Au risque de ma foi (5)

Publié le par G&S

Retour de Lourdes

Épisode 5

Lourdes, après tout !

 

Lourdes promeut-elle une Église à la traîne et qui se complait dans la dévotion et la mièvrerie ? Avec moi pour complice et coupable de détournement d’Évangile ?

D’abord, Lourdes, c’est moins – moins que je ne craignais – de surnaturel, d’idolâtrie, de mièvrerie, de simplisme, d’enfance retrouvée…

C’est plus de sincérité, de réalisme, d’homélies qui mettent debout, qui parlent de la miséricorde de Dieu, et aussi des efforts à faire pour annoncer le Royaume d’amour.

D’accord, ce pèlerinage en automne ne regroupe pas les cohortes venant des pays du sud de l’Europe, traditionnellement plus sensibles aux étoffes, à leurs couleurs, à leurs dentelles… (mais je n’ai vu que deux prêtres en robe, et surtout pas notre évêque et son entourage) 1.

Et puis, toutefois, je pointe un phénomène à la fois ancien et nouvellement réintroduit dans les paroisses, l’adoration ; j’y suis réfractaire. Je suis persuadée qu’il a là une contradiction avec l’enseignement de Jésus et je dirai même un blasphème. Car ceci n’est pas de l’ordre de la piété populaire, amusante et attachante ; dans l’adoration, on se perd, on n’est plus un homme/femme libre. Alors, je ne suis allée ni sous la tente d’adoration, où le Saint Sacrement est exposé en permanence ni à la procession dite procession eucharistique. Je laisse chacun libre d’exprimer son culte à sa façon, et je ne prétends pas qu’une partie du sens ne m’échappe pas 2. Non, je n’envie pas ceux qui sont dans une foi enfantine, je ne les renie pas non plus ; seulement, je veux qu’ils ne soient ni exploités, ni montrés en exemple.

Dans cette mièvrerie, de fait, qui trahit ? Le pèlerin victime d’une manipulation, largement relayée par les marchands ? Pour mieux vendre (beaucoup) d’objets, mieux vaut les investir d’un pouvoir sacré. L’Église ne pousse pas en apparence à ce commerce, mais clairement, elle s’en accommode. Et si ce n’étaient les paroles de Mgr Daucourt, précisant en bénissant les objets « de piété » qu’il ne bénissait pas les objets mais bien les personnes à qui ils allaient être remis, les pèlerins pourraient facilement imaginer que ces objets eux-mêmes avaient un pouvoir sacré.

Au contraire, je n’ai perçu aucun « embrigadement » dans une logique ou plutôt une non-logique que des organisateurs accompagnateurs voudraient inculquer 3. J’ai même regretté que notre paroisse n’ait pas organisé des partages d’évangiles, des visites communes de sites « soubirousiens », de marches de prière. Car ce lieu semble propice au débat. Et sans embrigadement, on aurait pu être sollicité pour des impressions, voire des questionnements, et même des enthousiasmes : c’est le lieu…

D’autant que notre évêque, dans une de ses homélies, a insisté sur la nécessité pour les fidèles de s’organiser en petits groupes, avec ou sans prêtres, pour vivre le message de Jésus et porter la nouvelle évangélisation. Il y avait là une occasion… que nous avons ratée.

Ce pourrait être aussi le lieu d’enseignements (ceux qui sont proposés sont réduits à leur plus simple expression, souvent un simple cours magistral devant une assemblée importante en nombre).

Car plus que jamais je pense que le discernement est indissociable de la foi. Lourdes n’est pas un lieu magique. C’est un lieu de rencontre avec Marie, et chacun établit avec sa foi et son discernement le contour de sa Marie. C’est aussi le lieu d’une rencontre avec Jésus-Dieu. Et sous la forme qui lui est propre.

Force est de constater que l’Église présentée par notre évêque lors de ce pèlerinage a su se démarquer des attitudes de dévotion obsessionnelles. Les discours épiscopaux sont édifiants : sans cesse, on rappelle la volonté de Jésus de voir en nous des hommes et femmes debout et libres. Avec une seule obligation : vivre l’Évangile.

Lourdes, une manifestation du peuple de Dieu ; Lourdes, la communion des saints. Ceci ne heurte pas ma foi, et je ne me sens pas noyée car je ne peux et ne veux être chrétienne toute seule, isolée, encore moins avec mon bout de vérité.

