Catholiques, si on s'inspirait des évangéliques ?

Publié le par Garrigues et Sentiers

Le premier enjeu du rapprochement entre évangéliques et catholiques : nous inspirer de leur irrigation permanente par la parole divine, source de vie.

« Esdras qui arrive à faire pousser des cris de joie au peuple en lui lisant le Lévitique, je dis chapeau bas. Parce que si vous avez déjà essayé de feuilleter le Lévitique... ben vous voyez ce que je veux dire ! »

Les mots du pasteur évangélique invité à commenter la parole de Dieu dimanche, pour la semaine pour l’unité des chrétiens, ont fait mouche. Mais ils ne sont pas qu’un trait d’esprit pour faire rire l’assemblée, bien que le livre du Lévitique et son cortège de prescriptions arides ne soient a priori pas le choix le plus évident pour qui veut mettre en mouvement une assemblée. Ils sont aussi l’illustration vivante de ce que le pasteur, ami de la paroisse, a apporté ce jour-là : un témoignage d’un rapport vivant et permanent à la parole de Dieu.

Il arrive que la simple évocation du protestantisme évangélique fasse pousser les hauts cris aux catholiques. Comment, l’Église, que, catholiques, nous croyons être la plus fidèle dépositaire du mystère de la foi reçu du Christ via les apôtres, aurait quelque chose à apprendre de la fréquentation de protestants qui, pour certains, ne manquent pas une occasion de la critiquer ?

La semaine de prière pour l’unité des chrétiens est une de ces occasions de nous rappeler que la réponse est oui.

Dimanche, le pasteur invité a fait court, par rapport à ses standards, et long, par rapport aux standards catholiques. Pendant un quart d’heure, il ne s’est appuyé que sur les textes commentés, renvoyant sans cesse à d’autres passages de la Bible en relation avec les textes du jour, glissant ça ou là un commentaire d’étymologie hébraïque, et, surtout, ne s’aidant d’aucune note.

Est-ce à dire qu’il faut jeter à la poubelle toutes les habitudes de prédication prises par les prêtres catholiques ? Surtout pas. Si, d’après une citation attribuée au cardinal Ratzinger « le miracle de l’Église, c’est qu’elle survit chaque dimanche à des millions de très mauvaises homélies », il existe encore – Dieu merci – une multitude de prêtres capables de ne pas endormir leurs paroissiens.

Pourquoi, alors, nous inspirer des évangéliques si nous avons à la maison tous les éléments pour bien faire ? Peut-être sur notre relation à l’homélie, la prédication, tout ce que nous voulons. En présentant le pasteur invité, le prêtre de la paroisse avait commencé par rappeler qu’avant la communion au Corps du Christ, qui nous sépare de nos frères protestants et qui est une blessure, il y a d’abord la communion à la Bible, parole de Dieu, qui, elle, nous rassemble et fait de nous les enfants d’un même père.

Les protestants sont souvent surpris d’entendre des catholiques récriminer sur la longueur d’une homélie. Pour eux, limiter de sept à dix minutes une exhortation ou une méditation sur la parole de Dieu, c’est reléguer la Bible au 347e rang des priorités de la vie chrétienne. C’est sans doute exagéré, mais nos frères protestants nous montrent qu’il est possible d’entendre un commentaire biblique d’une demi-heure sans avoir somnolé ni vouloir interrompre le prédicateur pour lui poser des questions.

Un de mes proches évangéliques m’a offert il y a quelques temps le livre Dieu, l’écologie et moi, écrit par le directeur théologique d’A Rocha, une association internationale chrétienne de défense de l’environnement. Ce livre pose la question : que dit la Bible de la relation de Dieu à l’environnement ? Autrement dit, pourquoi nous demande-t-elle d’être écologistes ? Le plus souvent, quand nous sommes interrogés sur les raisons de notre engagement pour la planète, nous répondons par des considérations techniques. Nous parlons crise de la biodiversité, réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles. Ce sont d’excellents arguments : la crise écologique nous impose un engagement urgent. Mais nous, chrétiens, nous serions-nous engagés en faveur de la Création si la crise écologique n’existait pas et qu’il n’y avait aucune urgence ? Tout le but du livre est de montrer que oui, de rappeler que l’engagement écologique chrétien est d’abord une relation à Dieu, à sa Création, une acceptation de l’amour et de la parole de Dieu.

François Mandil, des Scouts et Guides de France, avait déclaré lors du colloque 2014 de Chrétiens et pic de pétrole que, même s’il n’y avait aucune urgence écologique nous poussant à agir, il serait quand même écologiste par amour pour la Création.

