Le catholicisme d'ouverture et ses promesses
Nous avons péché par naïveté, nous qui voulons un catholicisme réconcilié avec le monde et non hostile, en pensant que l’Église allait s’inscrire sans retour dans la dynamique d’un Vatican II qui était « boussole », Concile programmatique.
En des temps de sécularisation, d’incertitude, d’effacement, de crise, mais aussi de « renaissances » qui sont des contre-révolutions, de radicalités et de virtuosités religieuses qui dissimulent mal un néo-intégralisme, nous n’avons pas voulu voir ou vu qu’un immense Concile pastoral et missionnaire qui voulait une Église « semper reformanda », pourrait être et serait regardé, comme un point d’arrivée, une histoire à oublier, un mouvement à effacer, ce qui pouvait arriver à l’Église de plus délétère, dommageable, néfaste, préjudiciable, toxique. Ceci se chuchote, se dit, s’enseigne.
Ils se sont investis dans toutes les causes qui veulent l’amour du frère, figure même du Christ réel, concret. Ils se sont laissé remplacer peu à peu dans la conduite des services qui « fabriquent » ordinairement.
Ils ne peuvent ni ne veulent se laisser enfermer dans des groupes affinitaires « refuges » où les blocages, les immobilismes, les conservatismes, les conformismes, ou les hostilités parfois, les conduisent et voudraient les tenir.
Ils peuvent être tentés par l’exit aimant trop l’Église pour être partie prenante de ce qu’elle devient, ou paraît vouloir être et de ce qui s’y passe.
Ils veulent que leurs groupes et communautés soient des « laboratoires » qui inventent l’Église renouvelée, l’Église de demain.
Ils s’interrogent sur ce que c’est que d’appartenir. Ils se demandent légitimement quelle est la signification attribuée au maintien d’une façade d’unité, envers et contre tout. Ils plaident pour un pluralisme. Ils imaginent possible de faire vivre ensemble un catholicisme qui soit une Église d’Églises. Ils entrevoient une « unité » qui ne se confond pas avec l’« unanimisme ».
Ils souhaitent que l’Église affronte vraiment, sans se dérober, la crise de légitimité de son clergé, la crise d’« obéissance » à ses instructions, la crise de sa discipline et de sa doctrine.
Ils sont entrés dans une démarche intellectuelle d’« exégète », de « théologien », d’« historien, d’« anthropologue », de « philosophe »… pour essayer de rendre compte de leur foi.
Ils sont très majoritairement orthodoxes en ce qui concerne la confession de foi fondamentale du christianisme – Dieu fait homme pour que l’homme devienne Dieu, Dieu ressuscité pour que tous ressuscitent – et hétérodoxes en ce qui concerne un certain nombre d’éléments de la doctrine officielle qu’ils questionnent, veulent voir fondamentalement repensés et réexprimés : sacrements, ministères, questions éthiques.
Ce qu’ils veulent en un mot, au-delà de leurs sensibilités, de leurs déceptions, de leurs craintes et constats, c’est que l’Église vive, c’est qu’elle soit l’Église du Christ.
Et pour que l’Église du Christ vive, ils doivent rassembler en une sorte de « manifeste » leurs expériences, dire publiquement quelles promesses ils portent, quelle « offre » ils font, quel dialogue avec tous ils recherchent, quelle Église ils veulent contribuer à construire avec qui et pour qui.
