Lettre ouverte de Saint-Merry-hors-les-murs aux évêques de France
Paris, le 14 novembre 2022
Frères Évêques,
Après la tenue de votre assemblée plénière, et à l’écoute de vos déclarations, membres de l’Église, nous avons choisi de vous écrire.
Votre président dans son Message de clôture nous invite à « entrer dans la joie de l’Évangile ». Oui, nous souhaitons vivement pouvoir accueillir le cadeau de cette joie, mais il nous faut pour cela vous partager espoirs et inquiétudes, voire nos colères ! Nous ne souhaitons surtout pas vous accabler mais construire avec vous, fraternellement, l’avenir.
Espoirs car vous vous êtes à nouveau déclarés « bouleversés et résolus » face à la révélation de nouveaux cas d’attitudes qui ne sont pas seulement « répréhensibles » comme l’écrit le cardinal Jean-Pierre Ricard, mais source d’immenses blessures pour tant de victimes et négation totale de l’esprit de l’Évangile.
Espoirs car votre président précise que vous vous sentez appelés à vous « examiner sur notre rapport au pouvoir, aux biens, à notre ministère » ; mais vous n’en dites pas plus.
Espoirs car vous nous annoncez qu’en mars 2023, neuf groupes de travail feront part de leurs réflexions sur certains des axes préconisés par le rapport de la Ciase.
Espoirs car nous savons bien que la plupart d’entre vous tentez d’exercer au mieux le ministère « apostolique qui nous a été confié par le Seigneur ressuscité ». Mais aucun n’interroge la nature même de ce ministère.
Inquiétudes parce que vous méconnaissez volontairement le carac-tère « systémique » des mécanismes qui ont abouti à provoquer tant de souffrances et de déceptions. Votre président fait état d’une « culture qui a permis les abus et les a couverts ». Il s’agit bien d’un système qui produit des effets mortifères !
Inquiétudes parce qu’à aucun moment vous ne mettez en question le détournement du « sacré »qui conduit systématiquement à la sacralisation de la personne du prêtre, avec tous les risques d’abus de « pouvoir » que cela entraîne.
Inquiétudes parce que rien n’est dit de l’absence des femmes pourtant dénoncée par les travaux de nombre de catholiques dans le cadre de la réflexion sur la synodalité.
Inquiétudes parce qu’à propos de cette démarche vous parlez mystérieusement « d’une recherche commune de la volonté de Dieu, une entraide fraternelle pour sortir du péché » !
Inquiétudes parce que si vous reconnaissez que la « maturité du peuple de Dieu est soumise à rude épreuve » vous n’en tirez aucune conséquence quant à la réelle participation de ce peuple aux processus décisionnels dans l’Église.
Votre président conclut son discours, à juste titre : « le chemin pour guérir… sera long ». Ne pensez-vous pas, frères évêques qu’il serait temps que nous marchions vraiment « ensemble » pour accueillir la joie de l’Évangile ? Nous y sommes prêts.
Nous vous demandons, outre l’amélioration de l’accueil des victimes et l’adoption d’une vraie transparence dans l’examen des manquements et la communication à ce sujet :
• d’organiser dès maintenant, avec des laïcs, une réflexion sur la mission première du ministère épiscopal et presbytéral en dissociant le « service de l’unité » de la gestion administrative qui peut être confiée à d’autres.
• d’instaurer la coresponsabilité, à tous les niveaux, tenant compte de la diversité de l’ensemble du Peuple de Dieu (femmes et hommes, clercs et laïcs) dans le souci d’une vraie représentativité et en particulier de créer, dans cet esprit, dans tous les diocèses, un conseil pastoral diocésain, ayant pouvoir décisionnel.
Bien fraternellement.
Communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs
contact@saintmerry-hors-les-murs.com
Source : https://saintmerry-hors-les-murs.com/2022/11/15/lettre-ouverte-aux-eveques-de-france/