À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Troisième dimanche de l'Avent 11 décembre 2022

 

(Is 35, 1-6a.10 ;  Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10a ;  Jc 5, 7-10   Mt 11, 2-11)

 

 

Le premier texte, Isaïe 35, 1-6 ; 10 qui est sans doute plus tardif (1) chante la joie de la libération et du retour d’exil : en 589, le temple a été détruit et l’élite du peuple est déportée à Babylone. Imaginons le désespoir profond des juifs croyants : ils avaient mis toute leur confiance en Yahvé. Le prophète Isaïe les avait avertis : « Si vous ne croyez pas, vous ne tiendrez pas » (2). Ils pensaient avoir cru ; or ils n’ont pas tenu : défilant prisonniers, ils découvrent, scandalisés, la splendeur de la civilisation babylonienne  (3) : la déesse Ishtar et le dieu Mardouk seraient-ils supérieurs à notre Dieu, Yahvé ? Ne nous serions nous pas trompés ?

Dégustons en les lisant à haute voix ces textes débordant de poésie : « Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent. Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs…. Fortifiez les mains défaillantes affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : soyez forts ne craignez pas, voici votre Dieu. »

Deux événements, bien que très différents, peuvent nous suggérer cette joie débordante des libérés : pour les ainés, la joie immense lors de la libération en 1945, après cinq années sous la botte nazie. Deuxième exemple tragique : les terres craquelées, les populations et le bétail mourant de soif à cause de la sécheresse, qui revivent lors du retour de la pluie. Dans cette joie des exilés libérés, Il ne s’agit pas seulement de bonnes conditions matérielles revenues, mais aussi de la confiance en Yahvé retrouvée, car il n’a pas abandonné son peuple. Comme l’avaient annoncé les prophètes, Dieu sauve son peuple qui laisse éclater sa joie.

Le psaume 14, reprenant le message d’Isaïe, annonce les béatitudes évangéliques : « Le Seigneur est du côté des opprimés, des affamés, de ceux qui ont faim, de ceux qui sont aveugles, des accablés et des étrangers. Il soutient la veuve et l’orphelin. »

Jacques dans l’épitre (Jc 5, 7-10) au milieu du 1er siècle prêche la patience. On sait par Paul qu’après une période de succès de la prédication chrétienne, survient pour les communautés chrétiennes un temps de découragement : « Pourquoi la venue du Seigneur, tant attendue, n’arrive pas ? ». Aussi Jacques prêche la patience, en prenant deux modèles : le cultivateur qui attend la moisson et les prophètes persécutés continuaient d’annoncer la venue du Seigneur. 

Dans L’Évangile, Jean-Baptiste en prison passe par une période de découragement, pour lui-même, mais plus encore dans sa foi : Jésus est-il vraiment le Messie ? Car il attendait, comme ses contemporains, un Messie justicier et puissant qui témoignera de la colère de Dieu par l’Esprit et le feu. Pour ses contemporains, le Messie devait être un chef de guerre triomphant, à la tête d’une armée libératrice qui chasserait l’envahisseur romain. Pour Jean Baptiste, le Messie devait être le bras vengeur de Dieu, qui, par l’Esprit et le feu, réalise le jugement du Dieu terrible. Or ce n’est pas ce qu’il entend de Jésus dont la réponse bouleverse toutes les attentes messianiques courantes. Au lieu de signes manifestes de puissance, voici que « les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ». Il n'y en a que pour les pauvres et les exclus. Est-ce avec ceux-là qu'on va réellement restaurer Israël ?

Jésus fait exploser les représentations du Messie et donc de Dieu. Le Messie n’a plus rien à voir avec les puissants vêtus d'habits élégants, qui habitent des palais. En face, Jean-Baptiste fait pâle figure, en prison, vêtu d'une peau de chameau et se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage ! Personne n’est plus grand que lui ! Drôle de tableau d’honneur ! (5)

À l'approche de Noël, ces textes nous provoquent à la conversion :

  • Sommes-nous vraiment convaincus que Dieu sauve ? Devant le temps qui passe, l'usure du quotidien, les noirceurs de l'actualité, la tentation n'est-elle pas de baisser les bras : sommes-nous capables d'entendre les cris de joie que nous lance Isaïe annonçant le salut de Dieu ? quelle est notre capacité de patience et d’endurance en période de sécheresse à attendre la moisson ?
  • Savons-nous lire les signes du temps, y discerner les signes de l'action de Dieu ? Cette « vision » exige une conversion qui suppose de remettre en cause nos représentations de Dieu et du Messie : les signes du Royaume ne sont pas à trouver d'abord « dans les palais des rois aux habits élégants » mais « chez les opprimés à qui on fait justice, les affamés à qui on donne du pain, aux aveugles, aux étrangers qui sont protégés aux veuves et orphelins qui sont soutenus. »

En cette approche de Noël, « fortifions les mains défaillantes, affermissons les genoux qui fléchissent, disons aux gens qui s'affolent : soyez forts, ne craignez pas, voici notre Dieu ».