Ils doivent le dire ensemble, de manière lisible, claire et forte, pédagogique et prospective :
- aux baptisés rassemblés par les paroisses et les mouvements qui témoignent d’une fidélité à l’Évangile du Christ souvent silencieuse, mais constante ;
- aux baptisés qui ont perdu « la foi en l’Église » et en ce qu’elle enseigne et vivent une fidélité paradoxale ;
- aux baptisés qui ne sont ni dehors ni dedans ;
- aux baptisés qui cherchent une relation avec l’Église dans laquelle ils espèrent trouver une forme de bonheur, un soutien, une proposition qui dise que leur vie a du prix, une espérance…
- aux baptisés qui « font profession », confessent appartenir, envers et contre tout, dans l’adversité des indignations et rejets qu’entraînent les révélations qui n’en finissent pas sur les scandales, les violences et les crimes sexuels ;
- à celles et ceux dont les formes de « prise de parole » silencieuse ont laissé indifférent ou qui ont vu l’échange, la discussion, la confrontation des points de vue « interdits » d’Église, parce qu’empruntés à la vie démocratique ;
- à celles et ceux qui veulent une annonce de la « Bonne nouvelle » plus explicite, cherchent les voies et moyens d’un « apostolat » renouvelé, des formes d’expression de leur foi qui conjugue tradition et novation…
- à celles et ceux qui, dans notre société s’efforcent de vivre debout, fraternels et résilients selon la sequela Christi et l’imitatio (1), sans pour autant être affiliés ou proches de l’Église…
- aux indifférents qui conservent peut-être un « éthos chrétien » sur lequel pourrait s’articuler une proposition ;
- aux jeunes à qui la suggestion d’une réciprocité d’échanges avec un Dieu fait homme pour que l’homme devienne Dieu peut permettre de trouver une identité, une intelligence et un sens à leur vie…
Dire les promesses du catholicisme d’ouverture n’a rien à voir avec je ne sais quel nombrilisme d’une supposée « élite » catholique.
C’est rappeler que le catholicisme peut « être » sans « être » intransigeant. C’est évoquer un avenir pour l’Église, ouvrir les horizons quand des vents mauvais proposent des retours en arrière, quand les alignements, les préférences, les choix plus ou moins conscients, voire les stratégies encouragées peuvent être de fait qualifiés d’intransigeants, d’identitaires ou néo-intégralistes.
Osons dire les choses : l’Église catholique ne serait pas ou plus l’Église du Christ si son courant dit « d’ouverture » qui s’est affirmé dans les soubresauts de la Révolution, manifesté au moment de Vatican I, a ouvert les chemins du Concile, s’est mobilisé durant le synode sur la synodalité, a voulu la réconciliation de l’Église et du monde, se voyait peu à peu marginaliser par l’institution, ignorer, tenu sur les bas-côtés ou pour rien.
L’Église catholique risquerait alors de devenir une Église du repli, une Église en profonde et peu évangélique rupture avec l’âge anthropologique de la modernité… une Église autrement dit qui ne fait pas son chemin avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui, une Église hors-jeu incapable de réconcilier et de pacifier, de « panser » et de « guérir », de tenir les horizons ouverts.
L’Église ne peut s’affirmer aujourd’hui comme détentrice de vérités immuables et définitives sur des questions que le « magistère » déstabilisant de l’Évangile invite à reprendre. Elle ne peut s’enfermer dans des combats visant finalement à restaurer un ordre social, moral et religieux réactionnaire. Elle ne saurait être non plus une Église déiste, lointaine, désincarnée, presque aussi éloignée de la religion chrétienne que l’athéisme pour citer Pascal.
Tenir pour négligeable un catholicisme libéral serait encourager une volonté de puissance et de reconquête illusoire déployée par un catholicisme installé très à la droite de Dieu, autoriser un « autoritarisme » ecclésial doublé d’un dévotionnalisme affectif censé l’alimenter déjà trop présent. Ce serait renouer avec une Église hiérarchique et verticale et non d’abord communautaire, réinstaller la séparation entre prêtres et évêques, fidèles et hiérarchie, entre fidèles, hommes ou femmes, baptisés filles ou garçons.
Ce serait encourager et développer une suffisance catholique inacceptable et prendre le risque que l’Église soit perçue comme inapte au dialogue avec ceux qui vivent un humanisme informé par d’autres convictions religieuses ou philosophiques, et veulent coconstruire un avenir commun meilleur.
L’Église peut-elle laisser entendre que ce qui n’est pas lié à l’ordre qu’elle défend serait forcément inhumain ? que seule elle sauverait l’humanité de l’inhumain ? L’Église peut-elle, paniquée par ses effondrements, la perte de son statut social et politique dans les sociétés, laisser supposer, en voulant ignorer le catholicisme d’ouverture, que le Concile aurait été une parenthèse, serait un achèvement et un non le lancement d’un mouvement lié à son identité et à Celui qui en est le souffle ?
L’Église a-t-elle seulement une raison d’être si elle ne dialogue pas avec la modernité comme lieu de la réalisation possible du « royaume », si elle ne cherche, encore et encore, à vouloir habiter et réaliser le monde « déjà-là » du Royaume autrement qu’en adoptant une posture de rejet, de condamnation ?
