666 ? C'est tout bête !
Avant de lire cet article,
vous trouverez avantage à (re)lire,
dans la même rubrique, l’article
Les 17 peuples et les 153 poissons
666 ! Nombre ésotérique, nombre universellement connu pour son caractère sulfureux, nombre magique, nombre diabolique… nombre de la Bête !
Dieu seul sait combien d’hypothèses ont été émises sur la signification de ce nombre, qui apparaît quatre fois dans la Bible :
- 1Rois 10,14 (quasi identique en 2Chroniques 9,13), à propos de la richesse de Salomon : le poids de l'or qui arriva à Salomon en une année fut de 666 talents d'or.
- Esdras 2,13 : Voici les gens de la province qui revinrent de la captivité et de l'exil… suit une longue liste de noms : les fils de … et le nombre de fils, dont… les fils d'Adoniqam : 666.
Mais ce ne sont pas ces occurrences qui soulèvent les passions, contrairement à :
- Apocalypse 13,18 : C'est ici qu'il faut de la finesse ! Que l'homme doué d'esprit calcule le nombre de la Bête, c'est un nombre d'homme : son chiffre, c'est 666.
Le défi est écrit en toutes lettres ! Que les hommes (et les femmes) doué(e)s d’esprit se mettent à l’ouvrage…
Au travail, donc, amis lecteurs.
Tout d’abord, qui est cette Bête ?
Elle apparaît dans 29 versets de l’Apocalypse, en commençant par le verset 11,7 : Mais quand [les deux témoins] auront fini de rendre témoignage, la Bête qui surgit de l'Abîme viendra guerroyer contre eux, les vaincre et les tuer.
On la retrouve en 13,1-18 : Alors je vis surgir de la mer une Bête ayant sept têtes et dix cornes, sur ses cornes dix diadèmes,
et sur ses têtes des titres blasphématoires. La Bête que je vis ressemblait à une panthère, avec les pattes comme celles d'un ours et la gueule comme une gueule de lion; et le Dragon lui transmit
sa puissance et son trône et un pouvoir immense. L'une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle fut guérie; alors, émerveillée, la terre entière suivit la Bête. On se
prosterna devant le Dragon, parce qu'il avait remis le pouvoir à la Bête; et l'on se prosterna devant la Bête en disant « Qui égale la Bête, et qui peut lutter contre
elle ? » (La bête profère des blasphèmes contre Dieu et mène campagne contre ses saints… Surgit alors une 2e bête qui se met au service de la 1e…)
Par ses manœuvres, tous, petits et grands, riches ou pauvres, libres et esclaves, se feront marquer sur la main droite ou sur le front, et nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est
marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom. C'est ici qu'il faut de la finesse ! Que l'homme doué d'esprit calcule le chiffre de la Bête, c'est un chiffre d'homme : son chiffre,
c'est 666 (traduction Bible de Jérusalem)
Il faut attendre le verset 19,20 pour être rassuré... : mais la Bête fut capturée, avec le faux prophète – celui qui accomplit au service de la Bête des prodiges par lesquels il fourvoyait les gens ayant reçu la marque de la Bête et les adorateurs de son image –, on les jeta tous deux, vivants, dans l'étang de feu, de soufre embrasé.
Comme on va le voir, cette bête ennemie de Dieu et de ses disciples a été souvent assimilée à Néron, qui fut empereur de 54 à 68 et laissa aux chrétiens un souvenir douloureux. Mais l’objet de cet article n’est pas de faire l’exégèse de tous les symboles et de toutes les allusions historiques de ces textes (ce dont je serais d’ailleurs incapable, mon frère ayant pris tous les « gènes historiques » de mes parents !) mais d’en proposer la lecture la plus simple et la plus fidèle possible à la guematria que je vous propose dans cette rubrique : celle qui fait le lien entre les écrits du Premier Testament et ceux du Nouveau, sans oublier que, même s’ils sont parvenus jusqu’à nous en grec, ces derniers ont été pensés et écrits par des juifs.
Ensuite, deux explications « classiques » du 666 !
