La crise est devenue aujourd’hui une situation « normale » et quasi permanente, marquée par l’indécidable (Myriam Revault d’Allonnes)

Publié le par Garrigues et Sentiers

Les 8 et 9 octobre derniers s’est tenu à Nantes, en collaboration avec le journal Le Monde, un forum intitulé « Créer des villes européennes résilientes avec les citoyens ». Plusieurs tables rondes ont eu pour thème : « Les crises, moteur de la citoyenneté ? » (1) et ont apporté des éclairages particulièrement opportuns dans le grand marasme provoqué par la crise sanitaire mondiale.

Il est apparu essentiel de changer le logiciel avec lequel nous lisons les évènements. La philosophe Myriam Revault d’Allonnes écrit : « La modernité triomphante était investie par une croyance au progrès qui donnait sens à l’action et orientait les choix : les crises s’inscrivaient comme des étapes obligées dans la marche de l’humanité vers le mieux. Le schéma qui prévaut aujourd’hui est celui d’un futur infigurable ou voué au désastre. Les interventions humaines ont induit l’idée d’une humanité infiniment fragile et périssable. À l’espérance, s’est substituée l’anticipation de la menace, comme si elle était désormais notre seule boussole pour envisager l’avenir ».

Nicolas Hazard, chef d’entreprise, fondateur et président de INCO (2) confirme cette analyse à partir de son expérience entrepreneuriale dans une vingtaine de pays : « La mondialisation et le néolibéralisme ne sont plus capables d’endiguer les inégalités sociales grandissantes et le réchauffement de notre planète. Les solutions d’hier sont les problèmes d’aujourd’hui et peut-être les tragédies de demain. Rien de plus faux que cette croyance en un espace-temps infini où nous pourrions extrapoler indéfiniment les principes qui nous ont réussi au XXe siècle (…). Le salut nous viendra d’un passage à l’action, d’une myriade d’initiatives venues de la société qui, en se multipliant, feront à terme basculer le système, tout en donnant immédiatement du sens à nos vies ! ».

Le rôle de l’État n’est plus d’imposer un grand programme national mais de promouvoir et réguler les initiatives locales. Dans ce contexte, les déclarations d’Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, témoignent d’une salutaire prise de conscience : « Il s’agit d’abandonner l’attitude qui a longtemps prévalu, consistant pour l’État, face à une initiative qui marche, soit de ne rien faire, en prenant le risque que celle-ci périclite faute de moyens ; soit de se l’approprier, en prenant le risque de retirer au projet toute sa souplesse. Ces deux attitudes opposées sont en fait le simple rappel que les initiatives citoyennes ne sont pas du ressort de l’État ». Pour cela, la ministre propose comme outil ce qu’elle appelle « le contrat à impact » : « Par le contrat à impact, l’État doit donner aux associations et aux citoyens les moyens de faire grandir leurs solutions au service de l’intérêt général. C’est à la source même de notre triptyque républicain : la liberté d’agir pour les acteurs de terrain ; l’égalité entre les territoires qui doivent tous pouvoir bénéficier de ce qui marche ailleurs ; la fraternité renforcée, enfin, par un État capable de gérer aussi bien l’infiniment grand que l’infiniment petit ».

Si le destin de nos sociétés est de vivre en état de crise permanente, elles doivent abandonner l’espoir de se reposer un jour sur une « réforme » qui dispenserait les citoyens de toute remise en question. Il s’agit de mettre en place, comme le propose Johanna Rolland, maire de Nantes, « une pratique de gouvernance ouverte, en dialogue permanent avec les citoyens, les associations et les experts. (…). Lorsque les citoyennes et les citoyens sont convaincus que les choses qu’ils pensent irréalisables peuvent être mises en œuvre, ça change tout pour eux et pour les autres, ça change tout pour la gestion de la crise et pour l’invention de l’avenir ».

Bernard Ginisty 

(1) Nantes Innovation Forum. Les crises, moteur de la citoyenneté ? Supplément de 4 pages dans le journal Le Monde du 8 octobre 2020.

(2) INCO appuie les entreprises sociales, de la création au changement d'échelle, à travers du financement et des offres d'accompagnement. INCO est constitué d'une société d'investissement, d'un réseau mondial d'incubateurs implantés dans 19 pays et de plusieurs centres de formation. <www. inco.co.com>.

Publié dans Réflexions en chemin

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