A l'écoute de la Parole de Dieu
20e Dimanche du Temps Ordinaire 20/08/2023
Is 56, 1.6-7 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Rm 11, 13-15.29-32) ; Mt 15, 21-28
Les textes de ce jour semblent comporter une contradiction majeure .
En effet, le Dieu d’Isaïe proclame : «Ma maison s’appellera ‘Maison de prière pour tous les peuples’». Elle n’est donc pas réservée aux seuls Juifs, mais est ouverte aux « étrangers qui se sont attachés au Seigneur […] qui tiennent ferme à (s)on alliance». Le psalmiste confirme : «Ton salut [sera connu] parmi toutes les nations» (Ps 66, 3) et, par suite, il appelle à ce «que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble !» (Ps 66, 4).
Pourtant, la première réponse, stricte fin de non-recevoir, de Jésus à la Cananéenne, une païenne, alors qu’elle sollicite la guérison de sa fille, parait bien brutale. Il refuse d’abord de lui répondre, puis il ne le fait que par l’intermédiaire de ses disciples : «Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël». Cependant, la femme persiste, elle défend bien sa cause en détournant à son profit l’argument avancé par Jésus, qui semblait péremptoire : «On ne jette pas le pain des enfants aux petits chiens». Sans doute, réplique-t-elle, «mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres». Est-ce cette répartie, moins naïve qu’il n’y parait, qui a changé l’attitude de Jésus, qui l’a en quelque sorte «converti» ? «Femme, grande est ta foi» constate-t-il, une foi qui dépasse donc l’appartenance à la religion «officielle» ?
On pourrait supposer aussi que l’apparente rudesse de la première réplique de Jésus n’était qu’une manière d’éprouver la foi de cette femme ? Ce qui se joue entre Jésus et cette païenne est comme une image de l’épreuve qu’a traversée la première Église, tiraillée entre les judaïsants et les «hellénistes».
Heureusement, Paul pondère subtilement le débat dans l’épitre aux Romains (Ro 11, 13-14) : « Je vous le dis à vous, qui venez des nations païennes : dans la mesure où je suis moi-même apôtre des nations, j’honore mon ministère, mais dans l’espoir de rendre jaloux mes frères selon la chair, et d’en sauver quelques-uns». Il est chargé de prêcher l’Évangile aux païens, mais n’oublie pas ses coreligionnaires, lui qui a été «pharisien quant à la Loi» (Phi 3,5) et n’a pas renoncé à les rallier au Christ.
Au sujet d’un salut universel, un passage de l’épitre aux Romains déconcerte : «Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde». Comme s’il avait toléré le péché pour avoir la gloire (le plaisir ?) de sauver les pécheurs, ce qui revient à rejeter par avance les thèses pélagiennes d’après lesquelles l’homme peut faire son salut par lui-même. Cela rappelle aussi un peu la phrase attribuée à saint Augustin, (que l’on retrouve dans l’Exultet de la nuit pascale) : « Ô heureuse faute qui nous a valu un tel Sauveur ! ».
La foi est donnée par Dieu gracieusement. Nous l’accueillons ou pas. La Cananéenne l’a apparemment reçue ; elle l’a manifestée à travers sa prière, et donc expressément ratifiée. La conséquence en est logique, Jésus la renvoie à cette foi efficiente : «Que tout se passe comme tu le veux».
Marcel Bernos