Noël témoigne de la foi de Dieu en l'homme

Publié le par Garrigues et Sentiers

La fête de la Nativité me donne l'occasion de répondre à l'interpellation de René Guyon, Le Nouveau Testament : pas une mémoire, mais un copié-collé ? Je ne reviens pas sur l’existence ou non de Jésus, d'autres lecteurs y ont répondu, elle ne semble contestée par personne.

 

Au siècle dernier, des chrétiens ont élaboré une théologie dite de la mort de Dieu. La conséquence en a été une survalorisation de Jésus comme figure du christianisme, dont on ne savait plus bien s'il était encore Fils de Dieu (puisque ce dernier était mort) ou simplement homme, à la limite surhomme (Nietzsche n'était pas très loin). Je pense que ce mouvement a laissé plus de traces qu'on ne le croit, avec pour conséquence un Jésus idolâtré. Pour mémoire, les disciples n'ont pas cessé de céder à cette tentation d’idolâtrer leur maître et une des réponses de Jésus a été des plus claires : « Arrière Satan ! ». Faire des figures chrétiennes des idoles est une tentation constante (voir le culte marial).

 

Je me demande, si, avec l'ouvrage de Nanine Charbonnel cité par René Guyon,  Jésus-Christ, sublime figure de papier, on n'assiste pas à une sorte de « retour du balancier », à savoir la mort de Jésus (pas la mort sur la croix, mais son absence historique) en tant que figure centrale de la révélation chrétienne. S'il s'agit d'en terminer avec une certaine idolâtrie qui a fini par faire de Jésus une « sublime figure de papier », pourquoi pas ? Après tout, les idoles fabriquées par le père d'Abraham étaient des figurines... en bois ou en terre cuite (je ne sais plus trop). Avec pour conséquence, je suppose, un retour à Dieu le Père, mais, comme il n'a plus de Fils, c'est... Dieu tout court, Dieu seul.

 

La question qui vient tout de suite à l'esprit, le Dieu de Nanine Charbonnel n'est-il pas tout simplement le Dieu du premier Testament, celui de nos frères restés fidèles à la religion judaïque ? Car qu’élimine-t-on en niant l’existence historique de Jésus ? Ce n'est pas simplement une question d'histoire, c'est tout simplement le cœur de la révélation chrétienne : le Verbe de Dieu est devenu chair.

 

Le dialogue avec la religion juive est indispensable, les chrétiens n'ont que trop longtemps négligé la lecture de l'Ancien Testament ou en ont fait une lecture christiano-centrée (voir l'article du groupe « Jérusalem Ensemble », "Un enfant nous est né, un fils nous est donné : qui est visé dans ce verset d'Isaïe ?). Mais une condition demeure pour que ce dialogue ait un sens, c'est que chacun sache d'où il parle et que l'on n'ait pas en arrière-pensée je ne sais quelle unification judéo-chrétienne. Nous avons beaucoup de choses en commun avec la spiritualité juive, à commencer par un texte commun, mais nous avons aussi des différences que l'on n'abolira pas : le Verbe de Dieu qui devient chair en est l'une des principales.

 

Noël est la fête de la Nativité, fête d'un enfant nouveau-né, certes, avec l'espérance qu'il représente. Mais c'est aussi la fête de l'Incarnation du Verbe et on l'oublie un peu trop. Ce renversement complet qu'est l'Incarnation est spécifique de la révélation chrétienne Je me permets de reproduire un extrait d'un texte que la théologienne Marion Muller-Collard a écrit à cette occasion :

 

« J’ai longtemps cru que j’étais chrétienne à cause de Pâques. Toutefois, récemment, je me suis rendu compte que l’incarnation est première et conditionne tout. À mon sens, vivre l’esprit de Noël, c’est avant tout raviver le récit biblique de la Nativité. Et pour cela, il faut renverser ce que j’appelle « l’esprit religieux », un ensemble figé de ce qu’il faut croire ou non.

