Entre la peste et le choléra ne pas s'abstenir !

Publié le par Garrigues et Sentiers

D'élection en élection, on répète que « ça ne va plus » : les modes de scrutins seraient inadaptés, les votes se font plus à partir de réactions affectives qu'après mûre réflexion sur des programmes, on ne croit d'ailleurs plus aux programmes qui ne sont pas suivis d'effets, etc. Mais surtout il est patent que les Français ne sont pas satisfaits par un personnel politique vieillissant, sans imagination ni audace politique ; ils renâclent contre ces éternels candidats, « toujours les mêmes », accrochés à leur parcelle de pouvoir, cumulards… souvent inefficaces voire – parfois – malhonnêtes.
Or quel moyen reste-t-il aux électeurs pour marquer concrètement leur rejet de tel ou tel candidat ? Car c'est parfois un choix impossible entre la peste et le choléra. C'est particulièrement vrai pour l'élection suprême qui est celle du Président de la République. Le résultat est une abstention croissante qui met sérieusement à mal la démocratie représentative. Quand un élu dispose d'un tiers des voix exprimées par 50 % des inscrits, il ne représente en réalité que 16,5 % des Français !
Pendant longtemps, on a voté préférentiellement pour un parti. Certains en ont profité pour exercer un véritable chantage : « c'est nous ou le chaos ». L'expérience prouve que ça peut être eux et le chaos. Comment traduire la soif de renouvellement de nombreux Français de droite comme de gauche ? Comment forcer les partis à se renouveler dans leurs pratiques et dans leurs hommes (et femmes) ?

Régulièrement, comme un serpent de mer politique, on rappelle que le moyen honnête, pacifique et parlant du refus de l'état de choses est le vote blanc. On exerce ainsi son droit et son devoir de citoyen, mais en l'absence d'une personne à qui l'on puisse remettre le pouvoir d'exercer une haute fonction – dont l'avenir du pays dépend en partie – on ne met pas de nom sur le bulletin de vote parce qu'aucun des candidats ne semble digne de confiance. Si ces votes blancs étaient comptabilisés et validés en tant que mise en évidence de l'absence d'un vrai choix, ils deviendraient significatifs. Ils pourraient éviter les votes extrémistes de ceux qui, ne supportant plus (à tous les sens du mot) les partis en place, aboutissent à des votes protestataires à courte vue, risquant d'être désastreux pour l’à-venir du pays. Peut-être cette expression claire pourrait-elle ainsi amener les responsables politiques à procéder au renouvellement souhaité, et les déçus de la politique pourraient revenir dans le champ électoral.

La question a souvent été en débat. F. Bayrou et J.-F. Borloo avait même fait une proposition de loi en ce sens en 2013. Il n'y a pas eu de vote déterminant : on décompte les bulletins blancs, mais ils ne valent pas plus que les bulletins nuls. Quel est l'homme politique ou le parti qui aura l'intelligence et le courage de reprendre cette proposition et de la mener à terme.

Allez-y, tous ceux qui claironnent sans cesse les "valeurs" (?) de la démocratie !

