Ascension, la fin d’un « Temps »

Publié le par Garrigues et Sentiers

Pour se préparer à sa mission, Jésus a passé 40 jours au désert dans une lutte sans merci avec le « Tentateur », c’est à dire le Mal. Après sa Résurrection il a passé 40 jours à faire comprendre à ses disciples le sens de ce qui s’était passé, ce que cela signifiait pour eux et où cela les menait. Nous terminons cette période, peut-être faut-il aussi nous demander ce qu’elle nous a appris.

 

La Mort-Résurrection du Christ est le signe de la victoire de Dieu sur le mal, de notre libération du mal que nous faisons (le péché), du mal que nous subissons, du mal dans lequel nous baignons (que Saint Augustin a appelé le péché originel). Mais que peut-on comprendre de la Résurrection ? Les Évangiles ne disent pas grand-chose. Tout en insistant sur le fait que c’est bien encore avec Jésus qu’ils sont en relation (ils constatent ses plaies, ils partagent un poisson, etc.), ils insistent pour parler d’apparitions, Jésus passe à travers les murs, il ne peut donc s’agir d’un corps comme le nôtre, il apparaît. C’est bien le même Jésus et en même temps il est tout autre. Qu’en est-il de la Résurrection pour eux ?

 

Leur témoignage commence par le tombeau vide et leur étonnement. Ils ne parlent pas d’abord de résurrection, plutôt de leur interrogation. Sauf dans l’annexe de l’Évangile de Jean, les quatre évangélistes se montrent très circonspects. « [Les femmes] ne savaient que penser...elles rapportèrent tout cela aux Onze (...) mais ces propos leur semblèrent pur radotage, et ils ne les crurent pas (...) Pierre (...) ne vit que des bandelettes. Il s’en retourna chez lui, tout surpris de ce qui était arrivé. » (Lc, 24) Un seul va croire immédiatement, Jean, après que Pierre soit entré dans le tombeau vide : « [Jean] entra aussi dans le tombeau : il vit et il crut » (Jn 20, 8) Les autres, et pas seulement Thomas qui n’est là que comme exemple, auront besoin de ces 40 jours pour commencer à croire, mais croire quoi ? Ou qui ? Ou en qui ?

 

Il semble bien que l’expérience des disciples a été leur propre résurrection à chacun. Petit à petit, ils ont compris que tout n’était pas fini, que l’Esprit de Jésus vivait en eux, qu’ils étaient des hommes nouveaux pour qui l’Écriture prenait sens, qu’ils pouvaient relire les années passées avec Jésus à la lumière de cette nouvelle : le Christ de Dieu est vivant, il a vaincu la Mort, c’est-à-dire le Mal. Tout homme qui accepte de chercher un sens à sa vie est concerné par cette libération, en est bénéficiaire. Le pouvoir de remettre les péchés (Jn 20, 23), c’est le pouvoir de vaincre le mal, de s’en séparer. La proclamation du repentir en vue du pardon (Lc 24, 47) a le même sens. Mais dans les deux cas, ce n’est pas imposé, l’homme doit le vouloir, participer à cette libération. « La faiblesse de l’amour, désarmé jusqu’à la mort, change les vies et bouscule l’ordre du monde. Confesser Pâques, c’est s’exposer à la puissance résurrectionnelle de cette force faible. » (1).

 

L’exemple des disciples d’Emmaüs est déterminant : ils vont comprendre, partager (la rupture du pain qui les dé-cille) et se remettre en route. Ils sont des hommes nouveaux sur le chemin du retour, vers Jérusalem, où le drame s’est déroulé.

 

L’expérience de résurrection la plus spectaculaire est celle de Paul (Actes, chapitre 9). « Relève-toi », « il ne voyait rien », « il resta trois jours aveugle » et enfin Ananie vient le trouver pour lui dire : « le Seigneur m’envoie pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli de l’Esprit-Saint ». Saül, appelé à se relever, a été trois jours dans le noir (au tombeau) pour devenir Paul, voyant, rempli de l’Esprit, totalement régénéré. Le parallèle avec Jésus est saisissant, il a fait l’expérience en lui-même de la Résurrection qui le lancera sur les routes.

 

À tous Jésus va donner son Esprit pour qu’ils demeurent en lui et lui en eux. Les disciples vont alors être capables de quitter la « chambre haute » où ils se terraient pour aller annoncer la « bonne nouvelle » au Monde, la nouvelle de la libération du Mal et de la vie dans l’amour du Dieu trinitaire. C’est cela leur résurrection, leur expérience de la Résurrection de Jésus.

 

La question pour nous, à la fin de ces quarante jours, est de savoir si nous vivons de cette résurrection, si nous croyons à cette libération du mal et du péché, si nous y participons. Jésus a vaincu le mal, il nous reste la charge de participer à ce combat jusqu’à son retour. Et enfin nous préoccuper du but de cette libération de nos entraves : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés : demeurez en mon amour. Si vous observez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme j’ai moi-même observé les commandements de mon Père et que je demeure en son amour (...) Mon commandement, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés (...) Je ne vous appelle plus serviteurs (...) je vous ai appelés amis... » (Jn 15, 9-15).

 

Vaste programme !

 

Le théologien Didier Travier écrit : « Croire au Ressuscité, c’est donc vivre dans l’incomparable responsabilité d’être, en Église, le Christ parmi les hommes ». (2)  Ou encore plus concis, Karl Jaspers : « Dieu est, c’est assez » « Quand tout est perdu, il ne reste que ceci : Dieu est ». (3)

                                                                                                Marc Durand

 

 

1 - Didier Travier, Une confiance sans nom, éditions Ampelos, 2017, p. 62. Petit livre évoqué dans une chronique récente de Bernard Ginisty dans Garrigues & Sentiers  qui vaut vraiment le voyage (mieux que le détour).

 

2 - Ibid., p. 63.

 

3 - Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, Plon, 1981, chapitre 4.

Publié dans Réflexions en chemin

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