Le fœtus est-il une personne ?

Publié le par Garrigues

En France, la loi Veil du 17 janvier 1975, adoptée par l'Assemblée Nationale par 284 voix contre 189, et publiée dès le 18 au Journal Officiel, a légalisé l'avortement sous l'euphémisme d'I.V.G. Elle prévoit que celle-ci doit être pratiquée avant la fin de la 10e semaine de grossesse, soit après 12 semaines d'aménorrhée. La loi du 4 juillet 2001 a allongé cette période à la fin de la 12e semaine de grossesse, soit 14 semaines d'aménorrhée. Cette loi a probablement atténué bien des douleurs de femmes en souffrance et, à ce titre, est totalement respectable. Mais cela revient à affirmer, en même temps, qu'à environ 3 mois, le fœtus est considéré non comme un être vivant (potentiellement sans doute puisqu'il n'est pas "autonome", mais non virtuellement), non comme une personne (dans ces conditions, un "aliéné" doit-il être déchu de ce privilège ?), mais comme une chose.

Les partisans du "laissez-les-vivre" parlent de meurtre ; c'est pourtant bien un acte légal, comme l'est éventuellement la guerre, pas moins meurtrière. D'ailleurs, ils ne proposent aucune solution aux situations de détresse, autre que de s'en remettre à la Providence !

Le 6 février 2008, la Cour de Cassation a rendu trois arrêts, à la demande de trois familles dont les enfants étaient mort-nés entre 1996 et 2001. L'État-civil leur avait refusé de leur délivrer un " acte d'enfant sans vie ". La base juridique de cette décision était une circulaire de 2001, exigeant que l'enfant pèse au moins 500 grammes ou ne soit mort qu'après 22 semaines d'aménorrhée. Or, ces trois fœtus pesaient entre 155 et 400 grammes et étaient morts entre la 18e et la 21e semaine. Les familles ayant recouru à la justice ont été déboutées en première instance, puis en appel à la Cour de Nîmes, en 2005, sur la base de cette même circulaire.

La Cour de Cassation a annulé ces jugements, arguant qu'une circulaire n'a pas d'autorité juridique et qu'on aurait donc dû en rester aux termes de la loi (article 79-1 du Code civil), qui « ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du fœtus ni à la durée de la grossesse ». En conséquence, un fœtus né (?) sans vie, bref un corps mort, peut être déclaré à l'état-civil, quel que soit l'état de son développement. Cet " acte d'enfant sans vie " pallie, là aussi, une douleur, celle des parents : il permet d'attribuer un prénom au fœtus, de le mentionner sur le Livret de famille, d'organiser des obsèques, d'obtenir certains droits sociaux comme le congé de maternité pour la mère, et de paternité pour le père, etc. Cela ressemble en quelque sorte à la reconnaissance, peu ou prou, d'un être " personnalisé ", même s'il n'a qu'un prénom et ne peut pas porter un nom de famille. Or il s'agit, répétons-le, d'un mort...

Il semble bien que, sur un plan juridique, il faille maintenant se décider à donner un statut plus clair au fœtus.

Mais sur le plan "philosophique" - si l'on peut dire - comment concilier deux attitudes mentales aussi contradictoires ?

Marc DELÎLE

Publié dans Signes des temps

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C
Interminable débat. On touche là à des cas extrêmes : tous les enfants à naître devraient être désirés. Tous les enfants désirés devraient naître en bonne santé. Mais le sort, le hasard, la destinée - dieu ? - semblent en décider autrement, parfois.Difficile d'imaginer une loi qui ne soit pas contradictoire face à : d'un côté la nécessité de deuil pour des parents 'privés' d'une naissance attendue, et de l'autre la nécessité de survie pour les femmes qui ont pris la décision forcément douloureuse d'avorter (droit inaliénable, qui ne doit cependant pas servir de contraception automatique).La conception et la naissance ne sont - pour moi - que des prémisses à la vie. Et pas la vie dans sa totalité. La construction d'une personne commence juste après, dans l'échange cognitif, spirituel et affectif qu'elle aura avec son environnement.
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