Une interview de Rony Brauman : « Israël-Palestine : derrière la propagande, une violence sans précédent »

Publié le par Garrigues et Sentiers

Une interview de Rony Brauman : « Israël-Palestine : derrière la propagande, une violence sans précédent »

Rony Brauman, médecin juif engagé depuis 1977 dans l’humanitaire (président de Médecins sans Frontières de 1982 à 1994) dénonce depuis des années la politique de l’État d’Israël.

Il propose ici, d’abord dans cette présentation détaillée rédigée par Laurent Baudoin, puis dans la vidéo « Le Massacre de Gaza », son analyse du conflit israélo-palestinien, dont le niveau de violence a atteint son paroxysme depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Il déplore les massacres perpétrés et l’horreur d’une situation dont on peine à envisager la moindre issue. Il se montre très critique face à la politique de destruction conduite par Israël, sous le regard complaisant d’un Occident complètement dépassé.

Sa rupture avec le sionisme

Il est né en 1950 à Jérusalem de parents français sionistes ayant rejoint l’Etat d’Israël en 1948. Il a été sioniste pendant sa jeunesse, influencé par un père convaincu de la propriété collective de cette terre par les Juifs.

À partir de 1988, trois faits majeurs lui ouvrent les yeux sur la réalité de l’occupation, de la loi militaire, de l’apartheid :

  • 1988-89 : la première Intifada lui révèle l’existence des Palestiniens, jusqu’alors niée par la société israélienne.
  • 1990 : avec la chute de l’Union soviétique, les Palestiniens n’apparaissent plus comme le faux-nez de l’URSS dans le contexte de la guerre froide.
  • 1991 : le film « Izkor, les esclaves de la mémoire » d’Eyal Sivan sur notamment l’enseignement de la Shoah en Israël, le conduit à prendre ses distances avec le sionisme. « Le rideau s’est déchiré et depuis je n’ai plus été sioniste ».

Sa vision du 7 octobre 2023

Au début, ce fut une légitime et remarquable opération militaire des factions palestiniennes pour sortir de l’enfermement. Puis c’est l’horreur des exactions commises contre des civils. Il est aussi surpris par le haut niveau de violence d’Israël, même s’il s’attendait à une riposte violente : 25 000 morts à ce jour dont une part élevée d’enfants et de femmes, un taux de destruction semblable à celui des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale (encore plus choquant ici, car les civils ne peuvent s’enfuir de l’enclave).

Cette punition collective est assumée par les dirigeants israéliens (qui considèrent tous les Gazaouis comme complices du Hamas) et leur vengeance est cruelle (les citoyens israéliens sont invités à dédicacer les missiles qui vont tuer les Palestiniens !) L’objectif est de rendre Gaza inhabitable. L’angoisse de cette guerre, c’est que toutes les autres dans l’histoire laissaient voir une issue même si elle n’était pas toujours glorieuse. « Pas celle-là, ce qui rajoute au sentiment d’écrasement que je ressens. »

Peut-on parler de génocide ?

Il est sain que ce terme monte dans l’opinion, vu les propos atroces des dirigeants israéliens qui cherchent « une “solution finale” pour faire disparaître les Palestiniens. »

Dans le cas de la guerre au Darfour, par ex., qui a débouché sur l’accusation de génocide, les juristes ont estimé qu’il y avait suffisamment d’éléments pour mobiliser la convention de 1948 sur le génocide, alors qu’elle n’a pas été plus violente que la répression israélienne actuelle.

Surtout, la convention de 1948 invite ses signataires à tout faire pour prévenir le risque de génocide ; or on s’achemine vers un génocide.

« Terroristes » ou « résistants » ?

La phrase « Israël a le droit de se défendre » est codée pour justifier la violence de l’occupant contre l’occupé.

Le droit international ne prévoit pas que la puissance occupante ait le droit de frapper l’occupé. Il dit au contraire que l’occupant a des obligations de protection vis-à-vis de la population sous son contrôle. Or Israël n’a jamais rempli ses obligations d’occupant. « Il est dégoûtant d’utiliser le droit international pour le retourner contre les victimes ». Les Gazaouis utilisent leur droit de population occupée à se défendre. Israël a le droit de riposter à des attaques venant d’un pays extérieur (ex. le Liban), mais ici, les Gazaouis occupés ont le droit de se révolter (pas selon n’importe quelles modalités – les atrocités du Hamas ne relèvent pas de ce droit).

Quand des militants palestiniens attaquent des soldats ou des colons armés, on les traite de « terroristes » alors qu’on devrait les appeler « résistants ». Mais la plupart des pays occidentaux reprennent servilement le discours israélien ; et on voit beaucoup de « philosophes » médiatiques défendre l’oppresseur contre l’opprimé, à l’inverse de leurs positions dans des conflits précédents… C’est désolant.

Rony Brauman révèle qu’il est censuré par plusieurs médias quand s’agit de la Palestine (notamment BFM TV sur l’ordre de Patrick Drahi son propriétaire). Heureusement, des voix se font entendre ailleurs (notamment sur les réseaux sociaux), même si elles n’ont pas la puissance du « vacarme des voix israéliennes».

Le projet de déportation des Palestiniens (en Afrique…) ?

