Inaccessible perfection

Publié le par G&S

Plus on fréquente l’Évangile, plus on accueille le don de Dieu, plus on adore la perfection de Dieu et la grandeur de l’homme.

Plus on chemine avec le Christ, plus on découvre la grâce d’être pleinement humain attaché au temps, à l’espace et planté dans une culture éphémère dont les valeurs sont pourtant fondatrices de cohérence durable.

Plus la Croix se dévoile, plus la fragilité devient tendresse et besoin d’amour… plus les meurtrissures font aussi partie du paysage de la création nouvelle… Plus on les admet tout en cherchant à les réduire plus on grandit en liberté.

Et moins on rêve pour soi, tandis que l’on marche sur terre, de l’inaccessible et absolue perfection de Dieu.

En avançant dans le mystère du salut on ne rêve plus d’une perfection inhumaine : « la perfection n’est pas de ce monde », dit la sagesse populaire. On souhaite simplement accomplir la plénitude du trajet humain sans illusion et sans amertume, avec lucidité et tendresse. Chaque jour offre un présent (dans le sens de cadeau quotidien) à la fois somptueux et étriqué. Ce mélange aléatoire n’étonne pas le chrétien, il se tient à sa juste place et trace avec d’autres, son chemin vicinal dans les contradictions des ans qui s’écoulent. Il considère le perfectionnisme comme le pire des péchés et le plus grand des naufrages.

Mêlée de jubilations et de chagrins, ainsi se déroule l’existence. L’ami de Dieu respecte trop l’homme qu’il reçoit à chaque instant du Créateur pour en nier l’essence ; il chemine dans l’À PEU PRÈS VULNÉRABLE, c’est là son lieu naturel. C’est là qu’il a rendez vous avec l’amour !

Il espère un achèvement au-delà de la mort par une certaine assomption dans la gloire du Christ venu le chercher pour le présenter à son Père. Mais jusqu’au Passage qui débouche sur l’au-delà, la vie, « ici et maintenant » compte avec l’insuffisance. Rien ne suffit, rien ne comble ; le désir et l’espoir préparent un être meilleur  jamais tout à fait atteint sur terre mais toujours cherché et c’est là que se trouve la grandeur. Par contre, malheureux celui qui dans le parcours terrestre ne veut qu’idéal et perfection chimériques, malheureux celui qui refuse l’approximation et se drape dans l’illusion.

   - Bientôt il rejette ses parents jugés imparfaits,
- Puis il conteste ses amis jamais assez proches ou attentifs,
- Il se dégoûte de sa profession  à cause de ses limites,
- La religion le déçoit parce que trop terre à terre,
- Lui-même rongé d’imperfection ne se supporte plus…

Vivre au quotidien avec son poids de mortalité, négocier avec son insuffisance, recycler sans cesse des eaux usées pour en faire des eaux neuves, ne pas s’étonner ni du TROP ni du pas ASSEZ, permet au Juste de vivre modestement une vraie plénitude humaine, déplissée et nette.

Je ne brade pas la grandeur de l’homme, je lui demande ce qui est à sa portée, je me méfie de l’ambition malsaine qui le fait évader de sa condition. Le grand danger, l’unique peut-être, consiste à se prendre pour Dieu ou à modeler des idoles pour se contempler en elles.

En nous racontant la Passion du Fils de Dieu, l’Évangile nous permet de comprendre que même le Verbe Eternel, lorsqu’il s’incarne, prend de ce fait sur lui la faiblesse humaine et sa vulnérabilité. Sa grandeur n’est pas de la fuir mais de l’accepter, de l’offrir et donc de la traverser. Pâques veut dire Passage.

Christian Montfalcon

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