L’Église peut-elle remplir sa mission annonciatrice si elle persiste à soutenir la « vérité » d’un catholicisme se refusant à reconnaître la liberté individuelle et les droits de l’homme ? L’Église peut-elle vouloir exister si elle ne clarifie pas ses rapports à la culture contemporaine, ne sort pas des tranchées dans lesquels elle s’était mise et dans lesquels elle paraît trop souvent vouloir à nouveau se retrancher ?
L’Église du Christ peut-elle exister vraiment pour le monde, au service des femmes et des hommes, à commencer par les blessés, les abandonnés, les rejetés, les stigmatisés, si le catholicisme qu’elle défend est défini, proposé comme intransigeant par nature ?
À un moment de l’histoire de l’Église en France où les tendances identitaires se renforcent et semblent visiblement encouragées, quel peut être le rôle du « catholicisme d’ouverture » ou « catholicisme libéral » ?
Cette question n’appartient pas qu’aux baptisés qui se réclament de ce catholicisme. Refuser de la poser en s’abritant derrière un « combien de divisions » facile serait une erreur tragique.
Le catholicisme d’ouverture ou catholicisme libéral, est et se veut témoin d’une parole évangélique dans les réalités d’aujourd’hui pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui, dans un présent créateur, autonome de lui-même. Il se refuse à regarder comme forcément « incompatible » la culture moderne et la foi. Il veut mettre en lien la foi chrétienne et la culture sans concessions faciles, mais loin des caricatures et sans se placer en dehors d’elle ou en surplomb.
Il est le garant de l’existence d’une Église qui s’interdit de se laisser enfermer dans les pièges politico-religieux faciles de l’hostilité aux nouvelles émancipations, qui se garde de la tentation à vouloir toujours imposer ses normes, en matière conjugale et sexuelle, en matière de mœurs, de choix de vie.
Il montre les contradictions des discours de l’institution se gargarisant de mots soutenant l’égale dignité de l’homme et de la femme, mais incapable de vivre en son sein l’égalité et la parité que la société s’efforce, elle, de développer.
Il alerte sur le retour, intellectuellement et spirituellement appauvrissant, d’une notion de « loi naturelle », censée exprimer la loi divine, la loi naturelle devant elle-même se traduire en droit naturel et celui-ci en droit positif. Il voit la mobilisation de cette « notion » renouvelée, sécularisée dans un militantisme politique conservateur qui témoigne de l’extrême porosité des frontières entre les conservatismes.
Ne pas vouloir entendre, se refuser à considérer comme interlocuteur essentiel le catholicisme d’ouverture, c’est donner blanc-seing et totale liberté à un catholicisme des certitudes, qui à bas bruit, préempte et s’approprie paroisses et lieux symboliques, services pastoraux et lieux académiques et de formation, à commencer par celle des futurs prêtres… Avec souvent la bénédiction d’évêques rassurés par une fidélité qu’ils goûtent comme une reconnaissance et ne leur conteste pas le caractère sacré de leur triple pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
C’est laisser des évêques en France imputer insidieusement et paresseusement aux supposés égarements, dérives du Concile, la responsabilité des désaffections, des échecs de transmission, des maux dont l’Église souffre, de sa « décadence ».
C’est laisser dire qu’il faudrait se détourner d’une lecture, d’une herméneutique du Concile qui serait idéologique ou politique, et donner crédit à une interprétation vantant comme prophétique, la résistance à « l’esprit du monde », aux valeurs fondatrices des droits individuels à la liberté et à l’égalité.
C’est laisser croire qu’il suffit de s’opposer, de s’ériger en rempart, pour exister et reconquérir. C’est affirmer finalement qu’il n’y aurait de salut pour l’Église que dans un retour à hier, que dans une restauration.
Vatican II est, pour les jeunes générations, un événement appartenant au passé comme la dernière guerre, soutiennent avec incohérence des évêques qui se mettent ainsi dans l’incapacité de vouloir comprendre que l’avenir de l’Église est inséparablement et irrémédiablement lié à l’avenir de ce Concile.
