Marie
Le culte de Marie se manifeste dans le courant du IIe siècle, inspiré, entre autres, du
Protévangile de Jacques et d'autres apocryphes. Il est fortement confirmé par le titre de " mère de Dieu " décrété au concile d'Éphèse en 431, contre Nestorius qui la
réduisait au rôle de " mère de l'homme Jésus ". Son culte connaît diverses accélérations, dont nous n'indiquons que quelques-unes des plus importantes : telle, au XIIe,
grâce à l'importation de certaines dévotions d'Orient par les Croisades, et aussi, peut-être, l'ambiance " féministe " de l'amour courtois (Notre Dame ?)… ; puis au
XVIIe, en réaction contre la Réforme, et enfin au XIXe, contre le rationalisme, avec une tendance plus nette à la proclamation de dogmes. Ce culte connaît aujourd'hui,
semble-t-il, un regain à travers les processions, pèlerinages, prières plus ou moins systématiques à la Vierge au cours des offices, voire de nouvelles apparitions, miracles attribués à son
intercession, etc.
Poètes, liturgistes et théologiens, sans compter les masses populaires, n'ont eu de cesse de reconnaître et
célébrer les qualités et titres de Gloire de la " Bienheureuse Vierge " et de multiplier les appellations honorifiques sous lesquelles on pouvait l'invoquer. Certains titres ont gagné
leurs galons dogmatiques, non sans, parfois, des polémiques : ainsi, l'Immaculée Conception – dont l'idée est apparue assez tôt, mais qui n'a été reconnue ni par les orthodoxes ni,
bien sûr, par les réformés – a pu être jugée " inutile " par saint Bernard, pourtant dévot de Marie, et par saint Thomas d'Aquin. Par mimétisme avec les hiérarchies terrestres, on l'a
désignée, par exemple, comme " Reine du Ciel ", " Reine des anges ", "Reine de l'Univers, " Reine des chrétiens ", etc. Il y a là toute une magnificence baroque qui
fait que l'homme semble n'avoir jamais assez de superlatifs pour reconnaître le statut, effectivement particulier, de Marie dans l'économie du salut. Pie XI, en 1922, n'hésite pas à la
désigner comme "trésorière de Dieu de toutes les grâces "… D'autres dénominations sont demeurées au stade de simples dévotions locales, faisant souvent appel à ses capacités à
accomplir des miracles. Sur le plan pratique, il peut être déroutant de rencontrer dans un même lieu d'Église, plusieurs tableaux ou statues présentant des titres différents et
caractéristiques concurrentes : La Vierge au manteau, Notre-Dame de Lourdes, celle du Rosaire, Notre-Dame du Bon Secours, etc., comme si l'on craignait de risquer d'oublier quelqu'une de ses
vertus ou de se priver d'un aspect de sa protection.
Lorsqu'on se réfère aux seuls évangiles canoniques, on constate qu'au total ils évoquent peu la Vierge et
qu'elle-même parle très peu, mais à bon escient. "Faites ce qu'il vous dira… " établit un véritable programme spirituel. Quand Dieu envoie à la Vierge de Nazareth un ange lui
soumettre un choix décisif pour sa vie et celle de l'humanité, elle s'étonne d'abord – à juste titre – d'une procédure inhabituelle et hors de toute raison (humaine) ; puis elle n'a qu'une
réponse : "fiat " (ce qui est la Parole même du Créateur au matin du monde. C'est cette confiance absolue, totalement abandonnée à Dieu, qui peut et doit nous servir de modèle
et qui justifie notre attachement à Marie.
C'est, dans un esprit œcuménique conforme à celui du Groupe des Dombes, en vue de comprendre le bon
usage de la célébration de Marie, et nous prévenir des tentations d'inflation, que nous avons préparé ce numéro de "Garrigues et Sentiers ". Nous espérons qu'il pourra aider nos
lecteurs – aussi bien les dévots de Marie que ceux qui prennent distance à son égard – à marcher les uns vers les autres pour aboutir, sinon à une même croyance, du moins à une plus grande
tolérance réciproque grâce à un approfondissement de leurs "certitudes". Certains voudront peut-être profiter du blog pour compléter ces réflexions, en explorant peut-être des pistes qui nous ont
échappé ; nous les y invitons fraternellement.