Marc Delîle

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A
Merci à Robert Kaufmann et à Lévy pour leurs commentaires qui prolongent et complètent ce que j'ai voulu exprimer de "désespoir-citoyen". Je suis largement d'accord avec leurs remarques.<br /> L'idée de M. Lévy d'invalider une élection, si le nombre de bulletins blancs dépassait un certain quota, est excellente et éviterait les spéculations sur les abstentions. Quelles causes ? : Rejet des candidats ou du régime politique ? Dimanche trop ensoleillé ou trop pluvieux ? Matchs importants à la télé… Un vote blanc responsable serait plus satisfaisant pour l'avenir de notre société que de se contenter de constater, sans autre procès, qu' il y a éventuellement 30 ou 50 % des électeurs qui ne se sont pas présentés devant les urnes.<br /> Les questions que suscite l'intervention de M. Kaufmann sont plus complexes. Il s'agit du fonctionnement même de la "démocratie". Il y aurait au moins deux conditions pour que la démocratie ne marche pas sur la tête (accaparement du pouvoir décisionnel par les "élites") : <br /> - 1° que les électeurs, aient à cœur d'acquérir un minimum de formation politique. Il ne s'agit pas d'exiger " l'ENA " pour tous, au contraire, mais que les gens acceptent de lire des journaux de bords opposés pour élaborer leur propre point de vue, qu'ils participent activement à des mouvements qui comportent un tant soit peu d'éducation citoyenne : syndicats (et oui, ça devrait aussi servir à ça), mouvements de jeunesse, ONG, cercles de réflexion … Il y en a pour tous les goûts et leurs réunions régulières permettent souvent une maturation des esprits. Cf. la formation d'hommes et de femmes politiques de quelque importance. Outre les personnes citées, R. K. aurait pu ajouter Jacques Delors, issu de la JOC et de la CFTC (devenue CFDT). Les électeurs devraient aussi vérifier, grâce hoaxbuster et autres sites anti-arnaques, la véracité de rumeurs transmises par internet.<br /> 2° Que les mêmes citoyens acceptent de se renseigner sérieusement sur les candidats et leurs intentions réelles (est-ce possible ?), sans s'en tenir à un "programme" concocté par tel ou tel parti ; qu'ils examinent de près les textes proposés en cas de référendum, afin de répondre au plus juste à la question posée et non réagir de façon primaire en soutien ou refus du gouvernement en place (ce qui serait l'objet d'un plébiscite).<br /> A propos de la responsabilité de l'Occident dans l'état actuel d'une partie du monde, elle est indéniable. Mais après ? Jusqu'à quand va-t-on faire remonter les responsabilités, voire la culpabilité ? Certes, les Européens ont été à l'origine de la colonisation, du XVIe au XIXe siècle, sans trop se poser de questions sur sa légitimité, avec pour certains une bonne conscience, plus ou moins sincère, d'apporter LA civilisation (comme on prétend aujourd'hui imposer la démocratie à des peuples qui n'en veulent pas forcément au stade de leur évolution politique. Cf. la catastrophe libyenne) ? Les colonisateurs ont agi conformément aux mentalités de leur époque. Le "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" est une notion qui ne remonte, au niveau international, qu'à l'époque de la 1ère Guerre mondiale et, il ne fut pas appliqué avec rigueur Cf. les germanophones d'Autriche-Hongrie, les Irlandais, Ukrainiens, Kurdes etc. Et puis, quels sont les pays, récemment victimes de la colonisation, qui n'ont pas, à un moment ou à un autre, été colonisateurs eux-mêmes, sous d'autres bannières que la recherche de matières premières et de débouchés économiques. Ils furent parfois des envahisseurs. Ainsi, l'expansion de l'Islam depuis le VIIe siècle n'a-t-elle pas été une forme de colonisation religieuse, n'a-t-elle pas envahi des pays qui ne lui demandaient rien ? En Afrique noire, en Amérique du Sud combien d'empires "indigènes" ont écrasé leurs voisins à travers l'histoire ? Constat qui ne justifie rien, ni en bien ni en mal.<br /> Marc Delîle
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R
