces paraissent au mieux comme les danseuses du système ou plus simplement comme de doux rêveurs. Et pourtant, bien plus que dans les colloques toujours recommencés et les changements de look de vieux partis fatigués se travaillent là, concrètement, les nouvelles formes de l'art politique et de la citoyenneté sociale. Échapper à la fois au refuge dans quelque phalanstère hors du temps et à la condition "moderne" d'individus ballottés au hasard des crises monétaires, tel est le champ de ce qui pourrait être celui du renouveau du civisme et de l’éducation populaire.

Dans cette phase historique de rupture majeure entre l'échange entre les hommes et l'échange des choses, il nous faut créer des zones civilisées d'un "nouveau commerce". Cela consiste à inventer des règles d'art de vivre le temps, l'espace, l'échange, la monnaie, la consommation. Il ne s’agit pas de se couper de la totalité du monde, mais de l'habiter en redonnant sens à de l'échange qui ne soit pas seulement monétaire. Si la démocratie et la citoyenneté ont un sens, elles posent en principe que tout être humain peut apporter quelque chose à l'échange public. C’est la vieille lutte de l’homme contre la barbarie qui continue, celle du refus d’un monde où il n’y a ni sens, ni loi.

Bernard Ginisty

1 – Cf. L'impact socio-économique des accidents de la route. Revue Handicaps et inadaptations, Cahiers du CTNERHI, n°59, juillet-septembre 1992.
2 – Jean-Louis Servan-Schreiber : Pourquoi les riches ont gagné. Éditions Albin Michel, 2014, page 14.
3 – René Passet : L’illusion néolibérale. Éditions Fayard Paris 2000 p.20-214.
4 – Joseph Stiglitz : Les réformes financières sont insuffisantes. Entretien publié dans L’Express 26 octobre 2010.

Publié dans DOSSIER EXCLUS

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