Nativité du Seigneur/ À l'écoute de la Parole de Dieu
Détail du panneau central du sarcophage de la Nativité (IVe siècle), musée départemental Arles antique
Is 9, 1-6 ; Ps 95 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14 (voir Messe de la nuit)
D'après Isaïe, l'annonce du Messie, comme dans le prologue de Jean, c'est une grande lumière venue illuminer les ténèbres du peuple d'Israël. Ce joug qui pesait sur ce peuple, la barre qui meurtrissait son épaule, les bottes qui frappaient le sol, les manteaux couverts de sang ; comment ce peuple n'aurait-il pas pu penser qu'il s'agissait de l'occupant romain et de ses méfaits dont cet enfant à naître allait les délivrer ? Même les apôtres après la résurrection croyaient encore que le Christ allait rétablir le royaume d'Israël.
Or tout ce qui est prédit ne se révélera pas selon l'attente du peuple. Ce sera au contraire un renversement des valeurs. Certes un enfant allait naître de la descendance de David mais dans la pauvreté. Cette paix qui sera sans fin ce n'est pas la paix telle que la concevait ce peuple c'est-à-dire une paix qui les libérerait de l'occupant mais une paix intérieure qui libérerait chacun du mal répandu en lui.
Pour l'ensemble du peuple il était certain que ce ne serait pas cet enfant le messie attendu. Cet enfant venait, dira-t-il lui-même, pour accomplir la Loi c'est-à-dire pour la purifier et la placer sous le regard de l'amour, l'amour dans toutes ses fibres et ses moindres détails. Il venait d'abord pour les plus petits, les malades, les handicapés comme les aveugles, les boiteux, les sourds-muets. Non ce ne pouvait être un enfant de descendance royale naissant dans des berceaux tapissés d'or !
Que nous dit l'évangile ?
Marie enceinte et Joseph son époux sont refoulés de la salle commune à cause du trop grand nombre de personnes à l'intérieur et sont contraints de se réfugier dans une étable pour mettre au monde leur fils. Quand on pense aujourd'hui que les accouchements de jeunes adolescentes, surtout pour un premier enfant, sont plus difficiles que pour des femmes adultes, Marie n'avait que 15 ans !
Ce nouveau-né va être déposé à ce qui ressemble le plus à un berceau, une mangeoire, une espèce de bac en bois dans laquelle on met de la nourriture, de l'herbe séchée, du foin pour des animaux qui sont essentiellement des ruminants, des vaches, des bœufs, des moutons. Et cette scène est profondément symbolique. Toute la personne de Jésus est assimilée à une nourriture qui sera donnée spirituellement à toute l'humanité. Et cette nourriture, la Parole de Dieu, est destinée à être mâchée voire ruminée par tous ceux et toutes celles qui suivront le Christ de son temps et dans les siècles à venir. Naître dans une mangeoire et mourir sur une croix quelle destinée pour un prince de sang royal, pour le Fils de Dieu lui-même ! Mais c'est la résurrection qui se profile depuis la mangeoire jusqu'à la croix.
L'étable nous oblige aussi à nous pencher sur la symbolique des animaux domestiques, ces animaux qui donnent leur vie en nourriture matérielle pour l'humanité. Il y a l'âne, on en mange rarement, mais attaché dans un coin de l'étable, c'est peut-être ce même âne qui portera Jésus dans son entrée à Jérusalem accueilli par la foule avec des branches de palmier. Il y a les vaches, les brebis dont Isaïe dit que Jésus sera nourri de lait et on ajoute « de miel », un petit clin d’œil aux abeilles. Et Jésus on l'appellera « l'agneau de Dieu » celui qui donnera sa vie pour sauver l'humanité du péché qui est la mort éternelle programmée.
La première annonce de cette naissance ce sont les bergers qui en bénéficieront. Et cette grande lumière se levant dans les ténèbres prédite par Isaïe ce ne sont ni les grands prêtres, ni les pharisiens qui la verront mais ce sont les bergers les premiers qui en seront enveloppés, les bergers, la catégorie du peuple la plus méprisée mais plus encore, les bergers sont les guides des troupeaux et cet enfant aussi sera un guide, un berger de l'humanité
C'est cela la véritable crèche, elle se bâtit dans un lieu à l'écart du monde, recouverte d'un pauvre toit abritant une famille refoulée et qui va faire renaître l'espérance de la vraie vie à cette humanité enfoncée dans son matérialisme.
Mais comment ne pas penser à ces familles de migrants qui n'ont même pas une étable où se réfugier ? Comment ne pas penser à ce peuple ukrainien dont on a démoli en partie les habitations et qu'on a privé d'électricité et de chauffage par des températures de moins 15 ? Comment ne pas penser à tous ces SDF qui vivent malgré l'hiver dans nos rues ? Où ont disparu les paroles du Prince de la Paix ?
Comme Isaïe nous dit que cet enfant affirmera le droit et la justice dès maintenant, Saint-Paul nous appelle à vivre dans le temps présent de manière raisonnable avec justice. La grâce de Dieu nous dit-il s'est manifestée pour le salut de tous les hommes pour les bons comme pour les moins bons. A nous tous d'y répondre de manière positive.
Le psaume nous invite à rendre grâce à Dieu pour le salut qu'il nous apporte Joie au ciel, exulte la terre. Un enfant nous est né, un fils nous a été donné et comme dit le chant : « Un enfant est né Bergers, réveillez vos bêtes. Un enfant est né Bergers, venez à la fête... »
Christiane Guès