" Et vous, qui dites-vous que Je suis ? " : la réponse d'Antoine Duprez

Publié le par Garrigues et Sentiers

Pour toi, Antoine, qui suis-je ?

 

Cette question « Et pour vous, qui suis-je ? », je me la pose depuis longtemps et toujours me vient la réponse de Pierre : « À qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ».Qu’est-ce que cela signifie pour moi aujourd’hui ?

 

C’est d’abord l’événement Jésus, sa personne, ses paroles, sa vie tels qu’ils nous ont été rapportés après sa mort par un groupe de ses disciples, les apôtres et les évangélistes. 

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La personne même de Jésus, replacée dans son contexte, tranche sur les personnalités religieuses, prophètes, guérisseurs de son époque et même de tous les temps.

 

Il est venu annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, c’est-à-dire que Dieu est un père, proche des hommes ; Jésus a avec lui une relation d’intimité particulière : il le nomme « abba », c’est-à-dire « papa » appellation très rare à l’époque ; sans cette relation particulière, on ne peut pas comprendre la personne de Jésus. Les hommes ont du prix aux yeux de Dieu. Sa tendresse ne s’arrête pas à l’apparence, à la couleur de peau ou au statut social ; de même, Jésus regarde le cœur de l’homme et a une attention particulière pour les pauvres, les blessés de l’existence ; Il annonce que l’homme n’est pas fait pour la mort, mais pour la vie, même après la mort. Ce message d’amour rend obsolètes les catégories religieuses de l’époque qui, malgré les messages prophétiques de l’Ancien Testament, enfermaient les « pratiquants » dans des rites souvent mortifères. Ce faisant, Jésus va déchainer l’opposition haineuse de tous les puissants, politiques et religieux. Malgré leurs rivalités, ils le supprimeront et le condamneront à être crucifié, châtiment réservé aux esclaves.

 

L’histoire ne s’arrête pas à sa mort. Ses amis qui ont vécu avec lui et avaient été témoins de ses gestes, paroles, de sa vie, de sa mort, ont affirmé qu’après sa mort, ils ont fait l’expérience d’une présence d’un tout autre type, expérience qu’ils ont essayé de suggérer par des expressions différentes : « Nous l’avons vu, il s’est levé, il est vivant, il est ressuscité, comme il l’avait annoncé ». Progressivement cette expérience s’est traduite par des confessions de foi, notamment « Je crois en Jésus Christ ressuscité » dont les plus anciens témoignages sont dans les lettres de Paul dans les années 50. Cette foi s’est répandue du monde juif, à tout le monde romain et grec puis à tout l’univers connu.

 

J'ai eu la chance d’approfondir ce témoignage au cours d’études bibliques en Palestine sur les lieux où vécut le Christ avec des spécialistes de l’époque, croyants ou incroyants. Peu de textes au monde ont été travaillés, discutés, approfondis comme ces textes du Nouveau Testament. J’en ai conclu à la solidité de ces témoignages même si les différences de culture entre les hommes du premier siècle de notre ère et notre époque posent le problème difficile de leur interprétation (1). On peut refuser le contenu de ce témoignage, mais historiquement, il n’est pas possible de nier le fait de ce témoignage lui-même.

 

Pour moi, il ne s’agit pas d’une confession de foi morte écrite il y a plusieurs siècles et qui concernerait seulement le passé. Cette foi en Jésus Christ ressuscité continue de susciter un peuple de croyants. Depuis cette période fondatrice, la chaîne des témoins s’est poursuivie et répandue dans le monde entier jusqu’à nos jours, suscitant souvent les oppositions radicales des pouvoirs en place ; beaucoup de ces témoins ont payé de leur vie leur foi au Christ.

 

Je me sens solidaire de ce peuple de croyants qu’on appelle église, même si pour se développer, cette église a dû s’organiser, se hiérarchiser dans des institutions qui au cours des siècles ont accumulé  des formulations liées à une culture et difficilement recevables pour le croyant d’aujourd’hui. La tentation est grande de passer de « Je crois en Dieu, en Jésus Christ » à « Je crois que » et d’enfermer sa foi dans des formules dogmatiques. Cette chaîne de croyants qui se poursuit aujourd’hui me confirme dans ma foi. Comme le sage de l’évangile, ils tirent de leur trésor de l’ancien et du neuf et cherchent à formuler leur foi chrétienne dans la culture actuelle sécularisée ; ils sont témoins dans leur vie de la force de l’évangile notamment par la défense des plus pauvres dans un monde toujours plus séduit par l’idolâtrie déjà très ancienne du culte de l’argent. Le pape François fait partie de ces témoins qui veulent vivre leur foi et l’annoncer dans notre monde actuel.

 

Membre de cette chaîne de croyants, j’expérimente aujourd’hui dans ma vie combien cette foi est vivante et fait vivre à la mesure des questions qu’elle pose. Dans une vie qui compte plusieurs milliers d’heures de vol, dont certaines dans des zones de turbulence et même de tempête, cette parole m’a toujours été un fil conducteur solide, une «ancre » comme dit Paul, une source de vie. Elle révèle dans notre vie d’hommes une dimension qui la dépasse et qui vient de plus loin qu’elle. Je ne peux croire que le hasard seul explique la splendeur de la nature, un poème de Verlaine, une symphonie de Mozart, la complexité de l’homme ou la tendresse d’un amour. Cette signature de l’Infini en nous ne provient pas de la seule combinaison des cellules, ni de seuls algorithmes si perfectionnés soient-ils. 

 

Cela ne concerne pas d’abord un domaine religieux à part mais concerne d’abord notre vie humaine dans ce qu’elle a de plus concrète, les relations avec les autres humains, mes frères, qu’ils partagent ma foi ou non.

 

Si ma foi est d’abord personnelle du fait des évènements de ma vie, elle n’est pas solitaire mais solidaire :« Seigneur à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. ? »

 

Antoine Duprez 

 

(1) Des études comme celle de Meier, un exégète américain, permettent de se rendre compte du sérieux avec lesquels ces textes sont étudiés. Non pas que toutes les questions soient réglées, au contraire ils s’en posent de plus en plus, mais la qualité de ce travail empêche, comme malheureusement certains le font encore, de classer ces textes comme de simples inventions d’une communauté en quête de pouvoir.

Publié dans DOSSIER N°37

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