À l’inverse, Noël témoigne de la foi de Dieu en l’homme. Il accepte sa propre limitation pour se vouer corps et âme aux hommes. Il accepte de se confronter à cette humanité fragile, blessée. Pourtant, dans les Évangiles, les occasions où les hommes trahissent cette confiance sont nombreuses. L’esprit de Noël, c’est recevoir la confiance que Dieu met en nous, malgré tout. »

 

Pierre Locher

Publié dans Signes des temps

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L
Précieux rappel de ce que le cœur de la révélation chrétienne tient en ce pas inouï qu'elle fait accomplir au monothéisme : " le Verbe de Dieu est devenu chair". La citation de la théologienne Marion Muller-Collard éclaire au reste admirablement la conviction "que l’incarnation est première et conditionne tout". <br /> <br /> Mais la lecture de l'article de Pierre Locher n'est-il pas aussi l'occasion de poser, ou de se reposer, une question qui a sans doute infiniment plus de sens que celle de l'existence ou non du personnage historique de Jésus : l'incarnation n'est-elle pas un temps (disons un temps de l'épopée du salut et du parcours de la création) qui s'achève avec la résurrection au tombeau mettant face à face le ressuscité et Marie de Magdala? Seul moment où la résurrection nous est lumineusement proposée comme étant celle de la chair - le "Cesse de me toucher", pris ici comme indice, renvoyant aux prescriptions de "pureté’’ de la Loi qui interdisent le contact corporal entre le Fils de l'Homme et cette femme, unique et exemplaire témoin, entre Jésus et celle qui toute entière à son amour, l'appelle Rabbouni.<br /> <br /> Les autres "apparitions" données comme post mortem de Jésus - qu'il ne soit pas d'emblée reconnu et identifié par des accompagnateurs de son enseignement (l'hésitation à cet égard de Marie de Magdala viendrait, elle, plutôt du halo qui devait entourer le mystère de la victoire du Messie sur la mort, si elle n’était pas faite d’un trouble intérieur devant la mesure de l’inconcevable), ou qu'il traverse les murs ou les portes, donnent à penser qu'elles appartiennent au registre de l'allégorie, du symbole, du récit miraculeux ; et à celui, pédagogique, du message à faire passer : par le toucher les stigmates un jour, par la représentation d’une élévation un autre et dernier jour.<br /> <br /> Ce questionnement de l’incarnation, le questionnement de sa ‘’durée’’, prolonge l'hésitation, ou le malaise, que beaucoup ressentent devant le culte rendu à Jésus. S'il est toujours possible et concevable, dans l'intime ou le collectif du cheminement de la foi et de l’expérience spirituelle, de se replacer dans le temps messianique pour entendre la voix du Christ - après tout, la chronologie dans laquelle s'inscrit ce temps messianique ne compte que comme calendrier humain et est totalement étrangère à la transcendance -, "l'histoire de Jésus" ne figure-t-elle pas l’incarnation du Verbe comme une parenthèse, une parenthèse au demeurant ré ouvrable et refermable ? Comme un épisode dans le projet de Dieu pour ses créatures et pour notre monde, un épisode dont néanmoins nous percevons qu’il est indissociable de ce projet, ou consubstantiel à celui-ci.
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L
Et si le mystère de l'Incarnation était, plutôt que celui de Dieu qui s'incarne dans un homme à un moment de l'histoire, celui de l'homme, des Fils d'homme qui, à la suite de Jésus, (re)découvrent en eux l'image de Dieu à la ressemblance duquel ils ont été créés (Gn 1, 27). "Le Fils de l’Homme veut réhabiliter une Création sortie des eaux primordiales et du limon originel disparue sous un fatras de prescriptions religieuses. Ecartant la conception d’un Dieu venant d’en haut et s’imposant à l’homme à travers une hiérarchie royale et sacerdotale, Jésus propose aux hommes de le suivre pour se ressourcer dans l’Adam, l’Humain, tirés du limon par le Créateur et retrouver ainsi en eux l’image de Dieu inscrite en lui". Voilà où me conduit ma réflexion dans l'article, "Le Fils de l'Homme", que j'ai fait paraître sur mon blog : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2017/11/le-fils-de-l-homme.html
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