A l'écoute de la Parole de Dieu
Dimanche des Rameaux et de la Passion 24/03/2024
Mc 11, 1-10 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 (22) ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1-15, 47
A l'entrée de Jésus à Jérusalem, la foule l'acclame avec des hosanna, une semaine plus tard la foule criera « crucifie le » Deux questions se posent : « était-ce la même foule ? Et s'est-il passé seulement une semaine entre cette entrée à Jérusalem de Jésus et le temps de la passion ? En général, une manifestation pour un candidat à une élection est souvent suivie d'une autre manifestation mais pour un autre candidat et ce n'est pas la même foule qui suit les banderoles ou bien il s'est passé au moins six mois, le temps de réflexion de la foule pour se faire un autre avis. Rappelons-nous que la foule attendait un messie guerrier venant délivrer les juifs du joug des Romains et ce n'était pas le cas de Jésus. Avait-elle pris conscience que Jésus n'était pas le messie qu'elle attendait ?
Voici ce que dit René Guyon :
« il est entré à Jérusalem pour la fête de Soukkot, donc à l’automne… et non pas au printemps, une semaine avant Pessah, la Pâque !
Il est évident que la fête des Rameaux – que la liturgie place une semaine avant Pâques – s’inspire largement de celle de Soukkot, sans pour autant que les chrétiens aient été mis au courant du temps réel (plus de six mois) qui s’est écoulé entre l’entrée de Jésus à Jérusalem et la Passion.
Cette information devrait permettre à bien des fidèles de comprendre que le revirement de la foule et la décision des autorités juives de s’emparer de Jésus, qui paraissent quasi instantanés et pour le moins hâtifs, comme le soulignent bien des homélies, ne l’ont pas été autant qu’on veut bien le leur laisser croire. »
Ces textes du dimanche des Rameaux introduisent le déroulement anticipé de la Passion.
« J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats »
Il est étonnant que plusieurs siècles avant Jésus, Isaïe ait pu décrire la figure d'un serviteur déroutant ressemblant tout à fait au serviteur souffrant que fut Jésus dans sa passion : « On le frappe, on l'humilie il n'ouvre pas la bouche, mouton mené à l'abattoir » Isaïe a prophétisé la venue de Jésus, l'arrivée de cet enfant qui rejettera le mal et qui sera appelé prince de la paix. Il a prophétisé son ministère : « il n'écrasera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui faiblit etc... »
Mais plus étonnant encore, que parmi les rouleaux des manuscrits de la mer Morte trouvés à Qumram très endommagés par le temps et dont une grande partie est illisible, celui du livre d'Isaïe ait été retrouvé intact ! Le prophète Isaïe plus que les autres prophètes a annoncé la naissance, la vie et la mort de Jésus mais concerne à la fois les juifs et les chrétiens. Une mise à jour surprenante !
Les versets du psaume ont été mis dans la bouche de Jésus qui crie sa détresse vers Dieu et l'appelle à son aide mais à la fin : « Tu m'as répondu ! » et le cri de détresse devient un cri de louange.
Dans l'hymne aux Philippiens, Jésus accomplit la figure du serviteur d'Isaïe et devient le priant du psaume 21. Jésus serviteur « s'est abaissé devenant obéissant jusqu'à la mort et la mort sur une croix »
La Passion selon saint Marc reprend tous ces éléments et les développe, mais au sujet de ce texte si poignant et bien connu je n'ai relevé que certains passages qui m'ont posé question et entre autres pourquoi Judas a-t-il trahi ? Pendant que Jésus est à table, une femme entre et verse sur sa tête un parfum de grand prix. Quelques disciples s'indignent car l'argent de ce parfum aurait pu être donné aux pauvres. Dans Jn 12, 4-5 il est dit que c'est Judas qui fait cette réflexion. Dans Marc on peut penser qu'il était parmi les disciples qui se sont indignés. Judas avait déjà la vision du messie guerrier de la foule comme tous les autres disciples d'ailleurs mais il était freiné par tout ce que Jésus enseignait donnant la priorité aux plus pauvres. Et là, tout ce qu'il avait appris à la suite de Jésus s'effondrait, Jésus approuvant que ce parfum soit versé sur sa tête donc que les pauvres passent après lui.
Tout de suite après Judas va trouver les grands-prêtres pour leur livrer Jésus. Il y a bien une situation de cause à effet.
Pourquoi cette réflexion de Jésus « mais malheureux celui par qui le Fils de l'homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne soit pas né, cet homme là ! » Jésus pense-t-il à l'avenir de Judas dans la Vie Éternelle, pourtant la miséricorde de Dieu est infinie ? Je crois plutôt que cet homme Judas ne pourra pas se pardonner son acte et que de là viendra la difficulté pour lui d'entrer dans la Vie Éternelle.
« Mais c'est pour que les Écritures s'accomplissent ». Jésus n'a pas été envoyé par le Père pour être crucifié mais pour accomplir une mission mais il trouve la mort au cours de cette mission. Cette mort au départ n'était pas prévue mais peu à peu elle entre dans le déroulement de son histoire à la lumière des Écritures, de Moïse et des prophètes et lui apparaît comme inévitable.
« Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas ». C'est un symbole très fort. Ce rideau séparait les prêtres du reste des fidèles, ces derniers ne jouissant pas de la même considération. Or l’Église a repris à son compte cette disposition considérant sans doute comme les grands prêtres juifs que les laïcs ne devaient pas jouir des mêmes prérogatives. Or Jésus, à sa mort, démontre là sa forte opposition, les prêtres doivent collaborer avec les laïcs et participer ensemble aux célébrations, ce qui est encore loin d'être fait.
Comme le centurion déclare : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu », devenir témoin de la mort et de la Résurrection de Jésus, c'est prendre le chemin du serviteur d'Isaïe et du psalmiste.
Christiane Guès