Choisir de ne voir le catholicisme d’ouverture que comme un « petit reste », prévenu de conduites de dénigrement ou d’accablement, d’infidélité et de désobéissance, l’accuser de tiédeur, le qualifier de « soixante-huitard », de « libertaire », de « crypto-marxiste »… de « complice », et d’« idiot utile » de toutes les compromissions avec « l’esprit du monde », c’est refuser de vouloir regarder ce qu’il dit, porte, permet, annonce, fait à l’Église et à notre société.
Se dérober en affirmant que ce ne sont pas les catholiques qui s’opposent au monde, mais le monde qui s’oppose aux catholiques, c’est vouloir ignorer les convictions évangéliques portées par le catholicisme d’ouverture : le royaume est à l’œuvre dans le monde… l’Esprit souffle où il veut.
Le catholicisme d’ouverture, le catholicisme libéral peut s’effacer, être contraint au silence. Mais ne peut disparaître. Même condamné dans l’histoire moderne, il s’est toujours montré résilient.
Il est l’héritier de l’Église constitutionnelle de la Révolution qu’une histoire ecclésiastique hémiplégique persiste à vouloir, sans nuance aucune, noircir et effacer alors qu’elle cherchait à concilier les aspirations nouvelles et le christianisme et pratiquait avec ses Conciles nationaux une collégialité de type synodale.
Il est l’héritier du catholicisme libéral hostile à un Concile Vatican I qui entendait condamner sans contredit les idées modernes et la liberté de conscience, tout en affirmant la suprématie de l’ordre spirituel sur l’ordre temporel et voulait se donner en point d’orgue une infaillibilité pontificale et une primauté universelle du pape comme vérité de foi.
Il est l’héritier d’un catholicisme qui, comme a pu l’écrire Georges Weill, associe trois caractères : « sympathie pour la liberté politique, sympathie pour la démocratie sociale, sympathie pour la libre recherche intellectuelle » (2).
Il est comme l’antibiotique nécessaire à l’institution si elle ne veut pas devenir ou redevenir un grand corps malade, en proie à une affection auto-immune qui la rend incapable d’être l’Église du Christ, l’Église pour les hommes, l’Église pour la vie, le Royaume de toutes et tous.
Sans le catholicisme d’ouverture, ses protestations, ses actes transgressifs symboliques, sa volonté de se laisser interroger par les Écritures et par la vie, de questionner la discipline et la doctrine, l’Église, bousculée, fragilisée aujourd’hui, risquerait de se satisfaire d’un fondamentalisme scripturaire, dogmatique et disciplinaire, d’une « vérité » présentée comme normative et éternelle. Elle n’aurait d’autre vision du monde que forcément « voué à sa perte », « décadent », « satanique » puisqu’il échappe à son autorité. Elle céderait subrepticement à la tentation « théocratique » qui, on le voit avec les courants néo-intégralistes, ou néo-intégrisme se pense et s’organise religieusement et politiquement. Elle s’enfermerait dans les impasses d’un système spirituel vertical de subordination et de dépendance, de répartition sacralisée des places, rôles et pouvoirs selon le genre et le sexe.
À un moment où la causa reformationis est aujourd’hui caricaturée, récusée, le catholicisme d’ouverture ne peut s’effacer, s’exiler. Il questionne et conteste les tentations tridentine, ultramontaine, antimoderniste d’une institution qui, sur le terrain ordinaire de la vie catholique des diocèses, multiplie les concessions aux groupes confessionnels, identitaires, traditionalistes, intégristes ou encore charismatiques, feignant de ne pas voir ou encourageant les formes de promotion d’une contre-culture réactionnaire que ces derniers développent.
Le catholicisme d’ouverture a une identité. Il a une histoire, un présent, une présence dans tous les domaines de l’existence, religieux, culturel, social, sexuel (Ga 3,26-28) dont il n’a pas à rougir.
Il a aujourd’hui partie liée avec les combats de celles et ceux qui, hors de l’Église, sont épris de liberté, de justice, d’égalité, veulent plus de démocratie et en cherchent les formes. Avec eux il veut poursuivre un dialogue inter-éthique qui promeut la dignité et renouvelle les conceptions du bien commun et du « vivre ensemble ».
