Remettre tout à plat dans l’Église, si l’on veut qu’elle soutienne notre Foi

Publié le par Garrigues et Sentiers

Plutôt que de donner une réponse à la question posée par Garrigues et Sentiers, « Peut-on vivre sa Foi sans Église ? » je voudrais poser une série de questions : il me semble que les réponses au sujet posé en découleront alors plus ou moins naturellement…

D’abord, la foi, c’est à la fois l’objet et le support du croire, n’est-ce pas ? Et lorsque pour le baptême, où l’on s’affirme comme chrétien, ou le renouvellement de ses promesses, on nous dit « croyez-vous en.. ? », est-ce en un dépôt figé, inerte, inculqué d’autorité par un catéchisme ? ou une graine à faire germer, un trésor à faire fructifier comme dans la parabole des talents ? Une graine à germer, disais-je, c’est-à-dire non une simple adhésion à un système d’idées et de propositions conceptuelles, mais aussi une rencontre libre entre un Dieu homme vivant, et un homme dans la liberté de sa conscience ?

Pour ces différentes formes du croire, a-t-on besoin d’une Église ? et de quelle  (1) Église : ce qui fait communauté, qui fait fraternité ; Église qui transmet, et est support de transmission ; Église garante d’une Tradition, mais Tradition d’un moment d’Histoire perpétué tel quel de siècle en siècle, ou Tradition construite au jour le jour, comme la création elle-même ?; Église qui célèbre : Faites ceci en mémoire de moi. ; Église qui manifeste et témoigne de l’amour infini de Dieu, Église qui voit Dieu dans le pauvre, comme Jésus le lui a enseigné ; Église qui se compromet pour porter ce message.

Une Église officielle, institutionnelle, est-elle nécessaire pour remplir toutes ces missions ? L’Église, parce qu’institution, a-t-elle des obligations d’institution qui peuvent parfois contrarier ses propres enseignements ? Doit-on alors introduire pour croire l’obligation d’obéissance à l’Église ? Si vous ne croyez pas à…, alors, vous n’êtes pas chrétien !

On entend : « Je suis croyant , mais je n’adhère pas à L’Église parce qu’elle dit des choses insupportables , couvre des actes criminels, soutient les riches contre les pauvres et les puissants contre les humbles. » Une Église porteuse d’un croire, d’une foi, peut-elle se présenter comme seule celle qui sait, valide, légitime, fait autorité ? Notre/nos Églises peuvent-elles se donner le rôle exclusif de la connaissance de Dieu, de la relation à Dieu ?  Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel : peuvent-elles se donner en modèle de société parfaite, comme on l’a longtemps dit ? L’Église institution, en s’abritant derrière la Tradition, peut-elle maîtriser l’avenir, le destin de l’homme, le projet de Dieu, alors que la création tout entière est en perpétuel devenir ?

Alors, si l’Église est nécessaire, y a -t-il d’autres façons de faire Église ? Que dire du fameux sensus fidei, qui comme le sacerdoce commun est l’apanage de tous les baptisés ? Évidemment, nous pensons à la synodalité, portée par le pape François et  que nos prêtres peinent à prendre en considération.  Certes, il y a pour eux matière à avoir peur : peur de perdre leur autorité et donc leur pouvoir ; mais il n’est qu’à regarder le chiffre des prêtres (2) ! des solutions existent-elles ? En Europe, on ne baptise plus les enfants, on délaisse les obsèques chrétiennes. Alors, ne peut-on sérieusement construire autre chose ? Avec comme dit le synode, une coresponsabilité différenciée, où les baptisés seront les pasteurs des baptisés, dit Charles Delhez, dans l’article précité de La Croix. Beaucoup de propositions sont faites en ce sens, ayons l’audace d’au moins les examiner, peut-être de les essayer… ! Sans attendre l’effondrement d’où il ne sera plus possible de remonter la pente.

Et si l’on imagine que la foi peut vivre sans l’Église, est-ce à dire que le témoignage de chacun peut suffire à porter le message chrétien ? Ce témoignage serait-il en lui-même le message ? Peut-on passer du témoignage individuel à un témoignage collectif (mais on a vu l’effet délétère du contre-témoignage des abus des clercs, qui faute d’avoir été pris à temps, et longtemps caché pour « sauver » l’Église, a complètement – et quelque peu injustement –, décrédibilisé les prêtres qui « disent ce qu’il faut faire, mais ne le font pas eux-mêmes ») ?

Il semble bien que nous n’ayons qu’une façon de faire : remettre tout à plat dans l’Église, si l’on veut qu’elle soutienne notre foi et porte l’Évangélisation.

Danielle Nizieux-Mauger

 

  1. Je ne veux pas évoquer ici seulement l’Église catholique, mais aussi les Églises protestantes, pour lesquelles le pluriel vaudrait à lui seul une partie du débat.
  2. Cf. la tribune Charles Delhez, s. j., « Dans une Église minoritaire, il faut oser poser la question de la place et du rôle du prêtre » publiée le 25 juillet 2025 dans La Croix.
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H
Le mot Foi vient du latin "fides" qui signifie fidélité et confiance (à Jésus et à son enseignement) Ce n'est pas un catalogue de croyances, ni de dogmes, encore moins de rites. Cependant, même si chacun a la liberté de vivre cette foi selon son talent, il me semble important d'avoir une "assemblée (en grec ecclésia) pour se confronter fraternellement aux visions des autres "fidèles" et pratiquer les "agapes fraternelles" comme au premier siècle. Pour cela une vaste réforme de l'Eglise est nécessaire. La synodalité est un moyen, mais le chemin va être long (et en butte avec ceux qui sont dans le "système").
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D
bien d'accord, cela va être dur ; mais nous avons le devoir de nous battre pour cela; enfin, quand je dis "battre" je devrais dire dialoguer, argumenter et montrer l'exemple dans les lieux d'Eglise qui s'y prêteront!