Il y a là un enjeu crucial sur lequel nous serions bien inspirés de regarder du côté de nos frères protestants : nos engagements sociaux, écologiques ou autres, se fondent d’abord sur la Bible, l’Incarnation, l’amour de Dieu pour le monde. Pierre Durieux ne dit pas autre chose, me semble-t-il, quand il écrit dans sa Méthode simple pour commencer à croire (éditions Artège, 2016), que l’Église regorge d’érudits capables d’expliquer la doctrine sociale de l’Église, de se lancer passionnément dans le combat bioéthique en enrôlant des troupes, mais vite embarrassés lorsqu’il s’agit de parler d’une manière plus personnelle de leur foi en Jésus-Christ, dont ces multiples engagements ne sont pourtant pas coupés.

Voilà pour moi le premier enjeu du rapprochement entre évangéliques et catholiques : nous inspirer de leur irrigation permanente par la parole divine, source de vie.

Un de mes professeurs de grec nous disait qu’une bonne grammaire grecque est celle qui est tout écornée et donne l’impression de sortir d’un champ de bataille. On pourrait transposer le raisonnement à la Bible. Les Bibles de nos étagères sont de belle facture, peu usées, car le papier Bible nous impose de les manipuler avec respect, vénération et prudence. Mais peut-être gagnerions-nous à avoir des éditions plus solides, ou moins proprettes, que nous pourrions manipuler au quotidien sans avoir peur de trop les abîmer.

Les études bibliques sont absolument passionnantes. On peut passer des heures à étudier le texte hébreu ou grec, les questions de sémantiques qu’ils posent, les images qu’il utilise, la culture dont il témoigne. C’est nécessaire, et c’est enrichissant.

Mais la Bible n’est pas un objet d’étude pour exégètes ou érudits. Nos frères protestants, et particulièrement les évangéliques, pourraient nous aider à le redécouvrir.

Mahaut Herrmann pour LaVie
sous le titre : Catholiques, devons-nous nous inspirer des évangéliques ?


 

