La loi, la foi et moi : histoire de Paul

Publié le par Garrigues et Sentiers

Paul de Tarse, jeune Juif de la diaspora, s’en va à Jérusalem suivre des cours afin de devenir Pharisien – porte-drapeau et fer de lance de la religion pure  – pour traquer la moindre souillure, la moindre entorse à la Loi du Temple et garantir la sainteté, la singularité, l’unicité du peuple élu. (1)

Comment ? Par la séparation d’avec les païens, impies et laxistes dépravés. À l’époque, Paul est dans ce trip, il est à fond pour l’observance de la Thora dans les moindres gestes de la vie quotidienne. Soldat de Dieu, son zèle à exterminer ce qui met en danger l’honneur de Yahvé et l’identité d’Israël justifie tout : persécutions, incarcérations, sévices, déportations, mises à mort s’il le faut, le tout estampillé par le grand prêtre. Le voilà intégriste, protégeant fanatiquement le dépôt sacré de sa tradition.

Et puis un jour, Paul fait ce que chaque croyant devrait faire, un pas de côté pour regarder l’effet de sa religion sur sa vie. Il se pose la question de la légitimité de tout ce qu’il n’a jamais remis en question, croyances, codes, maîtres à penser, idéologie, au crible de leur effet sur le monde : est-ce bénéfique ou destructeur ? Les fruits que ça porte sont-ils bons et nourrissants pour tous et toutes, ou amers et indigestes pour beaucoup ? Et pourquoi ? Pensons au Shabbat des Hébreux : fait pour l’humain, il est selon Jésus une formidable avancée humanitaire dans cette société primitive, pensez donc, un jour sur sept de repos absolu auquel ont droit même les ouvriers, les femmes, les esclaves et jusqu’aux animaux ! Mais la loi, qui en fait un interdit empêchant de lever le petit doigt pour venir en aide à autrui, le transforme en aberration inhumaine.

Ce jour-là, Paul regarde sa vie et y voit, derrière les effets destructeurs de son zèle répressif, l’essentiel, l’amour nu, la valeur incalculable d’autrui. Aveuglé par cette découverte, il tombe de haut (pas étonnant qu’on le représente chutant de cheval) et prend conscience que, face à la souffrance humaine qu’il inflige, la loi qui fonde sa propre violence a perdu sa légitimité. Elle n’est pas l’expression du Divin, devient sa négation même. Libérée de l’obéissance aveugle, sa conscience se tourne vers la source infinie de vie qu’il trouve en la personne de Jésus.

À partir de là, pour lui, la loi sans conscience ne vaut littéralement « plus un clou » : la voie de salut, c’est l’amour des maudits, des impurs, des païens, des barbares, l’amour qui voit plus loin que la race, le sexe, la condition sociale, la nationalité, la religion : bienvenue aux femmes, aux demandeurs d’asile, aux étrangers, aux LGBTQ+ etc. ! La foi selon Jésus a fait du petit soldat plombé un sujet pensant et responsable.

Comme Paul, certains de nos évêques et coreligionnaires, à cheval sur la loi canonique, doivent retrouver cette liberté de conscience pour tomber du haut des dix-sept siècles de traditions et de connaissances doctrinales apprises et endossées, mais aussi de privilèges hérités et assimilés, qui leur cachent l’essentiel, les imperméabilisent à l’expérience de Dieu qu’un petit enfant peut avoir : l’amour comme source de vie qui nous parvient à tous les uns par les autres.

Christiane Bascou

(1) Inspiré du livre de Daniel Marguerat, Paul de Tarse – L’enfant terrible du christianisme, éd. du Seuil, 2023.

Sources : Les réseaux des Parvis n° 121 : Liberté de conscience et religions
https://nsae.fr/2024/03/14/la-loi-la-foi-et-moi-histoire-de-paul/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter-nsae_97

Publié dans Réflexions en chemin

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L
Une mise en perspective très juste et très signifiante. Mais peut-on attendre des membres d'une cléricature qu'ils "tombent de cheval" - celui de "dix-sept siècles de traditions et de connaissances doctrinales apprises et endossées, mais aussi de privilèges hérités et assimilés, qui leur cachent l’essentiel" ?
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