Au sujet de la notion de prochain dans le Judaïsme
Israël Shahak, Juif israélien né en Pologne, interné à Belsen, a écrit un livre intitulé « Histoire juive - Religion juive - Le poids de trois millénaires » Éditions : La Vieille Taupe – Paris1996).
Le chapitre 5, consacré aux lois contre les non-juifs, comporte un sous-chapitre intitulé : « Sauver la vie » dont j’extrais les passages suivants :
« Vis-à-vis des gentils, le principe talmudique fondamental est que leurs vies ne doivent pas être sauvées, même s’il est défendu de les tuer délibérément. » Ce que le Talmud lui-même exprime par la maxime : « quant aux gentils, il ne faut ni les retirer [d’un puits] ni les pousser [dedans]. »
Maïmonide explique : « Quant aux gentils avec qui nous ne sommes pas en guerre […] il ne faut pas causer leur mort, mais il est interdit de les sauver s’ils sont en danger de mort ; si, par exemple, on voit l’un d’eux tomber dans la mer, il ne faut pas se porter à son secours car il est écrit : « et tu ne te mettras pas contre le sang de ton prochain » - mais il [le gentil] n’est pas ton prochain ».
En particulier, un médecin juif ne doit pas soigner un malade non juif. Maïmonide – qui fut lui-même un médecin illustre – est très clair là-dessus ; dans un autre passage il réaffirme la distinction entre « ton prochain » et un gentil, et conclut : « et donc apprenez qu’il est interdit de guérir un gentil même contre paiement. »
Toutefois, le refus de la part d’un Juif – et notamment d’un médecin juif – de sauver la vie d’un gentil risque, si la chose se sait, de susciter l’hostilité de non-juifs puissants et, partant, de mettre des Juifs en danger. L’obligation de parer à un tel danger, s’il existe, l’emporte sur la défense d’aider ce gentil. Aussi Maïmonide poursuit-il : « […] cependant si vous le craignez, ou que vous redoutiez son hostilité, soignez-le contre paiement, mais il est interdit de le faire sans rétribution ». De fait, Maïmonide lui-même était le médecin personnel de Saladin. Son insistance sur l’exigence d’un paiement – probablement pour bien veiller à ce que cet acte ne relève pas de la charité mais de la contrainte – n’est pourtant pas absolue.
Car dans un autre passage, il permet de soigner « même gratis, si cela s’impose », un gentil dont l’hostilité est à redouter.
Toute cette doctrine […] est répétée presque mot pour mot dans les autres œuvres faisant autorité, notamment au XIVème siècle […]
Les autorités halakhistes s’accordent pour considérer que le terme « gentils », dans cette doctrine désigne tous les non-juifs. Seul un de ces docteurs, le rabbin Moses Rivkes […] a émis une opinion divergente : « Nos sages, écrit-il, ont dit cela uniquement à propos des païens […] Mais les gentils [parmi qui nous vivons] croient dans la création du monde ex nihilo et dans l’Exode et dans plusieurs principes de notre propre religion. […] Non seulement il n’existe aucune interdiction de les aider, mais nous avons même l’obligation de prier pour leur sécurité ».
Ce passage, qui date de la seconde moitié du XVIIème siècle, est une citation favorite des apologistes érudits(1) (cf. note de fin de page). En réalité, […] il prône de lever l’interdiction de sauver la vie à un gentil et non pas de rendre cet acte obligatoire comme dans le cas d’un Juif ; d’ailleurs, ce libéralisme ne s’étend qu’aux Chrétiens et aux Musulmans, pas à la majorité des êtres humains. Ce que cet avis de Rivkes montre surtout, c’est qu’il existait une possibilité de libéraliser peu à peu la doctrine rigoureuse de la Halakhah. Mais la plupart des autorités halakhistes ultérieures, loin de continuer dans cette voie en étendant la clémence de Rivkes aux autres groupes humains, l’ont
rejetée totalement. »
Geneviève :
Un commentaire à
Gaza/Israël : Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire
(1) Note de bas de page du livre : « Ainsi le professeur Jacob Katz, dans son ouvrage en hébreu « Entre Juifs et Gentils » ainsi que dans sa version anglaise plus nettement apologétique « Exclusiveness and Tolérance », ne cite textuellement que ce passage dont il tire cette conclusion stupéfiante : « pour ce qui est de l’obligation de sauver la vie, aucune discrimination ne doit être faite entre Juif et Chrétien ». En revanche, il ne cite aucune des grandes autorités auxquelles je me réfère ci-dessus et dans le sous-chapitre suivant.