Seigneur, par ton Esprit, brûle en nous toute idolâtrie, qui empêche cette conversion. Alors nous pourrons voir les signes de ton Royaume et crier de joie avec les aveugles qui voient, les boiteux qui bondissent, le sourds qui entendent.

Antoine Duprez

  1. Comme ceux du Second Isaïe, 40-55, vers 550.
  2. Is. 7, 9.
  3. Notamment la célèbre porte d’Ishtar donne une idée de la splendeur de la ville : cf. les reconstitutions sur Internet.
  4. Mt. 11, 2-11.
  5. « Et pourtant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui ». Par cette phrase que seul le Christ lucanien signale, Luc veut montrer la nouveauté inaugurée par Jésus : avant lui, c’est l’ Ancienne alliance que clôt Jean Baptiste. Avec Jésus, s’ouvre une ère nouvelle. Peut-être, cette distinction révèle-t-elle des traces de difficultés entre les disciples du baptiste et les premières communautés chrétiennes.
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H
Bien d'accord avec la phrase d'A. Duprez "Jésus fait exploser les représentations du Messie, donc de Dieu".<br /> J'ajoute un petit complément ci dessous.<br /> Hé oui, Jésus n’est pas le Messie imaginé par les juifs ; Il n’est pas le « libérateur d’Israël chanté dans le « Minuit chrétiens ». D’ailleurs, les juifs l’attendent toujours…<br /> Jésus est bien plus que cela : il a donné à toute l’humanité une « leçon de vie » et montré le « chemin » pour son salut (Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie). Cette leçon, il l’a résumée en une phrase très simple : aimer Dieu (qui EST Amour – titre de l’encyclique de Benoît XVI) et son prochain. Il n’y a pas d’autre voie à suivre pour le salut de l’Humanité.<br /> Dans bien des religions, les hommes se sont donné une image « anthropomorphique » de Dieu (Voltaire a dit « il est dit que Dieu a créé l’Homme à son image, mais l’Homme le lui a bien rendu…).<br /> Pour ma part, je pense qu’il y a une « force » initiale qui a créé l’Univers (lors du Big-Bang) et qui continue à le faire évoluer en permanence. A partir des premières particules élémentaires (que nous ne connaissons encore pas toutes…) et en les « accouplant » progressivement, des éléments de plus en plus complexes jusqu’à « créer » des molécules (acides aminés, etc…) donnant naissance aux êtres « vivants », évolution qui a abouti à l’Homme. Lequel se reproduit aussi en s’accouplant (par amour). La reproduction sexuée ayant pour avantage de créer une infinité de combinaisons d’ADN donnant ainsi naissance à des êtres tous différents, ayant chacun sa personnalité propre : des « personnes » donc libres et responsables (pouvant faire le bien ou le mal) et capables de « reconnaître » Dieu. Cette « force » qui anime l’Univers (anima…) : Dieu serait-il l’Ame de l’Univers ? (En tant que « créateur », on peut donc l’appeler « Père »). C’est ma modeste contribution métaphysique…<br /> Jésus est l’incarnation parfaite de cet amour, par l’intermédiaire de cet Esprit d’Amour (l’Esprit Saint), qui a inspiré ses parents terrestres. Il est l’exemple parfait à suivre (Aimer Dieu et son prochain). Aimer Dieu qui EST Amour cela veut donc dire placer l’amour comme principe suprême de notre vie. Et pour aimer son prochain , voir la façon dont Jésus a vécu, plus les Béatitudes et le chapitre 25 de Mathieu. La leçon de l’Evangile est en fait très simple à comprendre, mais bien difficile mettre en œuvre. Jésus dit bien « ce ne sont pas ceux qui DISENT Seigneur, Seigneur, mais ceux qui FONT la volonté du Père qui entreront dans le Royaume ». Et pour cela, il n’y a pas que les chrétiens…<br /> Après un démarrage très fraternel des premières communautés chrétiennes qui ont mis en œuvre ces préceptes, une organisation s’est mise en place avec des « clercs » dont le « péché mignon » (dans toutes les religions) est de prendre goût au pouvoir, surtout après que Constantin en a fait une religion d’Etat… Et c’est là que tout a commencé à déraper : d’où les « abus » de toute sorte qui ne datent pas d’aujourd’hui !<br /> Je souhaite que nous revenions aux « fondamentaux » en laissant de côté toute la littérature que les clercs ont inventée pour compliquer la chose avec des notions auxquelles la plupart des braves gens ne comprend rien. Par contre, les « valeurs » essentielles de l’Evangile ont diffusé dans notre société laïque : voir la Déclaration des Droits de l’Homme, ou la devise de la France « Liberté, Egalité, Fraternité » citée en exergue du verset 104 de l’Encyclique « Fratelli Tutti » du Pape François. Sur cette « leçon » tous les hommes de bonne volonté peuvent s’entendre et s’unir dans la paix.<br /> L’Esprit frappe où il veut !...
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