Ce projet « de type nazi » suscite en lui effarement et colère. C’est un test, une technique pour présenter ultérieurement comme « modérée » une autre proposition qui paraîtra un peu moins extrémiste. Ce projet repose sur l’idée « Chassons tous ces intrus » ; c’est une mise en pratique de la théorie du «grand remplacement ».

En France, Rony Brauman constate un soutien apparent à Israël (dans quelle proportion ? Quelle évolution ?). Raisons : le traumatisme des attentats des dernières années, l’amalgame entre le Hamas et Daech (erroné, mais entretenu par les médias et les autorités y compris au niveau présidentiel), une sorte d’identification culturelle entre Israël et la France.

Israël met-il les Juifs en danger ?

Rony Brauman le croit depuis longtemps. Israël redonne une certaine légitimité à la haine des Juifs, car il enrôle abusivement tous les Juifs du monde dans la défense du pouvoir fascisant israélien. C’est un grand danger pour tous les Juifs.

Le projet de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique, était un projet européen nourri de l’antisémitisme des dirigeants britanniques de l’époque qui voulaient voir partir leurs Juifs (Balfour était antisémite). On voit qu’antisémitisme et soutien à Israël ne s’opposent pas (ex. Hongrie, etc.). Quant à l’antisionisme, c’est d’abord une histoire juive, pour des motifs divers (religieux, républicains, philosophiques…). L’antisionisme ou l’indifférence au sionisme ont été très majoritaires chez les Juifs d’Europe et du monde arabe jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Quelle issue à la guerre actuelle ?

Rony Brauman est pessimiste, il ne voit aucune issue. À court terme, les idées extrémistes peuvent l’emporter. L’armée israélienne se comporte comme une armée coloniale, qui considère les Palestiniens comme des inférieurs qu’on peut piétiner. Un État « démocratique » pour les seuls Juifs, qui écrase plusieurs millions de Palestiniens, ne peut pas être classé parmi les pays démocratiques, encore moins aujourd’hui. De plus, la violence contre les Palestiniens retentit jusque dans la vie quotidienne des Israéliens (violences conjugales, violences routières, paranoïa d’une partie de la société, etc.).

Quelle était la stratégie du Hamas ?

On ne sait pas trop. Il semble que le Hamas et même la police israélienne ignoraient la tenue d’une fête techno près de la frontière de Gaza.

Les activistes, s’ils s’étaient contentés de détruire des installations militaires et neutraliser des soldats israéliens, sans commettre toutes ces horreurs contre des civils, auraient été auréolés de leur succès et de leur audace. En voulant faire plus, ils ont nui à l’image de la résistance. Mais il faut reconnaître qu’ils ont sorti de l’oubli la question palestinienne.

À propos du « deux poids deux mesures » (cf. Ukraine/Gaza) ?

Rony Brauman est révolté par la complaisance de l’Union européenne à l’égard du colonialisme israélien. La tradition de politique équilibrée de la France – de de Gaulle à Mitterrand – a disparu, avec son alignement sur la position allemande et de l’Europe de l’Est (« l’antisionisme est la vision cachée de l’antisémitisme »).

Si le génocide se confirme, cette position ne restera pas sans conséquence. Le discours a vocation morale des Européens, c’est terminé. L’évocation rituelle d’Auschwitz comme summum de la cruauté humaine et comme ressort de légitimation de l’Etat d’Israël va en prendre un sérieux coup.

Drame supplémentaire : le meurtre de journalistes à Gaza ; c’est pire que partout ailleurs dans le monde, y compris pendant la deuxième Guerre mondiale.

 

Pour voir et entendre l’intégralité de l’interview

Cliquer sur le lien suivant : https://youtu.be/guEh6kyPWJc

Laurent Baudoin

Sources : https://elucid.media/democratie/israel-palestine-derriere-la-propagande-une-violence-sans-precedent

https://nsae.fr/2024/01/24/israel-palestine-derriere-la-propagande-une-violence-sans-precedent/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter-nsae_97

Publié dans Réflexions en chemin

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G
Plutôt que de partager notre indignation si on essayait de discerner les failles de la politique du gouvernement de l'extrême-droite israélienne : 1° Joe Biden, le bègue, le gâteux a signé un ordre sans précédent qui gel les avoirs américains de 4 citoyens israëliens pour leurs exactions envers les palestiniens.2° une partie de la population d'israël concernée par les otages du Hamas manifestent tous les jours pour demander un cesser le feu et de nouvelles élections. 3°la cour suprême a donné raisons aux manifestants contre le gouvernement sur les réformes de la justice qui devaient protéger Métennayou de toutes poursuites pour ses affaires de corruption. Des israéliens défendent le droit des palestiniens à leur existence en Palestine. 5° au sein de la population palestinienne une opposition au Hamas surgit, pour contester une politique cynique qui les sacrifie sur l'autel de leur idéologie totalitaire en les utilisant comme bouclier humain, en leur refusant toute protection<br /> physique.<br /> A terme ces failles peuvent confluer et jeter les bases d'une nouvelle politique de coexistence.Les sociétés forment des totalités complexes au sein desquelles des mouvements complexes oeuvrent à la transformation.
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