Choses vues (ou entendues) n°19 : Une démographie hypothétique
(Poursuite de ma chronique Choses vues ou entendues n° 4 du 5 février 2024)
Dans cette rubrique, on aime bien – au nom de la liberté d’expression tant chérie par ceux qui parfois la refusent aux autres – revenir sur des mots tabous pour relever, çà et là, quelques contradictions chez leurs partisans ou leurs adversaires.
La France est tombée, comme beaucoup de pays européens, dans une crise démographique : le nombre de bébés baisse régulièrement.
Alors que ce pays s’est longtemps enorgueilli d’avoir le meilleur taux de reproduction en Europe (2,10), il n’était plus, en 2024, que de 1,62 par femme en âge de procréer, tandis qu’il était encore de 2,02 en 2010. Les naissances, à terme, ne suffiraient plus à compenser les pertes de population. Les conséquences en sont multiples… L’État s’en préoccupe (mollement). Il y a un an déjà, le Président de la République en appelait à un « réarmement démographique ». Ce terme martial n’a pour l’instant pas été suivi d’effets spectaculaires.
Famille, enfant sont des sujets récurrents dans les déclarations politiques ou la presse. Mais dans leur traitement ne sont pas exclus les paradoxes et les contradictions.
Si les Français « font » moins d’enfants, il y a lieu d’abord de s’interroger sur les causes objectives. Il y en a de psychologiques : désir d’une vie confortable et libre, sentiment d’insécurité nationale et internationale, mères potentielles désirant assurer d’abord leur vie professionnelle… ; d’autres matérielles : la baisse du pouvoir d’achat, la difficulté grandissante à se loger à des prix décents… Où en sont les remèdes ?
En même temps, l’oliganthropie qui va faire baisser la population active « naturelle » pose des problèmes, à la fois à l’économie, quand certains métiers essentiels n’arrivent plus à recruter du personnel ; et elle met en cause les « acquis sociaux », la baisse du nombre d’actifs laissant présager des jours difficiles pour les retraites à répartition.
L’État constate donc un criant manque de « main d’œuvre » dans certains secteurs. En même temps, l’avortement, inscrit dans notre Constitution (et il n’est pas question, bien sûr, d’en remettre en cause la liberté), est remboursé par la Sécurité sociale au nom de la liberté des femmes et de l’égalité entre elles (1)… On est donc dans cette situation paradoxale d’un pays manquant d’habitants issu de lui-même qui favorise, en la payant, la diminution de leur nombre.
Bien sûr, il y a un moyen évident de pallier ce manque. Accueillir des travailleurs immigrés qui n’hésitent pas, comme le font les autochtones, à faire des travaux pénibles ou fatigants et en étant souvent moins bien payés. Mais alors, nouveau paradoxe, les « Français de souche », qui ne veulent plus accepter ces métiers, se montrent globalement défavorables (on parle de 75 %) à une immigration jugée trop forte, voire pour certains, qui s’opposent à toute entrée d’étrangers sur le sol national(iste). Le paradoxe devient cocasse et troublant à la fois, quand ces opposants sont eux-mêmes d’anciens immigrés (2). Comme si ayant profité de la « générosité » du pays d’accueil, ils en refusaient le bénéfice à d’autres, afin que leurs privilèges ne risquent pas d’être diminués.
Pays difficile à gouverner.
Jean-Baptiste Désert
- Principe qui pourrait, un jour, justifier la reconnaissance de la GPA.
- Par comparaison, on a tous vu récemment, aux États-Unis, parmi les plus acharnés des défenseurs du mur à la frontière avec le Mexique, des gens qui étaient eux-mêmes hispaniques. Il serait instructif de savoir depuis combien de temps ils étaient devenus citoyens des « États-Uniques d’Amérique. »