Le sujet est si vaste que l'on hésite pour décider par quel bout l'aborder.<br /> Déjà pour le titre, je serais enclin à remplacer PESTE et CHOLERA par MYOPIE et CÉCITÉ car sinon, je crains que l'on se tire une balle dans le pied. En effet, une fois tous les boucs émissaires perdus dans le désert, nous nous retrouvions face à nos propres égarements...<br /> Peut-être faudrait-il faire au départ la différenciation entre l'Homme universel dont nous parlons souvent sur ce Blog, avec ses ambitions, son goût de la violence, sa tendance à se laisser guider par ses pulsions, ses émotions, plus que par la réflexion, sa paranoïa (comme disait Arthur Koestler..) et le citoyen français issu de révolution de 89 et de ses suites.<br /> L'un comme l'autre, invité à se prononcer dans un scrutin démocratique, aura tendance à accorder ses suffrages à celui qui le fait rêver à des lendemains qui chantent plutôt qu'à celui qui lui prévoit des lendemains difficiles et des sacrifices à accepter. Regarder dans le rétroviseur français de ces dernières décennies.<br /> Il faut déjà une bonne dose de capacité de jugement, de bon sens, d'un minimum de culture générale, pour déceler le possible du virtuel adapté aux circonstances.<br /> Comme disait Churchill, la démocratie est le pire des régimes sauf....<br /> Le facteur aggravant français, contrairement à d'autres démocraties se pliant de bonne grâce à la loi du 50% + 1, c'est que nous avons depuis 89 et les suivantes une culture de la contestation du pouvoir et de l'insurrection. <br /> Nous voyons bien depuis quelques décennies comment, dès le nouveau pouvoir d'Etat élu (de Gauche comme de Droite), il est violemment contesté par des minorités. Les pics historiques ont été atteints en Mai 58 et en 61 à Alger lors de la révolte des Généraux; en Mai 68 à Paris...qui ont mis en cause la paix civile. <br /> Mais aujourd'hui encore, on constate que les décisions de l'Exécutif / Législatif sont contestées par des mouvements de rue (ou de lieu environnemental) par des minorités qui cherchent à se substituer aux pouvoirs établis de la République.<br /> Les sommets de l'intolérance qui gagne est atteint place de la République où, sous prétexte de libres échanges démocratiques, on interdit de parole, voire on violente, toute personne qui ose contester l'anarcho-gauchisme ambiant.<br /> Alors, on ne peut se faire élire si l'on n'est pas appuyé par un grand parti ?...La faute à qui sinon à l'électeur ? Faut-il rappeler que dans toutes les élections et même aujourd'hui dans les primaires, ce ne sont pas les candidats de qualité qui manquent. Je n'en citerai pas ici ; mais je rappelle que même ceux appartenant à un grand parti mais qui se distinguent de celui-ci par des positions moins conventionnelles ( Chaban-Delmas...Roccard...Chevénement...) sont systèmatiquement marginalisés par les électeurs. <br /> Ne faut-il pas chercher dans ce paradoxe français d'amalgame de culture révolutionnaire et de conservatisme, de manque d'audace dans les orientations politiques, l'une des raisons de nos dérives ? Nous sommes allés jusqu'à faire évoluer la Constitution de la Ve République vers un régime de présidence monarchique, rappelant St Louis rendant la justice sous le chêne, plutôt que le limiter dans ses prérogatives et domaines réservés, la politique étrangère et la Défense Nationale, comme conçu au départ. <br /> Alors, devant la frustration de l'électeur le vote blanc ? <br /> Un plâtre sur une jambe de bois, à mon avis. Ou, pour le moi,ns, un moindre mal, diminuant le pourcentage des votes extrêmes dans les votes exprimés.<br /> La vraie question est peut-être de séparer le bon grain de l'ivraie.<br /> Diriger son pays aujourd'hui dans un monde complexe, en pleine mutation sur des plans divers exige des capacités exceptionnelles d'intelligence, d'intuition, de courage, de sang froid, de culture aussi bien historique qu'économique....de valeurs morales, sans en être prisonnier devant les urgences absolues du moment.....de savoir réunir et s'appuyer sur un groupe ministériel d'experts , choisis pour leur compétence et non pour des calculs politiciens d'opportunité du moment....<br /> Ces hommes-là et ces femmes existent. Mais en Janvier 40, qui aurait eu l'attention attiré par l'ancien Lord de l'Amirauté, W. Churchill, ou le colonel De Gaulle ? Faisant de la politique fiction, si en Juillet 40 on avait fait un referendum, à choisir entre le maréchal Pétain et le jeune général De Gaulle fraichement promu, qui préconisait de poursuivre la guerre depuis l'Afrique du Nord, quel aurait été la chance du second ?<br /> <br /> La capacité de nos dirigeants à orienter la politique internationale du Pays ? Leur culture historique ? Leur capacité à s'entourer d'experts qualifiés ? Leur indépendance Vs les idéologies et passés (erreurs) révolus.<br /> De Gaulle, même s'il a sans doute commis des erreurs de son côté, a su redonner à la France son prestige et surtout son audience au niveau international par son non- alignement. Il a su, tout en restant au sein de l'OTAN s'affranchir de son commandement en reprenant sa liberté. Il a su se distinguer de l'impérialisme économique américain. Il voyait une Europe continentale de l'Atlantique à l'Oural. Il a été le premier à reconnaitre la Chine Populaire.Il avait une vision lucide du monde d'alors....