Aller sur des lieux, établir un lien de pensée. Un lieu de mémoire. Un lieu de rencontre. Une façon de construire sa foi. Lourdes n’est pas un détour inutile.

À Lourdes, l’essentiel de la foi c’est un peuple tourné vers Jésus-Dieu, la miséricorde manifestée aux malades, des eucharisties sources de vie.

Dieu inscrit son alliance avec son peuple dans ce lieu où une femme, pauvre mais forte et déterminée, a diffusé à tous le message qui lui a été offert pour inciter à rendre grâces, à se nourrir de l’eucharistie et à vivre l’Évangile.

Ma foi est toujours là, bien arrimée. Aussi adulte que possible. J’ai croisé bien des chrétiens qui me ressemblent. Bien des chrétiens différents aussi, que je respecte. Laissons-nous interpeller par des choses et des gens que nous ne comprenons pas forcément.

À l’exemple de Bernadette, je suis apaisée et heureuse fidèle de Jésus-Christ.

(fin)

Danielle Nizieux

1 – Ces pèlerins du Sud sont aussi plus sensibles aussi à ce culte de la mamma qui console, plus sensibles aussi à la culpabilité face à la faute, le péché. Une histoire différente, pas de confrontation avec les réformés et les réformes… et le fameux esprit des lumières.

2 – Il n’en reste pas moins que je me suis abstenue de la procession eucharistique. Remettre l’eucharistie au centre, j’applaudis. Adorer un ostensoir, fût-il porteur de Dieu (du signe de Dieu) me gêne. Peut être aurais-je été surprise sur le terrain et il ne m’a pas fallu longtemps pour regretter mon absence.

3 – Sans doute y a-t-il des pèlerinages organisés par et pour les communautés charismatiques. Ce n’était pas l’esprit de notre groupe diocésain.

