Toussaint 2025
« Il vient en chantant, le peuple des sauvés : immense fresque de joie, amour aux cent visages, qui forment ensemble, dans la lumière, la seule icône de gloire, Jésus-Christ. » (chant liturgique)
Dieu seul est saint, saint tout comme gloire est en quelque sorte la définition de Dieu, pas un simple attribut. En première analyse est saint l’humain qui vit de la vie de Dieu. Dans son exhortation « Gaudete et exsultate » (1), le pape François proclame cet appel :
« Je voudrais rappeler par la présente Exhortation l’appel à la sainteté que le Seigneur adresse à chacun de nous, cet appel qui s’adresse à toi aussi : “Vous êtes devenus saints car je suis saint”.» (Lv 11, 44)
Qui et que célébrons-nous en cette fête ? Au premier abord nous célébrons les saints du ciel, ceux que l’Église a canonisés, « «foule innombrable». Mais pourquoi les a-t-elle déclarés saints ? Majoritairement des personnes consacrées, ils ne sont pas des exemples à suivre par nous, laïcs, mais sont un témoignage de l’action de l’Esprit en eux et parmi nous, « signes visibles d’un cœur qui bat au rythme de l’Esprit » a écrit O. Praud (fascicule Magnificat). Dans son exhortation Gaudete et exsultate (1), le pape François écrivait :
« Ce qui importe, c’est que chaque croyant discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de lui-même, ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf 1 Cor 12,7) et qu’il ne s’épuise pas en cherchant à imiter quelque chose qui n’a pas été pensé pour lui ».
Pour canoniser quelqu’un, l’Église considère « l’héroïcité des vertus », mais il ne peut s’agir d’une exigence morale donnant droit à la sainteté. On parle aussi de « saints laïques » au sujet de personnes hautement morales; même Confucius définit une sainteté, par l’authenticité d’une vie morale, et cela sans se préoccuper d’un dieu quelconque. La perfection morale n’est pas la sainteté chrétienne. Ne nous préoccupons pas de notre « héroïcité »! Le cardinal Nguyen Van Thuan parlant de son séjour en prison, écrivait :
« Je saisis les occasions qui se présentent chaque jour pour accomplir les actes ordinaires de façon extraordinaire », c’est-à-dire comme reflet de l’amour de Dieu. Pour les chrétiens, l’héroïcité des vertus est un reflet humain de la sainteté de Dieu. C’est Dieu que nous célébrons quand nous célébrons la sainteté d’une personne.
Nous pouvons aussi célébrer ceux qui nous ont précédés, ils sont sauvés. N’oublions pas cette phrase du Credo : « Il est descendu aux enfers » : le Christ ne veut pas de laissés-pour-compte, tous sont appelés à la sainteté, c’est-à-dire à la vie de Dieu, il est allé les chercher tous. Les saints que nous vénérons en ce jour, nos ancêtres, sont saints parce que l’Esprit de Dieu est en eux, ils sont des pécheurs saints, saints parce que pardonnés ! Cette fête est alors aussi une fête du souvenir, rattachée bien naturellement au « Jour des morts » du lendemain. La mort fait partie de la vie, elle en est le point d’orgue qu’il ne faut pas occulter. Il est bon, une fois par an, de nous souvenir que la mort est une épreuve qui n’est pas le dernier mot, que nos « disparus » ne sont pas vraiment disparus, que la communion des saints est une réalité (communion des vivants et des morts), union des saints que sont nos défunts avec les saints pécheurs que nous sommes.
Alors peut-être cette fête est-elle une célébration de la sainteté de Dieu à travers celle de tous les saints, ceux du ciel et nous sur la Terre, la fête de « tous les saints » mais aussi de « tous saints ». Une célébration de la gloire de Dieu par tous les hommes :
« Et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues... Et ils s’écriaient d’une voix forte : “Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau !”» (Ap 7, 9-10)
La sainteté de Dieu nous attire auprès de Lui, elle nous sanctifie, c’est-à-dire nous fait vivre de son Esprit. Notre sainteté est à la mesure de la vie de l’Esprit en nous (sainteté à ne pas confondre avec la sacralisation - bien discutable - des objets ou des personnes qui sont liés au culte, Jésus était saint sur terre, pas sacré). La sainteté est un don de Dieu, elle est sa grâce. Ce don nous amène à essayer d’y répondre par toute notre vie et peut donc nous appeler à l’héroïcité des vertus évoquée plus haut, pour refléter parmi nous l’amour de Dieu. Sur terre, le saint est celui qui accueille l’amour de Dieu, qui accueille son Esprit, à travers toutes les difficultés qu’il éprouve et au-delà de ses péchés qui sont pardonnés.
Dieu tient à notre sainteté, c’est-à-dire à ce que nous vivions de sa vie. Il s’est toujours penché avec amour vers les hommes (contrairement au Ciel de Confucius qui est fondamentalement séparé, pouvant seulement envoyer aux hommes un « souffle» qui les aide à acquérir par eux-mêmes leur sainteté). Les hommes, dans le Premier Testament, ont témoigné de ce désir de véritable sainteté de leur part et de la part de Dieu :
« J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté » (Ps 26, 4).
Et en réponse Dieu manifeste son désir de donner vie aux hommes :
« Une femme oublie-t-elle son petit enfant… ? Même si les femmes oubliaient, moi je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15-16), ou encore
« Les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas » (Is 54, 10).
Et Jésus, évidemment, renchérit à plusieurs reprises : Pensons à la brebis perdue, « Il y a plus de joie...etc. » Ou encore :
« Celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors...La volonté de Celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde rien de tout ce qu’Il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour »(Jn 6, 37.39).
« Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu...Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’Il est »(1Jn 3, 2). Enfants de Dieu, et donc saints, mais encore infidèles !
Finalement cette fête pourrait être celle de la contemplation de la sainteté de Dieu à l’œuvre dans les pécheurs que nous sommes. Et cette contemplation introduit l’hymne de joie que sont les béatitudes, ou encore :
« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent » (Lc 11, 28), avec cette prière :
Que ton nom saint qui est lumière dans ma nuit, soit distingué des autres pour être gravé dans mon cœur, signe de l’Esprit et gardé pour la paix.
Marc Durand
(1) Exhortation apostolique « Gaudete et exsultate », 19 mars 2018. Cette exhortation serait à lire entièrement, on la trouve sur le site du Vatican.
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