Après avoir signalé que certains remarquent que la somme des 144 premières décimales du nombre pi (3.14159...) est 666 (!), je vous propose, simplement pour le plaisir, de nous pencher sur deux des « explications » les plus célèbres de ce nombre, qui font appel à des guematrias « particulières ».
La bête est-elle Néron ?
Pour le démontrer il faut passer par une méthode qui consiste à translittérer l’expression Nero-Caesar (Néron Empereur) en caractères hébraïques, ce qui donne NRON-KSR, et à en calculer la valeur en guematria hébraïque « classique » (guematria où l’on donne les valeurs 1 à 9 aux 9 premières lettres de l’alphabet, 10 à 100 de la 10e à la 19e lettre, et 200 à 1000 de la 20e à 28e lettre).
Cela donne : 50 (noun) + 200 (reich) + 6 (vav) + 50 (noun) + 100 (koph) + 60 (samech) + 200 (rech) = 666…
Mais cela suppose que Nero se dise Neron en hébreu et s’écrive avec un vav (qui ici se prononce o), ce qui fait beaucoup (même si on peut admettre de ne pas tenir compte du fait que le noun final de NRON devrait théoriquement être compté pour 700 au lieu de 50) !
Il faut signaler qu’on trouve l’hébreu Qésar (latin Caesar) mais aucune trace de Néron dans le Dictionary of the Targumim, Talmud Babli, Yerushalmi and Midrashic Literature (pourtant complet !) de Markus Jastrow, ce qui semble indiquer que la littérature juive de l’époque se souciait peu de cet empereur.
Il existe une explication proche, à partir du grec et avec une guematria « classique » : César N(éron) Dieu, Kaïsar N Theos en grec, qui donnerait : 20 (kappa) + 1 (alpha) +10 (iota) +200 (sigma) + 1 (alpha) + 100 (rho) + 60 (nu) + 9 (theta) + 5 (epsilon) + 70 (omicron) + 200 (sigma) = 666…
Pour les hellénistes qui auraient envie de retrouver ce nombre à partir du système de guematria sur l’alphabet grec, je précise que cette valeur tient compte de l’insertion de trois lettres inusitées dans l’alphabet du grec ancien « officiel » : le digamma (6), le koppa (90) et le sampi (900), qui décalent d’autant le rang des lettres « classiques » dans l’alphabet.
Il est important de remarquer que si on prend la graphie hébraïque Nero dans le 1er exemple et si, dans le 2e, on supprime le N, dont la présence est pour le moins bizarre, on trouve les deux fois la valeur de 616 qui est attestée dans certains manuscrits…
La bête est-elle le Pape de l’Église Catholique Romaine ?
C’est une explication bien connue et tout aussi acrobatique, qui utilise les valeurs numériques des lettres de l’alphabet latin, en ne retenant que celles qui ont une valeur « officielle » !
Ainsi, si on écrit VITA, la vie, on retiendra la valeur du chiffre romain V pour 5 et celle du I pour 1 (mais rien pour les lettres T et A, qui ne sont pas des chiffres romains).
C’est ainsi qu’on a pu expliquer le 666 par l’expression, écrite « à la romaine » (avec un U en forme de V !) :
VICARIVS FILII DEI
Vicaire du Fils de Dieu
avec six I qui valent chacun 1, deux V qui valent chacun 5, un L qui vaut 50, un C qui vaut 100 et un D qui vaut 500, soit 666.
Cette explication a, bien sûr, fait le bonheur de tous les antipapistes de la Terre, qui se sont empressés de « démontrer » que le 666 vise aussi l’Église tout entière, puisque son rite baptismal prescrit que le prêtre marque le front et les mains du baptisé, geste dans lequel ils voient, bien sûr, celui de la Bête marquant ses adeptes (Apocalypse 13) !
Il ne faut pas forcément rejeter ces explications, mais elles me semblent bien compliquées et reposent sur des données un peu aléatoires en fonction de l’orthographe des mots.
Il y en a bien d’autres, qui utilisent des guematrias de plus en plus compliquées et « sur mesure », et qui mettent en cause Lucifer, Martin Luther, Charles de Gaulle (!), Saddam Hussein et bien d’autres ; et jusqu’à Jésus lui-même, ce qui ne paraît pas être dans l’esprit de l’Apocalypse.
