Prier : regarder la réalité qui m’entoure
Le cardinal Vingt-Trois nous invite à la prière.
Je ne sais guère prier. Du moins, je ne sais pas demander à Dieu de faire à ma place ce que me dicte ma conscience.
Prier, serait pour moi regarder la réalité qui m'entoure, le faire avec le regard de Jésus, me demander si j'ai bien vu, si l'apparence ne me cache pas la réalité profonde, si mon regard étroit voit dans chaque homme ou chaque femme l'image de Dieu qu'ils représentent.
La réalité est là, incontournable. Le couple homo existe, il est bien visible.
Les partenaires n'ont pas fait un choix. Ils sont nés avec ce désir particulier qui les pousse vers une personne de leur sexe et l'impossibilité d'investir leur vie affective dans une relation hétérosexuelle.
Ce couple homosexuel est riche d'amour et fécond, sinon d'enfants, du moins d'engagements et de services généreux. Ce couple a été reconnu par la loi et le PACS lui a apporté un surcroît de stabilité et de sereine visibilité. Gais et lesbiennes demandent que leur soient reconnus les mêmes droits que ceux qui sont donnés aux couples mariés. Parmi ces couples, de nombreux se reconnaissent chrétiens et célèbrent comme un don de Dieu l'amour qui les unit. Ils témoignent de cette réalité dans leurs communautés religieuses comme ils le font dans la vie quotidienne. Nombreux sont les croyants et les pasteurs qui leur rendent témoignage et partagent leur désir de reconnaissance.
Xavier Thévenot écrivait : « Des couples gais m'ont évangélisé ? »
De tout cela, je veux rendre grâces et je souhaiterais que les communautés de croyants en fassent autant.
Dans ma prière, je vois que la famille homoparentale existe, qu'il s'agisse de famille reconstituée ou d'enfants voulus ou adoptés. Je vois le long le travail sur eux-mêmes que font ces couples avant de pendre une telle décision. Combien de familles font-elles un tel travail avant de concevoir un enfant ? J'ai eu à préparer le baptême d'un de ces enfants. À le voir vivre dix ans plus tard, je n ai pas constaté qu'il ait eu a souffrir de deux parents masculins. De nombreuses études confirment ce constat.
Mais ma prière devient colère quand je vois mes frères et sœurs homosexuels subir la suspicion et le déni apporté par un prélat qui prétend parler au nom de tous les chrétiens de France et refuser toute réflexion sur le mariage homosexuel et la possibilité de faire famille en accueillant des enfants. De quel droit peut-il refuser la réalisation de ces légitimes aspirations ? L'a-t-on entendu tirer argument des paroles de Jésus au nom de qui il prétend parler ? Mis à part le rappel de la fidélité entre époux, Jésus a-t-il jamais condamné ou rejeté une personne qui vivait une sexualité différente ? L'accueil qu'il fait à ces personnes paraît même laxiste à ses ennemis.
Et même si ce prélat croit avoir autorité sur les croyants catholiques, au nom de quoi prétend-il interdire le droit à de légitimes revendications à ceux qui ne se recommandent pas de cette foi ?
Ma prière devient solidarité. Le monde évolue et la façon de vivre la sexualité et de faire famille évolue en même temps. Loin de nous crisper sur des réponses d'un autre temps, ces changements sont appel à notre conscience à discerner ce qui fait grandir chaque personne, ce qui la rend plus humaine, plus image de Dieu.
Mais que ceux qui parlent au nom de Jésus nous incitent à grandir en humanité, loué soit Dieu ! Loin de s'accrocher à une Loi, Jésus a-t-il fait autre chose que d'appeler ceux qui venaient à lui à vivre en plénitude ?
Jacques Fraissignes
prêtre ouvrier, membre de David et Jonathan
N.D.L.R. : Le titre a été ajouté par la rédaction de G&S.