Mise au point sur l’article « Au sujet de la notion de prochain dans le judaïsme »
Afin d’en faciliter la lecture, nous publions souvent sous forme d’articles les commentaires trop copieux qui nous parviennent : ainsi pour celui d’une de nos lectrices à l’article de Delphine Horvilleur Gaza/Israël : Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire que nous avons mis en ligne le 16 juin sous forme d’article intitulé Au sujet de la notion de prochain dans le Judaïsme.
Suite à cette publication, un de nos lecteurs, René Roudaut, vient de nous adresser sous forme de commentaire une très utile mise au point que nous publions également ci-dessous sous forme d’article.
G & S
L’article Au sujet de la notion de prochain dans le judaïsme cite des extraits du livre d'Israël Shahak (1933-2001), Histoire juive – Religion juive : Le poids de trois millénaires, pour donner une image complètement à l'opposé de l'œuvre et des idées de l'auteur. Israël Shahak, né à Varsovie dans une famille juive orthodoxe, a survécu au Ghetto de Varsovie et au camp de concentration de Bergen-Belsen. Il a émigré en Palestine en 1945 et a servi dans l'armée israélienne avant de devenir professeur de chimie organique à l'Université hébraïque de Jérusalem. Tout au long de sa vie, il a été un fervent militant des droits de l'homme, critiquant ouvertement la politique des gouvernements israéliens et plaidant pour une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien. Ses positions tranchées et ses critiques du sionisme et de l'orthodoxie juive lui ont valu d'être une figure très controversée en Israël, où il a souvent été qualifié de "traître" ou de "juif qui se hait lui-même" par ses détracteurs.
Dans l'ouvrage cité, Shahak se livre à une critique acerbe du judaïsme orthodoxe et de son influence sur la société et la politique israéliennes. Il soutient que le fondamentalisme juif, fondé sur une lecture littérale du Talmud et des lois rabbiniques, contient des éléments dangereux de chauvinisme et de fanatisme religieux. L'un des exemples frappants qu'il donne est celui d'un incident où un Juif ultra-religieux aurait refusé d'utiliser son téléphone le jour du Sabbat pour appeler une ambulance au secours d'un voisin non-juif en détresse, un acte que le tribunal rabbinique aurait validé. Cette anecdote l'a poussé à approfondir ses recherches sur les lois talmudiques. Selon Shahak certains aspects du judaïsme classique sont utilisés pour justifier une politique israélienne qu'il juge raciste, totalitaire et xénophobe, en particulier envers les non-Juifs en Israël et au Moyen-Orient. Il établit un parallèle entre le fondamentalisme juif et d'autres fondamentalismes religieux (notamment musulman), soulignant que le premier est souvent ignoré ou minimisé en Occident. Le livre aborde la question de l'exclusivisme de la religion juive et son impact sur la vision d'Israël en tant qu'État-nation. Selon lui, Israël en tant qu'État juif constitue un danger non seulement pour lui-même et ses habitants, mais aussi pour les autres Juifs et les peuples du Moyen-Orient.
Le livre a été très controversé et a suscité de vives réactions, tant en Israël qu'à l'étranger. Il est souvent cité par ceux qui critiquent la politique israélienne et les aspects nationalistes ou religieux du sionisme. Des personnalités comme Gore Vidal et Edward W. Said ont préfacé l'ouvrage, Noam Chomsky saluant également le travail de Shahak.
Le livre a été utilisé par des cercles antisémites pour justifier leur discours, déformant totalement la pensée de l'auteur. Je suis étonné que Garrigues et Sentiers se soit fait l'écho d'une lecture aussi erronée de l'œuvre de Shahak, reprenant les plus vieux poncifs de l'antisémitisme.
René Roudaut
N.D.L.R : Pour en savoir plus sur Israël Shahak, son œuvre, les controverses et les récupérations qu'elle a suscitées, on pourra utilement se reporter à la notice de Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Israël_Shahak