Choses vues (ou entendues)

Publié le par Garrigues et Sentiers

Les « chroniques » qui suivront (ou pas) sous le titre « Choses vues (ou entendues) » voudraient être de simples interrogations de logique sur ce que nous apprennent les médias au gré des événements. Elles se présenteront en vrac, sans plan ni correspondance entre elles. Une sorte de brochette d’étonnements naïfs (ou non) sur ce que les hommes politiques, les spécialistes divers et variés (il y en a beaucoup en France) ou les journalistes nous proposent comme étant des problèmes provisoirement importants et présentés comme plus ou moins urgents.

Elles ne se prononceront jamais sur le fond des questions abordées, souvent complexes, mais uniquement sur le côté incomplet, illogique, paradoxal ou contradictoire de la présentation des faits ou paroles rapportés (1). Pour « amorcer » une série éventuellement à venir, deux exemples qui énervent actuellement les partis et parfois l’opinion des foules : 

 

1° Sur les déserts médicaux

La France, pays riche et développé, est mitée de « déserts médicaux ». Dans un pays non démocratique le gouvernement obligerait des médecins à s’installer dans les régions mal desservies en ce domaine. Les médecins libéraux (2) veulent garder leur liberté d’installation. C’est naturel puisqu’ils sont « libéraux », donc viscéralement partisans de leur liberté indépendante du bien commun.

Mais il doit bien y avoir parmi les étudiants en médecine, études longues et par le fait coûteuses, des boursiers. Serait-il scandaleux et « liberticide » de leur demander quelques années de service dans un de ces déserts médicaux, qui ne sont tout de même pas des enfers ? Peut-être même y prendraient-ils goût… Ils ont été aidés par la Nation pour acquérir des diplômes qui leur ouvrent des activités intéressantes (en tout cas qu’ils ont choisies) et qui ne sont pas parmi les plus mal rémunérées, même s’il y a beaucoup à dire sur la situation des généralistes. Il pourrait paraître « normal » qu’ils aident à leur tour la collectivité. Après tout, il en était de même naguère pour les futurs instituteurs, qui signaient un engagement dans l’Éducation nationale lorsqu’ils entraient à l’École Normale, ou pour les futurs professeurs qui sollicitaient leur admission dans les IPES ou étaient reçus à Normale-sup’. On pourrait aller plus loin et remarquer que les études supérieures, en France, sont relativement « gratuites » par rapport à leur coût pour l’État, et que tout diplômé est pratiquement redevable à la Nation.

 

2° Peut-on être « résistant » et « terroriste » ?

Dans un tout autre domaine, des responsables de la France Insoumise ont des difficultés médiatiques et parlementaires parce qu’ils défendent l’idée que le Hamas est un parti de « résistants » palestiniens à l’« occupation » de leur pays par Israël. On leur oppose, non sans raison, qu’il s’agit bien de « terroristes », ce qui, au vue de leurs dernières prestations, peut passer pour un euphémisme. 

Que nos notre position soit claire : l’œuvre du Hamas en Israël, le samedi 7 octobre 2023, est innommable ou plutôt ne peut être nommée que « terrorisme. » Notons que ce constat ne signifie pas que la réaction adverse – attendue, mais tellement brutale – telle qu’elle se développe, soit légalement et humainement acceptable. Terroriste, le Hamas n’en est pas moins un opposant à la politique palestinienne de l’État d’Israël. Rappelons que les jugements réciproques à porter sur les responsabilités de cette situation ne relèvent pas de notre propos.

Pour en rester aux embarras de langage des uns et des autres, est-il impensable que des « résistants » soient « en même temps », ne serait-ce que par leurs méthodes d’action, des « terroristes » ? Il n’est pas aisé de définir absolument le concept de terrorisme autrement que par les moyens utilisés. Le mot sert le plus souvent à désigner les opposants armés à un pouvoir contesté, quelle que soit la nature de cette opposition. C’est ainsi que l’occupant allemand nommait les FFI ou que le pouvoir égyptien considèrze les frères musulmans. Et l’usage n’en n’est pas nouveau. Thomas Basin, évêque de Lisieux pendant la Guerre de Cent ans, l’utilisa en parlant des paysans français qui menaient une guérilla contre l’occupant anglais de la Normandie.

