Black dog, film chinois de Hu Guan Hu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Black dog, film chinois de Hu Guan Hu

Si je vous parle d’un film chinois contemporain, spontanément vous vous attendez à une œuvre qui va illustrer le système hybride, à la fois totalitaire, antidémocratique, communiste, à la fois pourvu d’une économie capitaliste branchée sur le marché mondial ? Mais notre réalisateur Hu Guan Hu nous prend au dépourvu : comme la mer se retire et laisse voir une plage abandonnée avec des traces de vies et des épaves inattendues, le régime chinois s’est retiré d’un territoire périphérique, en proximité du désert de Gobi, et nous permet d’observer les comportements inattendus d’une population livrée à elle-même.

Au travers d’un évènement singulier : les habitants d’une ville aux prises avec des bandes de chiens errants, conséquence d’un exode urbain lié à la désindustrialisation du territoire, nous vivons le retour de Lang, sorti de prison, de retour dans sa ville, dans cette ville, confronté aux divers problèmes de la vie ordinaire : se loger, retrouver son père, trouver un moyen de subsistance…

Nous ne vous raconterons pas ses aventures, d’une part pour vous laisser le plaisir de la découverte, d’autre part pour attirer votre attention sur l’inattendu, l’arrière-fond de la peinture sociale qui se dévoile : par exemple ce qui reste du régime autoritaire – des voix anonymes qui s’époumonent à la radio pour annoncer l’ouverture des jeux olympiques de Pékin mais que personne n’écoute, un régime politique toujours présent à la façon d’une main invisible qui détruit l’environnement urbain et dont les habitants subissent les conséquences, ils ne sont pas partie prenante des décisions municipales. On imagine sans peine qu’on ne leur a pas demandé leurs avis.

Plus surprenant, une Chine ancienne ancestrale se dévoile dans des rites de conciliation pour résoudre les conflits entre les personnes. Dans cet espace politique en périphérie éloignée du pouvoir central renaît un mode de vie réglé par des usages traditionnels, la société décrite se montre pacifique, encline à la conciliation, il y a des règles édictése par les pouvoirs mais dans cet espace « on » s’accommode des règles : Lang, le héros du film n’a pas le droit d’avoir un chien mais bon, il aime son chien, « on » lui accorde cet arrangement, sous réserve de l’enregistrement de l’animal. C’est assez rare pour le noter, et cela va à l’encontre de la violence qui sévit non seulement dans les sociétés totalitaires mais aussi dans nos sociétés démocratiques, tous les conflits relationnels évoqués dans le film trouvent leur solution.

Lang ne parle pas, c’est un homme qui agit, on le perçoit comme un homme bon, plein d’humanité et sa relation aux chiens est exemplaire du souci et de la protection du vivant, elle lui offre une ouverture existentielle dans un environnement où si la population ne vit pas en lien avec la nature et les vivants, elle n’a plus grand-chose à attendre du capitalisme d’état à la sauce chinoise !

Les hommes et les femmes qui résident dans cette ville abandonnée se révèlent très éloignés d’un fanatisme militant communiste, ils témoignent plutôt d’un lien avec la nature et quand la radio martèle des slogans du genre « marcher la tête haute et l’âme fière » pour célébrer les JO, ils désertent en masse la ville pour observer une éclipse solaire à partir des dunes désertiques environnantes. Quant aux chiens abandonnés, ce que nous donne plutôt à voir ce récit c’est l’amour des Chinois pour les animaux et le père de Lang qui meurt à l’hôpital lui recommande de soigner le tigre de Sibérie du zoo car « mon gros chat ne supporte pas de manquer un repas ! » (de plus repas végétarien dont l’animal s’est accommodé).

Nous sortons du film en grande sympathie avec son héros Lang et les habitants de ce territoire et si je vous avoue que cette sympathie concerne aussi les policiers chargés de sa surveillance, vous doutez de mon jugement car tous les régimes totalitaires sont associés à la répression policière des citoyens mais dans cette histoire particulière, ils nous démontrent qu’un usage modéré de la force est possible accompagné d’une vigilance protectrice.

Vous refusez de me croire…? Allez voir le film Black dog et n’oubliez pas que vous avez toute possibilité de témoigner sur le blog de Garrigues & Sentiers à quel point je n’ai rien compris !

Christiane Giraud-Barra

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