« Beaucoup de saints prêtres »
Les autorités de l’Église 1 recommencent à prôner les prières en faveur de la multiplication des prêtres (de “saints prêtres” si possible). Malgré des scandales récents et inacceptables qui ont ému le monde, les membres du clergé sont aujourd’hui, dans l’ensemble, mieux formés et plus “saints”, au moins sous nos climats, qu’il y a quelques siècles. Ne serait-ce que parce que ceux qui y vont sont volontaires : les riches n’y sont plus placés par leurs familles et la cléricature n’est plus une “situation” assurant une certaine promotion sociale pour enfants pauvres.
Les évêques qui prennent l’initiative d’une telle démarche sont assurément animés d’une authentique soif pastorale, mais ils ne semblent pas se poser la question essentielle de savoir si le statut du prêtre, les missions qu’on lui confie, le mode de vie qu’on lui propose sont suffisamment “humains” pour qu’une personne de bonne volonté et prête à “servir” veuille revêtir la charge (“cura”) pour toujours.
Qu’on ne vienne pas nous opposer un manque de générosité de la part des jeunes. Ceux qui partent en mission humanitaire ont généralement une vie au moins aussi rude que celle d’un prêtre de paroisse. Quand ils ne sont pas de simples bénévoles, leurs revenus restent normalement modestes. Différence notable dont la hiérarchie pourrait s’inspirer : ils vivent la plupart du temps en équipe, loin de cette solitude désespérante que peuvent connaître certains desservants ruraux de nombreuses paroisses, sans confrères pour se ressourcer, ni groupe de laïcs pour les soutenir. Et ils ne s’engagent que pour un temps donné.
Faut-il pour pouvoir être prêtre, être préalablement un “saint”. L’exemple proposé du curé d’Ars est certes plus que respectable, mais peut-on demander, a priori, une telle abnégation à un homme que l’”appel” ne rend pas forcément “extra-ordinaire” et qui, pourtant, se met au service de ses frères dans un total abandon ? Je n’élude pas, bien sûr, la présence de Dieu au côté de son ministre ; mais l’on sait par expérience qu’elle n’est ni toujours ni immédiatement perceptible. La foi (qui fait bouger les montagnes) et la prière devraient la rendre constante, mais ces hommes ne sont que des hommes, susceptibles de doutes, de désirs, de peurs, voire d’angoisse… et la solitude ne peut qu’aggraver leurs difficultés.
En outre, la formation que reçoivent les séminaristes dans certains diocèses reste, malgré des efforts incontestables, un peu déconnectée du réel de ce monde. Il ne s’agit pas de défendre celui-ci à tout prix, mais il existe et, précisément, ils vont devoir y vivre… et l’affronter. Le thomisme c’est bien, sans doute “indispensable” (on ne pourrait penser sans lui ?) ; mais un peu d’informatique, de sociologie, de psychologie, d’initiation politico-économique ne les gênerait sans doute pas dans leurs futurs rapports avec leurs fidèles et surtout avec les brebis qui demeurent hors du bercail. Admirons ceux qui s’y engagent, mais conseillerions-nous, sans aucune réticence, à nos garçons d’y aller.
Certes, il est des expériences intéressantes et source d’espérance, telle cette “Révolution silencieuse” de diocèses acceptant de donner à des laïcs une place véritablement militante en vue de garder et marquer la présence chrétienne sur le territoire, et de permettre aux fidèles de vivre leur foi, même en absence de prêtres (Voir Isabelle de Gaulmyn dans La Croix du 19 décembre 2010). Il faudra voir à l’usage si ces “tests” peuvent s’étendre et comment.
Albert OLIVIER
1 – Relire l’article de Michel Rondet : L’Église que j’espère, dans le Dossier L’Église de G&S.