Avec plus ou moins de férocité dans l’application de leurs principes, les terroristes veulent justifier leur violence par la faiblesse de leurs moyens d’action face à un adversaire militairement beaucoup plus fort. Cette hyper-violence, que les « lois de la guerre » réprouvent, serait destinée, à la fois, à obtenir un effet maximum avec des moyens limités, et aussi à créer une atmosphère de « terreur » qui affaiblirait psychologiquement la puissance des puissants, ne sachant plus d’où vont venir les coups ni leur intensité, et dont leurs civils peuvent pâtir, ce qui n’est jamais très populaire ! 

Se pose alors une question légitime : où placer le curseur marquant la limite entre un « terrorisme » qui resterait « humain » et la « barbarie », plus ou moins présente dans toute guerre. Le bombardement de Dresde ou la bombe d’Hiroshima n’étaient-ils pas un peu « barbares » ?  Et la barbarie des uns ne saurait en aucun cas justifier ou excuser celle des autres. On l’a bien vu pendant la Guerre d’Algérie, où les tortures infligées par certains soldats de l’armée française étaient justement dénoncées, mais seulement par ceux qui, généralement, restaient muets sur celles auxquelles s’adonnait le FLN (parfois contre ses propres coreligionnaires). Et réciproquement, bien sûr.

On ne remarque pas assez le paradoxe qu’il y a à établir des « lois » pour réguler, si faire se pouvait, la guerre, qui est de soi « hors-les-lois », entre autres celle, jusqu’ici assez universelle, quoique souvent mal observée, du « Tu ne tueras point ». Atténuer les effets de la guerre pour les civils et en particulier les femmes et les enfants, c’est ce qu’avait tenté d’établir, bien avant les décisions de la Société des Nations, les mouvements de la Paix de Dieu et la Trêve de Dieu, aux Xet XIe siècles. Faut-il en revenir au Moyen Âge ?

 

Jean-Baptiste Désert

 

  1. Nos lecteurs peuvent contribuer à cette collecte en nous signalant des cas correspondant à cette intention.
  2. Qui éclairera la polysémie de ce mot qui, même pris au sens strictement politique, ne qualifiera pas le même individu aux États-Unis et dans la Fédération de Russie ?
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M
Tout-à-fait d'accord pour dire que la définition du terrorisme est à "géométrie variable" dépendant du camp dans lequel on se trouve. Il y a plusieurs niveaux de terrorisme, aussi : tuer un soldat d'occupation est un acte différent que celui de tuer un civil ou un enfant...simple exemple. Je pense qu'il y a des actes évidemment terroristes, quelle que soit la définition, comme par exemple ce qui s'est passé le 7 octobre. Mais je suis toujours inquiet quand on déclare qu'une entité (actuellement le Hamas ou le Hezbollah) est "terroriste", ce qui permet de refuser tout contact alors que ces entités, de fait, gèrent des populations entières. Refuser de négocier avec l'ennemi est une ânerie que l'on paye toujours très cher...Enfin rappelons-nous que la Haganah usait du terrorisme de façon continue, que les hommes politiques "respectés" Shamir (membre de l'Irgun puis du Lehin -l'Irgun radical!) ou Begin (chef de l'Irgun, coordonateur entre autres de nombreux attentats terroristes sanglants), ont utilisé le terrorisme...sans retenue.<br /> Pour ce qui est des déserts médicaux, j'irais plus loin que l'auteur. La médecine libérale s'estime en droit de faire ce qu'elle veut puisque libérale. Mais de fait les médecins sont payés par la sécurité sociale, alors on se cache derrière son petit doigt, ils ont les avantages du fonctionnariat en voulant jouir de la liberté due à leur statut libéral.
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