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D
<br /> Pour moi aussi, Lourdes est un mystère. Je ne suis pas attirée par un pèlerinage dans ce lieu marial. J'ai retrouvé des aspects des réticences de ton amie. C'est pourquoi j'ai apprécié de lire<br /> ses observations et son témoignage.<br /> <br /> Je pense que c'est un lieu où le malade est regardé comme une personne en dignité, et dont on prend soin prioritairement, et non comme quelqu'un qu'on prend en pitié ou qu'on fuit parce que sa<br /> vue met mal à l'aise, renvoyant cette fragilité insoutenable quand on est en pleine santé. Leur courage est un témoignage à lui tout seul de la force intérieure qui peut être vécue dans des<br /> situations de vie si pénibles. C'est une expérience que j'aie de Lourdes, sans n'avoir jamais fait de pélerinage, et cela m'a touchée et me reste. Je pense profondément que ce lieu est, comme la<br /> prison, un lieu où la fragilité reconnue et non cachée porte à plus d'humanité. On n'en repart pas indemne.<br /> <br /> Tout ce qui est de l'ordre d'une piété populaire, que j'ai du mal à partager, est difficile, mais je réalise, là, que c'est la part du petit, de celui qui ne sait pas dire ou faire autrement que<br /> de s'accrocher à des choses concrètes pour donner un peu de sens à sa vie ou à des gestes précis. Après tout, dans l'évangile, une femme malade d'hémorragie a bien cherché à toucher les tsitsitt<br /> de Jésus, et s'en est trouvée mieux, et c'est Jésus qui a cherché qui elle était dans la foule compacte qui se bousculait auprès de lui. Il voulait rencontrer son regard pour une rencontre.<br /> Evangéliser la piété populaire, c'est peut-être ce qui se passe à Lourdes avec toutes les homélies dont parle ton amie, pour que, dans cette foule de malades et de bien portants, quelque chose<br /> fasse sens et que tout ce monde reparte avec un "plus" qui les aide à vivre leur vie ???<br /> <br /> Je n'en dirai pas plus sur Lourdes...<br /> <br /> Bien cordialement,<br /> Elisabeth Martin<br />
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D
<br /> A tous, Merci de vos commentaires.<br /> <br /> <br /> D’abord , parce que mes questions sont aussi les vôtres. Et que comme moi, elles ne vous  ont pas écartés de Jésus, ni même « davantage » de l’Eglise ; elles nous  ont donné matière à<br /> chercher             l’ essentiel  , et à faire<br /> preuve d’ouverture ( pour ne pas dire d’indulgence, ce qui marquerait que notre point de vue est supérieur aux autres , ce qui n’est pas un positionnement acceptable !). <br /> <br /> <br />  En cela, je suis sensible au témoignage de Madeleine ;  je confirme que l’abandon  est aussi une affaire de mental , et donc qu’il se décide; je ne vois pas comment un être humain pourrait faire abstraction d’une partie de soi, son mental,<br /> pour se réfugier dans un « cœur à cœur » ( très à la mode !) . Ceci est  au demeurant dangereux, parce qu’autorisant la perte de toute<br /> maîtrise de soi, et laissant la  place pour tous les gourous . L’Homme est constitué de multiples facettes  et ce qui le fait tenir debout, c’est de conjuguer ces facettes, sans renoncer à aucune !<br /> <br /> <br /> Mon souci c’est que la perception de  Jésus ne soit pas altérée et son message détourné par des<br /> attitudes quelque peu délirantes.   L’anecdote d’Albert  est significative. Souvent, on va à Lourdes en voyeur. Ses amis protestants , sincères,  n’allaient pas<br /> « voir » pour prendre en défaut , mais rencontrer pour comprendre.<br /> <br /> <br /> Pour répondre à Christiane, qu’ont été  les apparitions ? je ne sais ( même si je sais qu’on peut manipuler à bon compte : cf le livre cité <br /> les guerres de la Vierge  détaillant le processus de  Medju<br /> gorje). L’attitude de Bernadette  maîtrisant  ses témoignages, est en ce sens rassurante. Le<br /> « phénomène » qui s’y est greffé est plus étonnant . L’Eglise, comme je le souligne aussi à la suite de Mgr Deniau, avait besoin de cette sainte , de ce « phénomène »,<br /> pour  « se refaire une santé ». Ça a marché… Du coup, toutes ces attitudes « païennes » dénoncées par Christiane, qui viennent d’une si mauvaise ( pensons-nous) lecture<br /> de l’Evangile – l’absence de miséricorde envers les divorcés remariés, les homosexuels, et tant d’autres pécheurs-  s’ajoutent à une certaine hystérie<br /> dévotionnelle pour déconsidérer aux yeux de ceux qui sont hors la foi,  et Jésus et son message. Et à cela,<br /> il faut résister .<br /> <br /> <br /> Car pour moi, l’objectif dépasse la relation personnelle entre moi et Lui, à l’inverse de Bernadette, vite retirée de la scène, et à qui<br /> l’abbé Peyramale, curé de Lourdes avait écrit : « votre mission à la grotte est finie, travaillez à votre sanctification. Vivez de la vie cachée en Jésus Christ ». Car, pour<br /> ma part, pardonnez-moi du peu, j’ai une âme de missionnaire : je veux toujours convaincre. Me sauver toute seule ne me dit rien ; c’est tout un peuple que j’ai envie de convertir.<br /> Construire le Royaume! Lourdes ne m’y aide pas forcément, mais réciproquement, pour toutes les raisons qu’on a dites, Lourdes  ne m’accable<br /> pas.<br /> <br /> <br /> Je reviendrai à Lourdes , en hospitalière, pour vivre au plus près des malades.  Jean Marc, dans son expérience douloureuse, m’y encourage. Sans doute, c’est dans la confrontation avec  la<br /> maladie, la sienne propre ou celle d’un  proche,  que l’on peut au mieux comprendre ce qui se passe. Cela nous ramène à l’abandon, à la piscine. Mais à condition d’en sortir, si je puis<br /> dire !<br /> <br /> <br /> Lourdes n’est pas un voyage inutile.<br /> <br /> <br />  danielle nizieux mauger<br />
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P
<br /> Merci Danielle pour ce témoignage si simple et si fort à la fois !<br />
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A
<br /> Merci à Danielle pour tous ceux qui, comme elle, cherchent Dieu, même dans des manifestations de piété qui ne correspondent pas à leur forme de foi. Merci de nous avoir fait découvrir un autre<br /> Lourdes que celui que nous craignons de trouver. Merci de nous avoir offert un visage de Bernadette autrement vigoureux que celui que la piété impose habituellement à son sujet. Merci de son<br /> témoignage sur Marie, mère de Jésus, qui rejoint celui de nombre de collaborateurs de Garrigues et sentiers, dans notre dossier n° 4  sur "Marie" (le 16 02 2007 déjà) . Merci<br /> enfin pour la fin de sa méditation, ouvert sur l'Église, qui suscite la nôtre.<br />
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