<br /> Il es vrai que les choses ont bien changé avec Mitterrand, qui refusait de s'attaquer aux Serbes dans les Balkans, sous prétexte qu'ils étaient nos alliés en 14-18.... Avec les présidents de Droite comme de Gauche qui ignorent ou font semblant d'ignorer que l'affrontement au sein du monde islamique remonte aux premières années après la mort du Prophète et que les nations musulmanes étaient fermement tenues en main par des régimes autoritaires, que nous n'étions pas obligé d'approuver mais qui ne menaçaient en rien la France. Une incroyable naïveté les a amené à croire que d'aider à déchoir les "dictateurs" et "donner la parole aux peuples" allait du jour au lendemain asseoir le "printemps arabe" et la démocratie...<br /> Le résultat catastrophique fut la guerre civile en Egypte et l'instauration d'une dictature militaire. Pire en Libye : le chaos généralisé et des masses d'armes accumulés par Khadafi dispersées en Afrique Centrale. La stupide guerre anglo-américaine en Iraq ayant déstabilisé l'ensemble du Moyen Orient et donné naissance à Daesh...L'interminable, cruelle, mortelle, guerre civile de Syrie....<br /> Oui, il faut bien admettre la responsabilité de l'Occident et notamment la France dans ce désastre (semé de bonnes intentions ??)<br /> Pas mieux en Ukraine, Kiev, matrice de la Russie chrétienne dès les 9e-10e siècles. Sous occupation étrangère un temps mais reconquise par la tzarine Catherine II dès le 18e siècle.<br /> Nous nous associons de façon dangereuse à la poussée impérialiste des avant-gardes de l'OTAN jusqu'aux portes de Moscou, revenant par là à l'impérialisme anglo-français de l'époque <br /> Napoléon III, provoquant une guerre stupide, une fois de plus, en Crimée, (100 000 Morts pour la France) pour empècher la flotte russe d'entrer en Méditerranée, chasse gardée.<br /> <br /> Pourquoi tous ces rappels ? Pour participer d'une certaine façon à la colère de Marc Delile de voir ces jeunes Enarques inexpérimentés s'embarquer dans la politique dès la sortie de l'Ecole (sinon avant) et d'y faire carrière, souvent sans convictions et sans une vision historique de l'Etat et son bien commun.<br /> Mais ils ne sont pas portés au pouvoir par hasard. <br /> Quelle est notre part de responsabilité? Et ce n'est pas en votant BLANC que nous changerons le cours des choses. <br /> Rappelons que depuis 50 ans nous ne plaçons pas au pouvoir des gens POUR leur vision de l'avenir mais CONTRE ceux qui les ont précédés. Cela peut nous mener à l'abîme.<br /> <br /> Robert Kaufmann
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L
" Si ces votes blancs étaient comptabilisés et validés en tant que mise en évidence de l'absence d'un vrai choix, ils deviendraient significatifs ". Significatifs si, par exemple, le décompte d'un tiers de bulletins blancs par rapport aux suffrages exprimés entraînait l'invalidation de l'élection concernée..Et significatifs en ce que leur nombre, quantitativement suffisant pour valoir sanction délégitimante de la part du suffrage universel, notifierait aux candidats en présence, et aux formations ou forces politiques qui ont présenté ceux-ci, que les citoyens récusent le choix qui leur est soumis. Récusation procédant d'un doute (au mieux ...) sur la capacité, sur la représentativité ou sur la probité .de ces candidats, ou d'un rejet des termes mêmes de ce choix - faute qu'aucun des projets que les électeurs trouvent mis en balance devant eux ne leur paraisse répondre aux véritables enjeux du moment et aux exigences que l'avenir prévisible dessine. N'y aurait-il pas là un dispositif capable de se substituer très heureusement à celui des "primaires", d'invention aussi récente que peu concluante ? Un dispositif plus démocratique puisque le corps électoral d'exprimerait dans son entier et dans le cadre d'un vote officiel entouré de toutes les garanties requises dans un état de droit, plus participatif en ce que les citoyens valideraient les candidatures sans passer par le filtre des organisations partisanes (ce qui n’empêcherait évidemment pas les militants de chaque parti de désigner, suivant leurs procédures internes, le candidat portant leurs couleurs), et plus républicain dans la mesure où l'étape finale de la validation des candidatures serait exempte de tout caractère plébiscitaire - un caractère qui "plombe" l’élection-phare de la V ème république et contamine les actuelles primaires. Merci à l'auteur de cet article pénétrant et salutaire d'avoir suscité cette suggestion.
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