Le Havre
film d’Aki Kaurismäki
Le grand cinéaste finlandais Aki Kaurismäki (vous souvenez-vous de « L’homme sans passé », Grand Prix du Jury à Cannes en 2002 ?) quitte Helsinki et s’installe en France, mais c’est pour visiter un nouveau port, Le Havre. Et nous offrir une comédie très enlevée, une fable sociale où l’on retrouve toutes ses qualités.
D’abord son intérêt pour les petites gens, ceux que la vie n’a pas épargnés : un poète devenu cireur de chaussures, admirablement interprété par André Wilms, une femme au grand cœur
touchée par la maladie (toujours Kati Outinen), un boat-people vietnamien égaré au Havre, un vieux rocker, les petits commerçants du
quartier, puis les clandestins qui rêvent de l’Angleterre.
L‘auteur embarque tout ce petit monde dans une histoire fertile en rebondissements, à la fois tragique et burlesque, où ne manquent ni la fidèle chienne Leïka, ni le méchant policier qui sait pourtant fermer les yeux (on retrouve dans ce rôle l’excellent Jean-Pierre Darroussin, déjà remarqué dans « Les neiges du Kilimandjaro »).
Comme toujours chez Kaurismäki, la mise en scène est parfaite, avec des tableaux au cadrage millimétré, des couleurs aux dominantes bleues, une esthétique toute en retenue. Mais l’auteur se laisse cette fois gagner par l’optimisme : l’esprit de débrouillardise, la solidarité entre petites gens, et même un petit miracle de guérison pour finir, l’emportent sur la dureté du monde.
C’est un message d’espérance qu’il nous propose, « un pur bonheur de cinéma et d’humanité », bien de circonstance au début d’une année nouvelle.
Jacques Lefur