Et Satan conduit… la réunion
J'ai du mal à comprendre les circuits et les méandres d'un certain nombre de réunions.
Les gens sont assis autour d'une table et parlent en poursuivant chacun un monologue ou en sautant à pieds joints sur une idée qui passe. Califourchon ! On se croirait à la fin du marché, où les commerçants interpellent les derniers clients et leur proposent au meilleur prix une denrée qui vient de souffrir du soleil.
Dans cette sorte de foire, personne ne cherche à produire une résolution commune, fruit d’une concertation douloureuse et parfois d’un compromis opératoire. Au lieu d’une recherche pastorale cohérente pour que le peuple de Dieu puisse jouer son rôle prophétique, tout semble s'effilocher, les idées s'embrouillent et chacun attend la fin en maugréant plus ou moins.
Pourquoi ?
Sans doute, parce que l'Esprit n'est plus accueilli comme un don collectif et que le « diviseur » triomphe. La boule roule dans le jeu de quilles et le ricanement du malin se confond avec les remarques désabusées.
Alors pourquoi se réunir ?
Pour faire semblant, pour jouer à la communion comme d'autres jouent à la marelle. Mais nul ne s'y trompe, l'appareil est grippé et comme le dit l'anarchiste qui a gribouillé les murs de la rue des Pierres Plantées : « Le système est moribond, achevons-le ».
Parfois on assiste au coup des carnets et des agendas.
Comme personne ne se sent vraiment motivé, il y en a toujours deux ou trois qui ne sont pas « libres » à la date proposée pour une nouvelle rencontre. C’est vrai, ils ne sont pas libres parce qu’ils ne sont pas libérés de leur intérêt particulier.
Le vertige parfois me saisit et je n'ai plus envie de me battre, ni de redresser la barre : sombrer avec le navire devient une tentation morbide, disparaître avec cette société de clowns tristes qui grelotte de peur dans des habits trop grands pour eux.
C'est le moment des faux-fuyants et chacun se maintient à la surface comme les naufragés du radeau de la "Méduse".
Il apparaît parfois que la vie est ailleurs.
Il existe des groupes usés et presque hors d’usage qui ont fini de vivre.
Les déserter pour semer ailleurs devient un devoir.
Partir, oui ! Mais il faut beaucoup de courage pour entreprendre de nouveaux labours et de larges semailles…
Christian Montfalcon
1995