Publié dans Signes des temps

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J
La récente publication du premier tome de "La Bible racontée comme un roman" de Christine Pedotti chez XO Éditions constitue, du côté catholique, une heureuse et stimulante initiative pour mettre ce monument littéraire et religieux de l'humanité à la portée du grand public. Point n'est besoin pour cela de se mettre à la remorque des évangéliques qui, dans leur prosélytisme, ont tendance à privilégier (voire à manipuler) l'émotion au détriment de l'intelligence de la foi. Les commentaires donnés ci-dessous par Didier Lévy et Alain Barthélémy me paraissent des plus perspicaces à cet égard. L'Évangile foncièrement subversif prêché par Jésus de Nazareth dans le sillage des prophètes d'Israël libère l'homme de tous les obscurantismes et de toutes les mainmises sectaires. La Bible n'apporte pas de réponses toutes faites aux problèmes inédits que rencontre l'humanité contemporaine, mais elle éclaire nos questions. Elle nous aide à nous situer entre la Parole originelle qui transcende les croyances et les langages forcément passagers qui transmettent la foi, entre la souveraine liberté qu'instaure cette Parole et les institutions inévitablement relatives du vécu communautaire. La lettre n'est que le support de l'Esprit qui inspire l'intelligence en même temps que le cœur. Voir à ce propos l'article "Le roman de la Bible d'après Christine Pedotti" sur (communiqué à Garrigues et sentiers).
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L
Une très bonne émission sur les Eglises évangéliques diffusée par France Culture en réécoute :<br /> http://www.franceculture.fr/emissions/culturesmonde/du-pouvoir-des-mots-34-parler-aux-ames
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A
Il n'y a pas grand chose à ajouter à la critique de Didier Lévy, qui pulvérise très efficacement le tissu d'inepties de cet article dont on peut se demander s'il procède d'une naïveté confondante ou s'il est téléguidé par des intentions plus sournoises. Un artifice rhétorique y marie sans cesse "nos frères protestants" avec la faction évangélique, certes incluse dans la nébuleuse aux confins douteux de la Réforme, mais qui amène à assimiler les redoutables intégristes de cette menaçante phalange aux inoffensifs fidèles échappés, comme mes ancêtres, des persécutions de Charles IX et Louis XIV. Quant aux experts en hauts cris, il y en a d'encore plus forts en ce moment pour en faire pousser de toutes sorte entre Damas et l'Euphrate. <br /> <br /> Alain Barthélemy
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L
Vivante est la parole de Dieu (He 4, 12)<br /> <br /> Beaucoup de naïveté chez l’auteur de cet article ! Beaucoup plus de catholiques lisent maintenant la bible mais elle est souvent bien mal commentée dans les homélies dominicales. Des revues « Magnificat », « Prions en Eglise », des sites internet, des cercles bibliques proposent des commentaires ou méditations … Il y a évangélistes et évangélistes : certains proposent des lectures fondamentalistes de la Bible. Notre Eglise doit aussi faire des efforts pour renouveler l’approche des textes bibliques en profitant des progrès de l’exégèse.<br /> Pour connaître mon approche de ces questions, je vous invite à lire la page intitulée « Parole et paroles » (et d’autres articles !) sur mon blog « Bible : Parole et paroles » : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2014/11/parole-et-paroles.html
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L
Simplement pour préciser qu'il y a évidemment lieu de lire "évangéliques" à la place de "évangélistes" dans mon commentaire ! Je demande aux "Quatre" de me pardonner ! Très bon commentaire de Lévy qui fait bien le tour de la question. J'apporte encore cette information : certains pasteurs évangéliques demandent à un conjoint baptisé catholique d'un fidèle évangélique de se faire re-baptiser dans leur Eglise ... Ne soyons pas trop naïfs quant à la profondeur de vues de ces gens-là !
L
Beaucoup de vues incontestables dans cet article - je pense à la relation entre le monothéisme judéo-chrétien et l'écologie -cf. le septième commandement des lois de Noé. Et au temps d'enrichissement qu'une homélie se devrait de consacrer à la méditation sur le texte biblique et à l'exégèse à laquelle ce texte invite - ce qui réduirait le nombre des homélies entrant dans la catégorie qu'aurait visée le cardinal Ratzinger, ou relevant simplement d'un préchi-précha lénifiant et enfilant les bonnes intentions les plus attendues. Reste qu'inviter à prendre exemple sur les évangéliques me semble, au mieux, paradoxal : comment occulter en effet que les évangéliques pratiquent un littéralisme, où qu'ils partent d'un littéralisme, qui, à l'instar de ce que celui-ci produit dans toute religion, contredit fondamentalement toute vocation à avancer dans l'intelligence de la foi. Et si l'on juge l'arbre à ses fruits, que l'on examine ce qui résulte de ce littéralisme, en particulier en Afrique et en Amérique latine (ou parmi les fidèles d’origine africaines qui forment les gros bataillons des paroisses évangéliques d'Europe ou du Canada) : un enfermement sur des commandements bibliques pris "au pied de la lettre", c'est à dire sans aucune considération historique et exégétique qui les relativise et les interprète. L'exact opposé, finalement, du discours du Messie (et des pharisiens souvent instrumentés ou auto instrumentés en contradicteurs du rabbi Jésus) sur la Loi hébraïque ... Le pire fruit du littéralisme, dans l'actualité de notre temps, étant de véhiculer une homophobie qui en particulier sur le continent africain, s'exprime avec les accents les plus meurtriers - et non sans "contaminer", la part étant faite d'un fonds culturel commun, le clergé catholique locale (on renvoie ici à une déclaration récente des primats catholiques d'Afrique). Même si, bien plus largement, l'aveuglement qui découle nécessairement de tout littéralisme - "La lettre tue, l'esprit vivifie" - est la source directe des principaux dommages ou crimes imputés à chaque religion, s'agissant des confessions chrétiennes, comment ne pas voir dans cette homophobie qui se légitime par une lecture mot à mot des "commandements de Dieu", l'exact pendant de l'anti judaïsme qui a affligé la majorité de ces confession et que celles-ci regardent aujourd'hui comme une honte et reconnaissent comme l'élément nourricier,ou l'un des éléments nourriciers, d'une épouvantable suite d'exterminations ? Je crois comprendre ce en quoi l'article juge exemplaire la pratique des évangéliques : "leur irrigation permanente par la parole divine", leur capacité à faire "pousser des cris de joie au peuple" en entendant cette parole. Mais que reste-t-il d'admirable quand cette parole est comprise comme se suffisant à elle-même, quand elle ne s'accompagne pas de l'injonction qui s'applique à chaque génération, à chaque époque, à chaque lecteur ou auditeur, de mettre en valeur les lumières reçues hic et nunc pour avancer, à la mesure de ce qui lui donné comme grâce à cet effet, dans l'intelligence de la foi. "Parler en langues" peut susciter une forme d'émerveillement de la part de qui en est témoin, mais l'élévation mystique, la pénétration mystique de la foi, saurait-elle procéder d'un autre cheminement que celui de L'Esprit qui anime à la fois les facultés d'émotion et d'intellection données aux créatures humaines ? Didier LEVY
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