Le rêve de Jésus est plus qu'un "humanisme inspiré"

Publié le par Garrigues et Sentiers

Pour en faciliter la lecture, nous publions comme article ce commentaire de Marc Durand à l’article de Jean-Luc Lecat Vivre avec Jésus un   humanisme inspiré »

G & S

Je suis en phase avec Jean-Luc Lecat sur sa critique d’une récupération de l’enseignement de Jésus par une hiérarchie qui a voulu encadrer et dominer les chrétiens. D’accord aussi sur l’importance de l’humanité de Jésus qu’on a eu trop tendance à sacraliser comme « Fils de Dieu » pas vraiment homme. Je crois avec lui qu'« une humanisation quotidienne du monde, « inspirée » par l’écoute de l’Esprit en chacun, n’est-ce pas cela le rêve et le défi de Jésus ? ». Mais je crois que ce rêve de Jésus va plus loin, qu’il s’inscrit dans la relation qu’il dit avoir avec son Père.

Ce texte ouvre ainsi quantité de questions qu’on ne peut ignorer sur notre foi. « S’agirait-il d’une réduction pour le christianisme de n’être qu’un humanisme ? ». Ma réponse est oui, tout en insistant sur le fait que nous le connaissons (le vivons au jour le jour) d’abord comme un humanisme, à travers notre expérience humaine, et l’oublier serait une réduction dramatique.

Il ne faut pas « éliminer la possibilité d’un au-delà de l’homme… » dit Jean-Luc Lecat, la question est alors de définir ce que peut être un « au-delà de l’homme ». Jean-Luc Lecat évoque l’Esprit, mais cela n’est peut-être qu’un mot exprimant notre ignorance. Jésus témoigne de sa vie intérieure « quand il évoque cet ”autre profond ”, ce plus que lui-même, qu’il appelle ” Père ” ». Qu’est-ce que ce « plus que lui-même » ? N’est-ce pas ce que nous définissons avec le mot « Dieu » ?

Alors je dirais que nous ignorons qui est Dieu, il n’y a pas de terme adéquat. Je dirais que c’est le terme employé pour justement évoquer le « plus que lui-même ». Dieu est-il un être ? Un Étant ? Un existant ? Nous voyons bien qu’il n’y a pas de vocabulaire pour le définir. Il faut en revenir au Buisson Ardent, Dieu est « Je suis », cela ne s’analyse pas, ne se décrit pas, c’est un absolu. Les Juifs avaient raison d’interdire de prononcer son nom... Mais ce « Je suis » est bien présent à notre monde, nous ne pouvons pas le réduire, l’éliminer.

Alors que faire ? Que répondre à la question de l’humanité de Jésus Fils du Père ? Est-il Dieu ? Mais qui est Dieu ? Nous ne connaissons que l’homme Jésus et ce qu’il dit de son Père. Et il nous dit que l’Esprit, son Esprit, vit en nous et nous révèle toutes choses. Cet Esprit qui engendre « une humanisation quotidienne du monde, inspirée » par Lui.

Finalement notre foi est une foi en Jésus, elle est un « suivre » Jésus, dont l’Esprit nous révèle le Père : « Celui qui me voit voit celui qui m'a envoyé » (Jn 12, 45), ou encore « Celui qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). Et le Jésus que nous suivons est un Jésus crucifié... et ressuscité (sinon notre foi est vaine dit saint Paul), reste à savoir ce que cela signifie... Et Jésus nous a révélé que Dieu est amour, que l’amour que nous construisons entre nous en nous humanisant est le même que l’amour du Fils pour le Père dans l’Esprit, que devenus Fils nous participons de cet amour dans notre vie bien humaine. Par l’Esprit nous vivons de cet amour, nous sommes bien incapables de décrire cette Trinité, nous ne pouvons que l’exprimer par des images humaines (les théologiens ont passé leur temps à le faire...avec plus ou moins de bonheur). Ce n’est pas pour rien que nos ancêtres usaient de mythes pour aborder ces sujets.

Enfin il ne faut pas oublier que notre foi est le fruit d’une histoire, elle est un chemin historique, depuis Abraham. Il n’y a pas de génération spontanée des chrétiens, mais un aboutissement d’un chemin qui nous révèle Dieu autrement qu’une question philosophique ou même théologique.

Bref, nous ne savons rien !!!

Marc Durand

Publié dans Réflexions en chemin

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L
Une mise en discussion plus que saisissante dans toute sa profondeur exégétique et surtout spirituelle.<br /> Le "Bref, nous ne savons rien" qui ne la conclut pas, mais qui met notre intellection à son irréfutable place, traduit au mot à mot le "Je suis celui que je serai" qui pose le point de départ du cheminement de la pensée hébraïque.<br /> La réponse à l'inconnaissable peut-elle être figurée par la Trinité que "nous sommes bien incapables de décrire" sauf à "l’exprimer par des images humaines", sans que ce soit dans la configuration - par définition la plus réductrice qui soit - des idoles si commodément façonnées depuis la nuit des temp ? <br /> Et si le jalonnement de la théologie commençait par ce point qui entend rendre imprononçable le nom prêté à D.ieu ? Un point qui n'a rien de minuscule en ce qu'il accueille tous les itinéraires où se tente une approche du "plus que (nous)-même", en sachant (et là est peut-être le sens du mot Foi) que dans ce parcours impossible nous ne croiserons que des lumières de l'Esprit qui n'éclaireront rien, tout en pratiquant la prière la plus libre.
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