A l'écoute de la Parole de Dieu
17e Dimanche du T. O. (année B) 25/7/2021
2 R 4, 42-44 ; Ps 144 (145) ; Ep 4, 1-6 ; Jn 6, 1-15
La capacité de multiplier les pains n’a pas été un privilège réservé à Jésus. Neuf siècles avant lui, pendant une période de famine, le prophète Élisée (dont le nom signifie «Mon Dieu est le salut») a réalisé ce «miracle» (2 R 4, 42-44). Ce qui est intéressant dans la pratique d’Élisée comme dans celle de Jésus (Jn 6,1-15), ce n’est pas l’aspect un peu magique d’un acte hors du commun : nourrir une foule nombreuse avec quelques pains, car il n’y en a aucune explication rationnelle à ce «fait» improuvable et même incroyable, mais le contexte symbolique de partage qui l’entoure. C’est le partage qui est multiplicateur de nourriture. Élysée en a reçu en don : « Donne-la à tous ces gens (au nombre de cent) pour qu’ils mangent », dit-il à son serviteur, chargé de la distribution. De même, c’est aux apôtres que Jésus demande de régler le ravitaillement de l’immense foule venue l’entendre. Ils recourent alors aux faibles provisions d’un jeune garçon qui, une fois partagées, suffiront pour nourrir 5000 hommes. Jésus passe par le truchement de son Père à qui il rend grâce, car c’est Lui qui «donne la nourriture au temps voulu», comme nous le rappelle le Psaume 144 (145).
Et pour bien montrer que cette «restauration» d’une foule fut «réelle», les auteurs sacrés soulignent que, dans les deux cas, «il en resta». Jean précise même qu’à la fin, on en remplit douze (chiffre hautement symbolique, comme les 12 tribus d’Israël ou les 12 apôtres) paniers, bien plus que ce qui était disponible au départ.
Différent le contenu de la lettre aux Éphésiens. Il y a dans leur communauté des discordes plus ou moins sérieuses (Ep 4,1-16). Paul résume, comme il le fait souvent, ce que devrait être un comportement véritablement digne d’un chrétien. Humilité et douceur pour garder à l’intérieur de l’Église la Paix et l’Unité. Concrètement, la phrase clef de cette exhortation : «Supportez vous les uns les autres» marque la condition de toute vie sociale. Dès que l’on a à vivre en groupe, que ce soit une «église», un village, une association, une famille… surgissent des risques de frottements, d’oppositions, et si l’on ne veut pas qu’ils prospèrent en conflit, il faut un minimum de tolérance. L’étymologie de ce dernier mot nous ramène à «supporter» l’autre. Paul le redit en Col 3, 13 : «Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même» .Ce principe se retrouve tout au long de la pastorale chrétienne.
François de Sales rappelait aux Visitandines cette nécessité vitale du support réciproque : « C'est une grande partie de notre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections ; car en quoi pouvons-nous mieux exercer l'amour du prochain sinon en ce support ? ». En 1897, sainte Thérèse, alors qu’elle construit peu à peu sa «petite voie» spirituelle, écrit à Mère Marie de Gonzague, alors sa prieure au Carmel de Lisieux : «La charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses, à s’édifier des plus petits actes de vertus qu’on leur voit pratiquer…».
Au total, on le sait, la constitution et, plus encore, le maintien d’une communauté n’est pas chose facile.« Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis !» (Ps 132,1), ce qui pourrait définir aussi bien une famille, une communauté religieuse, que l’Église en général, ou qu’une nation. Mais selon quelles motivations ? L’évangile de Jean note bien que la multiplication des pains n’est pas affranchie de toute ambiguïté chez ceux qui en ont bénéficié. Ils suivaient Jésus pour l’écouter, certes, mais aussi «parce qu’ils avaient vu les signes qu’il accomplissait», entre autres, qu’il était capable de les nourrir. «Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi». Il n’est pas là pour assurer l’intendance Il se retire alors dans la montagne, lieu de la présence divine et de la prière désintéressée.
Quand nous nous présentons comme disciples de Jésus-Christ, quand nous prions, sommes nous des orants, des ad=orants, ou de simples quémandeurs de «signes» : paix du ménage, retour à la santé, réussites scolaires ou professionnelles ?
Marcel Bernos