La foi du célébrant
Quand je parle de « la foi du célébrant » je n’évoque pas seulement l’intensité de sa relation intime avec le Christ ou son Père, car laïc, prêtre ou diacre dans une action liturgique reste toujours l’imparfait qu’il est dans la vie courante, mais je désire souligner l’humble simplicité de celui qui doit conduire la prière.
Il ne sait pas d’avance, il se livre et s’en remet au Seigneur qui bénit, console, pardonne ou appelle. Son désir de conversion personnelle habite sa présence. Désarmé, sans artifice, il se livre à Dieu et au peuple pour une mission qui lui est confiée et le dépasse. Il est pauvre, rien ne lui appartient, sinon de posséder ce qui lui échappe. Il donne ce qu’il ne possède pas et reçoit ce qu’il ose espérer car « la foi du célébrant » est une Espérance de Résurrection.
Que la célébration soit domestique, paroissiale, abbatiale, qu’elle se passe à la cathédrale ou au palais des sports, qu’elle rassemble des milliers ou une poignée de chrétiens, c’est toujours une rencontre incontrôlée entre l’invisible, incernable par nature, et la vie d’un peuple très concret, incarné dans une culture bien précise.
Dans le vide vertigineux entre l’incréé et la création, le célébrant, modeste créature, ose se tenir à sa place parce que la foi, la mission, (et l’ordination s’il est prêtre ou diacre) l’y appellent pour la véritable constitution d’un rassemblement qui devient Église par la force de l’Esprit et l’offrande collective.
Le célébrant croyant a toujours peur car il se tient « seul » au milieu des autres ; il peut se rassurer en écrivant des mots et des phrases sur un papier, mais plus il aura la foi plus la « crainte » de Dieu le saisira et le dépouillera.
« Traduit » devant un petit ou un grand public, il ne lui reste que l’Esprit Saint pour prononcer ce qu’il ne sait pas même s’il l’a appris par cœur. Bien loin d’être insouciant ou de faire fi des ressources mises à sa disposition par les sciences humaines, il prépare d’autant plus une célébration qu’il « croit » que le Seigneur l’improvise et que le Christ est le seul vrai liturge.
L’attitude de son corps, le moindre geste de ses mains, l’ardeur de son regard ne se calculent pas : il est là, désarticulé pour donner corps à celui qui entre au Cénacle fenêtres et portes fermées et se tient au milieu des disciples.
Le célébrant, ordonné ou non, ne fonctionne pas : s’il lit le livre des Écritures c’est qu’il raffole de la Parole ! S’il proclame une prière c’est qu’il prie lui-même ! S’il exhorte c’est que lui aussi s’efforce de se convertir !
Les rites, les symboles et les signes convenus par la tradition et la modernité le contraignent et l’empêchent d’être un électron libre, mais sa foi donne une nouveauté sans pareille à ce qui est usité.
Pauvre célébrant, il ne trouve sa sécurité que dans la foi ; indigent, il vient, célèbre et repart comme un mendiant de Dieu solidaire du peuple où il a pris naissance. Ordonné ou non le célébrant entre dans la grâce de la pauvreté… c’est ce qui l’encourage à rendre fréquemment ce service.
Christian Montfalcon