La vaccination comme lieu de revendication libertaire

Publié le par Garrigues et Sentiers

 

 

Avant propos : le rédacteur des lignes suivantes, atterré par la somme de bêtises que peut faire cumuler l’actuelle pandémie, n’est en aucune manière «macroniste». il regrette, comme beaucoup de Français, les hésitations, les atermoiements, les reculs, voire les mensonges du gouvernement en ce qui concerne l’action anti COVID. En se demandant, «en même temps», si quelqu’un aurait fait nettement mieux dans l’état d’ignorance où ce virus inconnu nous a trouvés, et au vu des erreurs de gouvernements précédents dans le domaine de la santé.

 

La «Déclaration des droits de l’homme de 1789» (article 4), à laquelle on se réfère souvent, affirme : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui». A partir de ce principe simple et largement accepté par les citoyens, on peut admettre, sans forcément l’approuver, le choix de personnes qui, pour des raisons rationnelles, en particulier médicales, ne veulent pas se faire vacciner. Encore que l’on puisse en discuter.

 

Ainsi, il est exact que les vaccins en général, et sans aucun doute aussi celui contre le COVID 19, ne sont pas sans risques. Il peut en résulter des accidents, des handicaps, voire des morts. Mais si l’on se place au niveau collectif —dans lequel nous vivons et dont nous profitons largement — il est évident que les avantages l’emportent sur les risques en matière de protection contre des maladies infectieuses, parfois endémiques, elles-mêmes potentiellement mortelles. La variole, la poliomyélite, on le sait, n’ont pratiquement disparu que grâce à une large vaccination de la population.

 

En outre, il suffit de lire les Notices de médicaments pour constater, à travers les diverses «précautions d’emploi», «mises en garde», «contre-indications» … que la médecine courante pour des maux quotidiens, en essayant de nous soigner, nous met parfois en péril. Dans tous les cas, Il faut choisir le moindre.

 

Où l’on ne comprend plus les adversaires de la vaccination, c’est lorsqu’ils protestent, toujours au nom de leur sacro-sainte liberté personnelle, contre l’emploi d’un «pass sanitaire» pour protéger les lieux publics de possibles contaminations par un virus toujours présents et, apparemment, s’aggravant au fil de ses mutations. Car, comme dit la DDH (toujours l’article 4) : « L’exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits». Or les personnes âgées, celles qui subissent .par leur maladie un amoindrissement de leur défense immunitaire, etc. ont le droit d’être protégées. Une réponse cynique des manifestants pourrait être : « elles n’ont qu’à rester chez elles». Mais dans ce cas elles seraient «discriminés» et leur liberté de circuler dans les lieux publics niée, ce dont s’insurgent pour eux-mêmes les adversaires de la vaccination.

 

On frôle la folie quand on en vient à assimiler les décisions gouvernementales, restrictives de nos libertés individuelles certes, à des actes de caractère «nazi». Sans doute parmi les manifestants y en a-t-il relativement peu qui sont nés avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale, encore moins qui ont connu l’inhumanité des camps de concentration. Cette comparaison est totalement indécente. On peut discuter du bien fondé d’un décret, ou de ses modalités d’application, mais on ne peut à la fois dire qu’il s’agir d’une véritable «guerre» contre le virus, et laisser la fantaisie de joyeux drilles tenir des assemblées nombreuses, sans les simples précautions d’hygiène élémentaire, que les pays orientaux pratiquent depuis des décennies : masque, lavage des mains, isolement éventuel etc.

 

Le pass sanitaire n’est pas une solution définitive et absolue contre la propagation de la maladie. Il est un moindre mal, sur le plan des libertés, par rapport à l’obligation générale de la vaccination, et moindre contrainte qu’un nouveau confinement strict.

 

Une logique un peu hardie pourrait suggérer que, en cas de contamination de personnes refusant le vaccin sans raisons médicales sérieuses (allergies, contre-indications spécifiques etc.), qui leur offrait la possibilité de ne pas transmettre le virus ni d’en être victimes, elles ne soient pas prises en charge aux frais de la collectivité. Ça pourrait être considéré comme «totalitaire», mais ne contredirait pas la raison.

 

Nous reviendrons, longuement j’espère, dans un prochain dossier de G&S, sur le concept de liberté qui part aujourd’hui dans tous les sens, et même dans des impasses En attendant, on peut demander à ces révoltés au nom de leur liberté un peu de cohérence. On ne peut à la fois solliciter la solidarité de la communauté et vouloir garder en toutes circonstances son quant-à-soi.

 

Jean-Baptiste Désert

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P
Sur le sujet, non pas de l'obligation vaccinale, mais de la liberté comme fondement d'une vie véritablement humaine, on ne peut que recommander l'ouvrage récent qui rassemble un certain nombre de textes du grand penseur protestant Jacques ELLUL : Vivre et penser la liberté, Labor et Fides, 2019.
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L
Il est devenu si rare de lire un point de vue posé, réfléchi et par-là pertinent. <br /> En effet, la liberté est la seule notion qui se définit par ses limites. Et depuis sa formulation en 1789, l'article 4 de la DDH pose ainsi des bornes qu'aucune raison contraire ne peut déplacer.
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