A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Dimanche de la Sainte Trinité 15/06/2025

Pr 8, 22-31 ; Ps 8 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15

Les textes de ce jour ne nous éclairent guère sur la Trinité. Elle est difficile à «saisir» par la seule intelligence spéculative. Elle est pourtant fondamentale dans la foi chrétienne, d’autant plus que son dogme est reçu par toutes les Églises.

La difficulté à se «représenter» ce «mystère» est mise en évidence à travers les tentatives plus ou moins heureuses de sa traduction visuelle. On fait habituellement figurer le Dieu unique et trine par un groupe de trois personnes : soit le Père en paternel vieillard, le Fils souvent crucifié et l’Esprit sous forme de colombe 1 ; soit, simplement, comme trois êtres humains similaires. La première apparition d’une image conservée de cette seconde version semble être un sarcophage de la première moitié du IVe siècle, trouvé à Saint-Paul-hors-les-Murs. Plus connu le tableau de Roublev (début XVe siècle). Mais d’autres représentations, au Moyen-âge, ont tenté d’en exprimer toute la complexité. Exemples, classés hérétiques : un seul corps à trois têtes, ou bien une femme parmi les trois personnes 2 !

 

Comme beaucoup de nos tentatives pour approcher la «vérité» de Dieu, la Trinité ne se conçoit donc ni spontanément ni aisément 3. Sa formulation n’est pas explicite dans le Nouveau Testament, même si l’on en trouve les éléments constitutifs. Chacune des «personnes» est bien désignée, comme dans la 2e épître aux Corinthiens : «que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communication du Saint-Esprit soient avec vous tous» (2 Co 13,14) ; ou dans l’évangile de Matthieu : «Allez, faites de toutes les Nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit» (Mt 28,19). Elle a été formalisée lors du premier concile de Constantinople (381).

 

La définition de la Trinité insiste sur l’égalité des trois personnes. Un sommet de sophistication dans son énoncé se rencontre dans le très long symbole dit de saint Athanase, dont les formules rythmées et antithétiques reprennent, sous divers angles, les mystères de la Trinité et de l’incarnation. : «Voici quelle est la foi catholique : Vénérer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans lunité, Sans confondre les personnes ni diviser la substance. La personne du Père est une, celle du Fils est une, celle du Saint-Esprit est une. Mais une est la divinité du Père et du Fils et de lEsprit Saint, égale leur gloire, coéternelle leur majesté. Comme est le Père, tel est le Fils, tel est lEsprit Saint…».

 

La Trinité est présentée comme une entité en trois «personnes». On a beau dire que les mots «personne», «essence», «substance»… utilisés pour la définir ne désignent pas la même chose dans la philosophie grecque, dont sont imprégnés les Pères de l’Église voulant traduire les «mystères de la foi», et le langage d’aujourd’hui, le concept ainsi formulé n’est peut-être plus totalement compris. On constate qu’il a même pu paraître non seulement incompréhensible, mais inadmissible par les tenants d’un monothéisme radical. Ainsi le Coran (4,171) a mis en garde les chrétiens de son temps, peut-être confronté par leurs antagonismes théologiques incessants : «Jésus, fils de Marie, n’est qu’un messager de Dieu … ne dis pas trois … Dieu n’est qu’un Dieu unique, il est trop glorieux pour avoir un fils».

Il est vrai que les trois «personnes» ne sont pas séparées (ce qui induirait un polythéisme), mais interdépendantes. C’est même cette relation existentielle constante, qui donne, au delà du dogme, un sens spirituel à la Trinité,. Elle est l’une des meilleures manières de présenter symboliquement, à notre faible compréhension, ce qu’est l’amour divin, tout donné. La «divinité» de la troisième personne manifeste ce rapport d’amour unique et unifiant, dont témoignent les échanges permanents et réciproques entre le Père et le Fils.

 

Espérons que le développement ci-dessus n’est pas trop hérétique, il ne voudrait en tout cas, paraître en rien blasphématoire. La Trinité ne peut se comprendre que dans l’inspiration du Saint Esprit, dont la théologie et le culte ont bien longtemps été négligés par un catholicisme romain tout christ o-centré.

Une approche plus simple, plus humble et plus vraie s’exprime dans la dernière strophe de la célébrissime prière de la carmélite Élisabeth de la Trinité (1880-1906), O mon Dieu, Trinité que jadore (1904) : «O mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds […] en attendant d'aller contempler en votre lumière l'abîme de vos grandeurs».

Marcel Bernos

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1. Telle qu’elle descendit du ciel au baptême de Jésus (Mt 3,16 ; Mc 1,10 ; Lc 3,22)

2. Peut-être parce qu’en hébreux, l’Esprit, le souffle (rouah) est féminin.

3. Dans le film «2001, Odyssée de l’espace», on a suggéré le divin par une dalle parallélépipédique noire. On pourrait pour la Trinité utiliser une pyramide à côtés en triangles isocèles. Elle traduirait, symboliquement, sa définition avec ses 3 «faces« (persona en latin désigne un «masque») égales en un «volume» unique. Mais une proposition de Sabellius (IIIe S.), présentant le Père, le Fils et le Saint-Esprit comme trois «aspects» de l’être divin, et non comme des «personnes», fut condamnée par des conciles sous le nom de modalisme.

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