A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

2ème Dimanche de Carême (année C) 16/03/2025

Gn 15, 5-12… ; Ps 26 ; Ph 3, 17 – 4, 1; Luc 9, 28-36

 

Parmi les textes de ce jour figure l’un des plus saisissants du Nouveau Testament, des plus lus, en tous cas des plus riches : la Transfiguration. seconde théophanie après le baptême et avant la Résurrection.

Jésus part prier. Il va vers la montagne. Celle-ci, surtout si elle est désertique, ce qui est le cadre naturel de ces régions du Proche-Orient, est le lieu symbolique, propice à la retraite, où l’on peut rencontrer Dieu. C'est sur le Sinaï que Moïse a reçu les Tables de la Loi (Ex 34 et Dt 9,10) ; sur l'Horeb, qu'Élie est monté pour rencontrer son Dieu (1 Roi 19, 9-14) ; c’est au désert que Jésus a affronté les «tentations» (Mc 1, 12). Dans ce mouvement, Jésus n’est pas seul, il est suivi par Pierre, Jacques et Jean, les trois disciples que l’on retrouve à des moments importants de la mission, telle la résurrection de la fille de Jaïre : «Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.…» (Mc 5,37).

On ne sait pas précisément ce qu’ont fait ses disciples en l’attendant. Luc dit que, quoique «accablés de sommeil» (comme à Gethsemani.), ils y résistent, stimulés bientôt par la vision de la «gloire» de Jésus et la présence de «deux hommes» à ses côtés. Or ces deux hommes, Moïse et Élie —symboles de la Loi et des prophètes — vont précisément être les interlocuteurs de Jésus sur cette montagne ; ils parlent avec lui de sa mission à venir. Ils deviennent caution à la fois de sa judéité et du fait qu'il est un continuateur (réformateur ?) de la foi juive, exprimée dans la Loi, quil est venu accomplir et non abolir (Mt 5,17).

 

L’action se place après la première annonce de la Passion (Lc 9, 22) : on a pu dire que c'était pour étayer la foi des disciples avant qu’ils assistent, désemparés, à l'atrocité de la Crucifixion et de la mise au tombeau. du maître, qui était aussi celle de leurs espérances.

Devant eux, Jésus en prière donc en contact intime avec son Père leur est apparu autre. Cet homme avec lequel ils parlent, marchent, mangent et œuvrent depuis trois ans, manifeste ici qu’il est plus qu’un homme, plus qu’un simple rabbi, plus qu’un prophète. Or ce n’est pas en partageant le quotidien de leur vie quil leur apparait autre, même si les échanges, au cours de son enseignement ou les repas fraternels partagés ont dû souder le groupe (exemple de la Cène), mais alors qu’il prie. C'est dans sa fonction de priant qu'il devient l’Autre. En se révélant aux disciples, il va les révéler à eux-mêmes ; et nous invite encore à sortir de nous-mêmes.

Une fois de plus, Pierre ne comprend rien, « il ne. savait pas ce qu'il disait». Il cède à la tentation de l’installation : «dressons trois tentes», avec cette spontanéité, qui est sa qualité première et son défaut principal. Cette courte vue de l’immédiat est balayée par la rapidité de la scène. Plus tard, les successeurs de Pierre diront : «bâtissons des églises, faisons y des cérémonies théâtrales, organisons notre société pour durer»… On est là au cœur d’une des tentations de l’Église : établir une institution figée, fixer les normes sans rapport dynamique avec le réel, créer une hiérarchie complexe entre les fils de Dieu, censément égaux si l’on en croit la leçon de Paul aux Galates (Ga 3, 28) ; définir finalement une construction trop «humaine», quand le Seigneur proposait un élan vital.

 

Les théophanies sont dures à admettre dans la -simplicité. Au lieu d’être pénétrés par l’extase offerte, les disciples « furent saisis de terreur». Et puis, les passages de Dieu sont fugaces. La « transfiguration» n’a duré que le temps où s’exprimait la Parole de Dieu transmise dans la « nuée de l’inconnaissance» signe de la présence de Dieu pour confirmer Jésus dans son statut de Fils. Aussitôt, les témoins de l'Ancienne Alliance disparaissent, « on ne vit plus que Jésus seul». Cela souligne, au dire d’exégètes, son statut d'unique Médiateur. La disparition de Moïse et d’Élie «libère» en quelque sorte les disciples. Ils n'ont plus devant eux qu’un homme, celui-là même qu'ils croient pleinement connaître parce qu'ils vivent avec lui depuis trois années, et qui les fait s’interroger sans cesse.

Seule attitude digne de cette « vision», qu’ils n’ont pas saisie dans sa totalité : « ils gardèrent le silence». Sans doute ont-ils fait comme Marie qui, devant les événements déconcertants et difficiles à interpréter de la vie de Jésus les gardait dans son cœur…

Examinons en toute clarté ce que la Transfiguration représente pour nous.

Marcel Bernos

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