"Pax Christi" auprès des Chrétiens en Irak

Publié le par Garrigues

(11-19 février 2008)

Cette délégation de douze membres avait pour but de manifester la solidarité des chrétiens d’Europe aux chrétiens d’Irak. Le voyage fut court, mais très fort et intense. Quand vous circulez dans la plaine de Ninive, à deux pas de Mossoul, l’ancienne Ninive, vous pensez aux récits de la Bible, Ninive la grande qu’il fallait trois jours pour traverser. Nous sommes dans des régions du berceau de la civilisation et de la chrétienté. Mais nous sommes aussi dans une des régions les plus violentes du monde, secouées de mort et de destruction. On ressent forcément une grande émotion à ce contraste.

Puisqu’il s’agissait de visiter les chrétiens, nous avons parcouru plus de 2000 km à la rencontre de 26 communautés différentes au Kurdistan, jusqu’aux confins de la Syrie et de la Turquie, et dans les environs du Kurdistan, Karamlech, Karakock, mais aussi plus au sud Kirkouk.

On pourrait résumer les sentiments qui ont été exprimés par ces communautés de trois manières :

-          « On est oublié de tous » : nous avons ressenti une très vive reconnaissance de nous être déplacés jusque dans ces communautés. Car les chrétiens d’Irak ressentent une grande solitude dans leurs difficultés. Ils ont le sentiment d’être pris dans un engrenage gigantesque, que personne ne contrôle et dans lequel ils sont oubliés. Certes, le Kurdistan est très actif pour accueillir les réfugiés chrétiens qui viennent des régions du sud, en construisant des maisons, mais cela ne change rien au statut de réfugiés, oubliés de tous.

-          « Tout nous pousse dehors », à cause de l’insécurité, du chômage, et du manque d’avenir. Beaucoup de chrétiens d’Irak ont quitté Bagdad et Mossoul pour venir dans les régions plus sûres du Kurdistan. Ils ont vécu l’insécurité et les menaces. Ils sont partis parfois d’un jour à l’autre sans rien emporter. Les récits d’assassinats et d’enlèvements sont multiples. Jusqu’à celui de Mgr Rahho, archevêque de Mossoul, enlevé après une cérémonie dans son église le 29 février et décédé le 12 mars. Vingt groupes terroristes font régner la terreur à Mossoul. Les Américains ne peuvent rien y faire. Revenus au Kurdistan, les 100.000 chrétiens réfugiés n’ont pas trouvé de travail. Soit qu’il n’y en ait pas, soit que les terres agricoles soient occupées par d’autres. Ils ressentent surtout le manque d’avenir, dans une situation qui semble bloquée, sans solution où ils pourraient revenir chez eux. Leur réflexe est donc celui du départ. Tous les jeunes y pensent. Les plus vieux voudraient rester, car ils sont là depuis des siècles. Mais on est dans une situation de purification ethnique qui les dépasse totalement, et dont ils sont les premières victimes.

-          « La grande inquiétude » : la disparition des chrétiens de l’Irak. On voit se dessiner un plan à travers les analyses publiées, y compris dans des revues jésuites américaines, celui d’une partition de l’Irak en trois secteurs, pour les Kurdes, les Chiites et les Sunnites. De ce projet, les chrétiens sont écartés. Ils disparaissent. Même si le Kurdistan leur prépare une région autonome dans les montagnes du nord-est du pays, ils devraient quitter toutes les autres implantations qui sont les leurs. Certains chrétiens demandent une telle région comme refuge. Le Kurdistan est prêt à l’organiser et y travaille déjà. Mais, d’autres la refusent très fortement, notamment Mgr Sako, au nom du droit à rester chez soi. Mais surtout au nom du respect du pluralisme pour tout l’Irak. Si les chrétiens s’en vont, on est dans une situation de purification ethnique qui peut mener à des déplacements de population, à des déchirements encore plus graves que ceux d’aujourd’hui. C’est reproduire une fois encore ce qui se passe dans tant de pays musulmans, comme la Turquie, la Syrie, l’Algérie, etc.

Les chrétiens d’Irak traversent une épreuve dramatique, victime d’une violence aveugle. L’espoir est une lumière bien lointaine pour eux, sinon dans l’exil et dans la reconstruction d’une vie ailleurs. Leur situation devrait être considérée comme une violation grave des droits fondamentaux de toute une population. Une élimination systématique est organisée. L’opinion publique et les défenseurs des droits de l’homme devraient en faire leur cause.

Pierre de Charentenay s.j.


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