Témoigner de la Résurrection
Chaque printemps, la liturgie nous invite à vivre durant plusieurs semaines un « temps pascal ». Par delà le retour des saisons qui voit, après les hivers, succéder les printemps, le chrétien est invité à se comporter en témoin de la résurrection, événement majeur qui rompt cet « éternel retour ».
En être témoin n’est pas devenir un maître ou un gourou. Les Actes des Apôtres nous indiquent la nature exacte de ce « témoignage ». Ainsi, au moment où Pierre et Jean guérissent un infirme au Temple de Jérusalem, Pierre s’adresse ainsi au peuple stupéfait : « Hommes d’Israël, pourquoi vous étonner de cela ? Pourquoi fixer les yeux sur nous, comme si nous avions fait marcher cet homme par notre puissance et notre sainteté personnelles » (Ac 3, 12). Être témoin de la puissance de résurrection n’est pas se l’approprier. C’est la réveiller en chaque être humain. Au lieu de chercher à capter l’homme dans une séduction spirituelle, charismatique ou institutionnelle, il s’agit d’annoncer à chacun que la mort ne saurait tuer la puissance de vie qui l’habite.
Être témoin c’est aussi ne pas s’ériger en juge. Quelques semaines seulement après l’ignominieuse passion soufferte par Jésus, Pierre refuse de condamner le peuple d’Israël comme ses chefs : « Le Prince de la vie que vous aviez fait mourir, Dieu l’a ressuscité des morts, nous en sommes témoins (…) Cependant, frères, je sais que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. (…) Convertissez-vous et revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés ». Et il conclut : « C’est vous qui êtes les fils des prophètes et de l’Alliance que Dieu a conclue avec vos pères. (…) C’est pour vous que Dieu a d’abord suscité, puis envoyé son Serviteur pour bénir chacun d’entre vous si vous vous détournez de vos méfaits » (Ac 3, 15-19).
Ainsi, au moment même où sont clairement reconnues les forces mortifères qui habitent « les hommes d’Israël » et ses chefs, leur mission d’héritiers de l’Alliance est réaffirmée. Le témoin de la Résurrection n’est pas un juge, mais celui qui appelle chaque être humain et chaque institution à discriminer en eux ce qui est force de vie et force de mort.
La signification universelle du message pascal que le Christ demande d’annoncer aux quatre coins du monde, ne passe ni par des prouesses spirituelles ou institutionnelles d’Églises, ni par la prétention de vouloir s’ériger en juge du Bien et du Mal. En ce sens, les Églises sont des rampes de lancement sur les chemins de la fraternité universelle, alors qu’elles se réduisent parfois à des institutions qui s’enferment dans un entre-nous dégoulinant de vertueuses certitudes.
Plus modestement, mais aussi plus radicalement, la fête de Pâques révèle à tout homme que, quel que soit son malheur, sa faute ou son désespoir, il y a en lui une source vive intarissable qui ne cesse de l’inviter à des résurrections. Comme le dit l’apôtre Paul : « Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé» (Épître aux Romains, 5, 20).
Bernard Ginisty