Il sait combien l’Église a pu fabriquer de servitudes volontaires, infantiliser, nourrir des poisons intimes, encourager les abus criminels, favoriser les exclusions et les mises au ban. Il sait les dangereuses tendances à vouloir oublier la face sombre d’une institution avec laquelle il a partie liée et dont il veut qu’elle soit repentante et réparatrice.
Pour le service de toutes et tous, il veut une Église pauvre, une Église vivante dans la simplicité et le partage fraternel, une Église prioritairement proche des pauvres, quelle que soit la forme de pauvreté ou d’exclusion, des laissés pour compte et abîmés par la vie, des victimes du mal voulu, du mal déjà là, du « mal malheur », du mal consenti.
Pour lui, la vérité de la fraternité, de la relation existentielle l’emporte sur l’objectivité « naturelle » des principes éthiques. Il invite l’Église à substituer à une morale du droit naturel une morale de la relation, de la vérité des relations, de la dignité.
Pour lui le Dieu, père et mère, masculin et féminin, dont il veut témoigner a le visage de l’opprimé, du prisonnier, de la victime, de l’étranger, de l’immigré, de la femme bafouée, de la femme victime de féminicide, de l’enfant innocent abusé…
Pour lui l’Église faite pour le monde doit réunir enfin ce que l’on tient séparé depuis des siècles : le corps et l’esprit, l’immanence et la transcendance, la société et la nature.
Pour lui, elle doit témoigner d’une toujours nouvelle vision du visible et l’invisible, de l’ici-bas et de l’au-delà, du déjà-là et du pas encore qui met la dignité et l’éternité de l’homme au centre.
Ce catholicisme d’ouverture, ce catholicisme libéral refuse une Église qui se voudrait propriétaire de Dieu et imaginerait qu’on ne puisse venir à sa rencontre hors de ses murs. Pour lui, il n’existe pas une « préférence » catholique qui donnerait préséance aux « catholiques et français toujours ».
Il rappelle qu’il est préférable d’aller à Dieu à pied plutôt qu’en voyage organisé.
Il veut témoigner que l’Église doit s’ouvrir à d’autres vies, confessions, convictions que les siennes sans vouloir toujours les mésestimer.
Il réclame de l’Église qu’elle sache aussi penser contre elle-même.
Il renvoie en fin de compte sur l’essentiel de l’essentiel « Deus homo factus est ut homo fieret Deus », c’est-à-dire : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu » ou si on préfère : « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu. »
Sans ce catholicisme-là, l’Église ne serait-elle pas une chose « aussi impossible et irréalisable qu’un carré rond », pour reprendre l’expression de Serge Moscovici, théoricien entre autres de la façon dont les minorités participent au changement social ?
Ce catholicisme-là apporte de la « différence », utile, nécessaire, du questionnement, de la remise en cause.
Il est gage d’ouverture et d’avenir, d’une vie chrétienne qui est rencontre, croisement, incarnation et nouvelle relation à Dieu. Il soutient qu’il y a infiniment plus de christianisme dans les entreprises belles et bonnes, les recommencements et les renaissances des hommes que dans un catholicisme dévot, soumis à un clergé jeune qui confond audace et virilisme, se voit à nouveau dans les habits du « père » et non du frère, et confond accompagnement et surreprésentation héroïsée de sa vocation sur les réseaux.
En un mot, le catholicisme d’ouverture a vocation par son histoire et ses fidélités, avec ses faiblesses et fragilités, à témoigner que l’Église n’est l’Église que si elle s’inspire pour vivre, parler et entreprendre de la manière d’être, de dire et de faire, d’être présent aux autres de Jésus. En ce sens lire et relire les textes du Concile Vatican II dans une « herméneutique de la rupture » et non « de la continuité » est nécessaire et salutaire. L’Église ne retrouvera une certaine crédibilité que dans la réforme comme manière de vivre et pratique communautaire. Beaucoup reste à faire.
Patrice Dunois-Canette
(1) Sequela Christi suggère, ici, un chemin emprunté, qui soit dans les pas de celui que le Christ a suivi. Vivre selon la sequela Christi, c’est vivre en serviteur jusqu’au don de soi. L’imitatio suggère de vivre selon la manière d’être, de dire et de faire, d’être présent aux autres de Jésus.
(2) Histoire du catholicisme libéral en France (1828-1908) Genève Slatkine Reprints 1979 de l’édition de 1909, Présentation de René Rémond.
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