Devoir de vacances (4) – L’Œcuménisme : essayer d’aimer son prochain comme soi-même
Au moment de ma conversion au christianisme, il y a 56 ans, avant Vatican II, j'ai hésité quelque peu entre l'Église catholique et l'Église réformée.
C'est dire que, le choix fait, l'œcuménisme m'a passionné et j'ai participé tout naturellement à divers groupes. Mais assez rapidement, j'ai eu l'impression que du côté des autorités, la Semaine de l'Unité, pour sympathique qu'elle fût, prenait trop souvent des airs convenus de politesse obligée.
Bien sûr, c'est mieux que de s'excommunier ou de s'envoyer au bûcher, mais la phrase de Jésus sans cesse citée : « Qu'ils soient un … afin que le monde croit …» (Jean 17,21) me semblait nous obliger à une autre exigence.
Dans ma naïveté de néophyte, je me disais : « C'est simple, puisqu'il y a plusieurs demeures dans la maison du Père (Jean 14,2), il suffirait de faire tabula rasa des dogmes et des rites et de reconstruire patiemment, entre gens de bonne volonté, un corps d'éléments de foi et des comportements véritablement évangéliques, en laissant libres les croyances non-essentielles ».
C'était sans compter avec la conviction de chaque Église (de chaque croyant ?) qu'il fallait sauvegarder à tout prix (même les bûchers ?) les trésors accumulés – souvent plus culturels qu'authentiquement spirituels – de traditions circonstancielles, éventuellement confondues avec la Tradition, qui, pour être un véritable vecteur de transmission, devrait rester ouverte et vivante.
Le texte de Jérémie (23,1-4) me semble d'une extrême sévérité pour tous les pasteurs, qui ont été suffisamment "mauvais bergers", depuis 2000 ans, pour disperser les brebis. Maintenant, c'est Dieu seul qui peut réunir ces dernières. L'abbé Couturier, auteur de la Prière pour l'Unité, exprime très bien les conditions pour que nous ne soyons pas un obstacle : d'abord reconnaître que nous sommes tous infidèles à cet égard, et ensuite que l'unité des chrétiens ne peut advenir, si ce n'est « … telle que (Dieu) la veut, par les moyens qu('il) veut ». Encore faudrait-il s'y disposer sincèrement…
Du côté de l'homme, la seule action possible est de proposer la Bonne nouvelle, d'abord et principalement en la vivant. Ensuite, en évitant toute forme de pression sur autrui, j'allais dire de tentation ; la foi ne peut être réelle que si elle est libre. L'Écriture le dit bien : « Allez… si un endroit ne vous accueille pas et qu'on ne vous écoute pas, sortez de là et secouez la poussière de vos pieds… ». Quand Paul et Barnabé, à leur premier voyage à Antioche, sont persécutés et chassés de la ville, ils secouent la poussière de leurs pieds et partent à Iconium (Actes 13,51). On est loin du compelle intrare (forcez-les à entrer) de saint Augustin interprétant la parabole du festin (Luc 14,23), texte auquel on a fait dire tant de choses ! On est plus loin encore des Croisades et des Inquisitions.
On dénoncera ici, peut-être, une attitude relativiste, actuellement mal vue au Vatican (Cf. Benoît XVI le 18 avril 2005 et à plusieurs reprises depuis lors), mais l'œcuménisme pour moi, au delà des discussions sympathiques et parfois utiles des groupes de théologiens, par delà les dogmes et les rites qui séparent sans être toujours ni très évangéliques, ni très indispensables, l'œcuménisme donc, c'est d'essayer d'« aimer son prochain comme soi-même », ce qui est le commandement fondamental de Jésus-Christ, notre maître (magister). Comme disait saint François de Sales à propos de la grâce, question si polémique à son époque : « il vaut mieux en vivre qu'en disputer ».
Albert Olivier