Après la visite du Pape en France
La visite du pape en France a suscité une série de commentaires enthousiastes ou agressifs. Les enthousiastes sont en général des croyants catholiques. Il y a les pratiquants qui ont trouvé dans sa venue un renforcement de leurs convictions. Quelques-uns frisaient parfois l'idolâtrie, telle cette femme qui avait fait un très long chemin pour « le voir, le toucher... c'est notre père », comme si le "Saint-Père" était devenu un objet transitionnel [= objet utilisé par un enfant entre 4 et 12 mois, pour représenter une présence rassurante (de la mère), d'après le psychanalyste Winnikott] entre la personne et Dieu. À moins, même, qu'il ait pris parfois la place de ce dernier.
À l'inverse, on a retrouvé chez les adversaires du pape (et en général des religions et particulièrement de la religion catholique) des arguments maintes fois répétés. L'un des plus courants et des plus péremptoires ce sont les multiples morts faits au nom de Dieu dans les diverses guerres de religion (ou à prétexte religieux, telles celles qui se déroulèrent dans le Saint-Empire romain germanique au XVIe siècle, ou, plus récemment, les confrontations en Irlande du Nord, dont on ne peut nier les dimensions politique, économique et même "mentale"). Pour eux, il y a là la preuve indubitable que la religion engendre la haine et les conflits. Ce n'est pas tout à fait faux, mais est-ce que les hommes ont besoin des religions pour s'opposer et se combattre ? Il est sûr, en revanche, que l'ensemble des guerres à motifs religieux depuis quelques millénaires a, sans doute, fait moins de morts que des idéologies telles que l'hitlérisme, le stalinisme ou le maoïsme, qui ne sont pourtant pas animés par un esprit religieux très déterminé, et se situent même en opposition farouche à l'égard des religions.
Le débat sur les "racines chrétiennes" de la France a également refait surface. C'est le type même du faux débat pour ignares historiques. Peut-on trouver, avant le XVIIIe siècle, des racines culturelles de la France autres que "chrétiennes" ? Elles se constatent jusque dans les paysages. Que ce soit un bien ou un mal n'est pas la question, c'est un fait. De même, qu'il serait impossible de nier que l'Arabie saoudite, bien qu'elle ait connu une civilisation "pré-islamique", a aujourd'hui de "profondes racines musulmanes". Certes, les Lumières constituent pour la France une deuxième période, tout aussi vivante, avec l'éclosion des Droits de l'homme, encore que ceux-ci aient été largement inspirés du christianisme, même si les philosophes, puis la Révolution ont combattu les Églises. On oublie facilement que les adversaires du catholicisme d'alors avaient une formation chrétienne, ce qui n'est pas si fréquent aujourd'hui. Voltaire a été élevé chez les Jésuites et Rousseau a été imbibé de calvinisme, même s'il penche finalement vers une sorte de protestantisme libéral. Il faudrait ajouter, dans nos racines, bien sûr, le scientisme des XIXe et XXe siècles, mais on voit bien - qu'on en soit satisfait ou non - qu'il y a eu pendant longtemps une "prépondérance" de la culture chrétienne.
La visite de Benoît XVI nous a valu encore quelques belles manifestations de la "langue de bois", ou mieux : "d'encens" (extrait du Boswellia sacra, de la famille des Burséracées). Ainsi, Mgr Di Falco, très médiatique porte-parole ecclésial, mais philologue moins fiable, nous a donné une hésitante leçon d'étymologie. A la question d'un journaliste sur l'intransigeance du pape à l'égard des divorcés remariés (qui ne l'empêche pas de partager tant de choses avec un président deux fois divorcé), il a expliqué qu'ils restaient des filles et fils de l'Église, mais ne pouvaient pas communier. Alors, ils sont "ex=communiés", reprend le journaliste. Non, répond l'évêque de Gap, ils ne sont pas excommuniés, mais ils ne peuvent plus communier...(!)
Benoît XVI a "réussi" son voyage en France, même si son style, plus réservé que celui de Jean-Paul II, est moins médiatique : il y a eu des foules, parfois plus importantes que ce que l'on attendait. Reste à vérifier ce que sera le "taux de persévérance", comme on disait jadis pour l'"après-communion solennelle".
Albert OLIVIER