Et enfin, si nous faisions simple ?
Si vous vous rappelez – ou venez de (re)lire – ce que j’écrivais dans l’article Les 17 peuples et les 153 poissons, vous savez que le nombre
153 est la somme des 17 premiers nombres entiers naturels (1+2+3+…+16+17), qu’on appelle nombre triangulaire de 17 en mathématiques et gloire de 17 en kabbale chrétienne (qui
est le poids du nombre 17, car il est constitué par l’empilement de tous les nombres jusqu’à 17). Vous vous rappelez aussi que 17 est la valeur du mot hébreu tov, qui
signifie : bien et que 153 est donc la gloire du Bien.
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Nombre triangulaire de 17
Il y a 1 étoile à la première ligne,
17 à la dernière et 153 au total
Je dois ici avouer que j’ai été étonné que personne n’ait écrit un commentaire à cet article sur la gloire du Bien pour m’interpeller. On pouvait dire oh ! Dieu ! bien des choses en somme, en variant le ton ; par exemple tenez : C’est un peu court, jeune homme ! Tout cela est bien (c’est le cas de le dire), et je suis très heureux de voir dans ces poissons miraculeux la gloire du bien apporté par Jésus à l’humanité tout entière… Mais j’aimerais bien savoir ce qui se passerait si on remplaçait le bien par le mal et si Jean a aussi utilisé cette gloire là !
C’eût été LA question, et le moment est venu de se la poser !
Et la réponse est d’une simplicité… biblique : mal se dit en hébreu ra’ (rech-’aïn), dont la valeur numérique est 36. Or, le nombre triangulaire de 36 est égal à 36 multiplié par 37 et divisé par 2, soit 18 fois 37, soit… 666 !
666, le nombre de la Bête de l’Apocalypse, est donc la gloire du Mal…
A-t-on vraiment besoin de chercher plus loin ?
Bien sûr, on peut aussi dire que, 6 étant le nombre qui précède 7, 6 répété trois fois est le comble de l’inachevé auquel ne peut qu’arriver l’homme qui ne cherche pas Dieu (ce qui expliquerait l’expression nombre d’homme appliqué à 666 par le texte de l’Apocalypse). Mais cela n’est il pas un peu « léger » pour définir cette bête immonde ?
La mention de nombre d’homme en Apocalypse 13,18 laisse bien sûr penser que Jean réglait là un compte avec un humain de l’époque, et avec force, ce qu’il ne manquait d’ailleurs pas de faire avec les disciples de Jean le Baptiste ou « les juifs », en particulier à travers Judas dont il est le seul à dire qu’il était voleur, au prix d’une grande liberté prise avec sa source (mais cela est une autre histoire dont nous reparlerons un jour).
Toutes les explications « historiques », en particulier avec Néron, sont donc respectables, mais malheureusement très compliquées ; et je pense qu’il ne faut pas oublier que l’auteur présumé, Jean l’évangéliste, était juif, comme on a déjà eu l’occasion de le rappeler (cf. par exemple l’article Marie, fille de Sion et mère des Chrétiens) et qu’au-delà des considérations politiques de son temps il pouvait, ici aussi, inviter ses lecteurs à entrer dans une lecture spirituelle, comme il l’avait fait dans son évangile.
Car on ne peut terminer cet article sans remarquer que le même Jean a utilisé – et a été le seul à utiliser – les nombres 153 et 666, gloires du Bien et du Mal (en Jean 21,11 et en Apocalypse 13,18) pour dire à « ceux qui ont des oreilles » que le salut est donné à tous les pécheurs qui se laissent repêcher par Jésus (Jean 21) et que la mort éternelle est le lot de tous ceux qui s’abêtissent en se laissant marquer par la Bête (Apocalypse 13 et suivants).
Le poids du Bien et le poids du Mal ; le salut éternel et la damnation éternelle ; deux poids et deux mesures… Le Seigneur ne disait-il pas déjà au peuple hébreu : Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie ! (Deutéronome 30,19)
Personne ne la choisira à notre place ; c’est la liberté des enfants de Dieu que nous sommes appelés à devenir, car à tous ceux qui l’ont accueilli il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jean 1,12) et de choisir leur vie en conséquence !