A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

33e dimanche du temps ordinaire 13/11/2022

Mi 3, 19-20a ; Ps 97 ; 2Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19

 

Dimanche prochain, la fête du Christ Roi marquera la fin de l'année liturgique. L'Église en fait le symbole de la Fin des temps et développe déjà ce thème dans ce dimanche.

 

Dans la première lecture, le prophète Malachie (3, 19) décrit le Jour du Seigneur comme « un feu dévorant ». Car vers les années 480/460, le peuple juif est rentré d'exil et a reconstruit le temple. Mais très vite, soucieux de faire fortune, des arrivistes, sans aucun respect de la loi, écrasent les plus pauvres, dans le scepticisme et la tiédeur générale. Malachie les réveille par des écrits enflammés et rappelle à chacun, prêtres et laïcs, ses exigences : « le jugement au dernier jour mettra les cœurs à nu. »

 

Le psaume 97, dans un langage poétique, célèbre la fête joyeuse de l’intronisation d’un roi à Jérusalem.

 

Dans la deuxième lecture tirée de la deuxième lettre au Thessaloniciens, Paul, ou l’un de ses successeurs, doit clarifier la situation actuelle du chrétien, à la fois présent dans le monde et attendant le retour du Christ. Car les premières communautés chrétiennes attendaient comme imminent le retour du Christ. Aussi certains extrémistes, se voyant déjà au ciel, utilisaient ce prétexte pour ne plus travailler. Par ailleurs, on sait par les Actes (Ac 17,1-10) que Paul comptait séjourner à Thessalonique pour les évangéliser mais avait dû s’enfuir en pleine nuit, poursuivi par des fanatiques juifs qui le menaçaient de mort. Ce qui explique le ton tendu de la lettre (1).

 

Dans l’Évangile de Luc (21, 5-19), Jésus profère à l’intérieur du Temple devant le public présent, des menaces sur le temple et  (2) C’est le dernier discours public de Jésus, son adieu à Jérusalem dont Il annonce ici la chute et voit dans celle-ci une annonce du jugement final : alors que Mathieu et Marc rapportent les grandes tribulations eschatologiques dans le style des apocalypses (3) Luc distingue nettement les annonces de la fin des temps des événements qui le précéderont. Les précisions de Luc concernant les guerres et les persécutions montrent que les communautés chrétiennes ont déjà vécu ces événements. Derrière ces menaces réalisées, s’annonce le retour du Christ à la fin des temps. En utilisant le langage apocalyptique classique à l’époque, Jésus entremêle des événements de dates différentes : la destruction du temple et de Jérusalem, les persécutions (4).

 

Quels messages recevoir de ces textes très marqués par la situation des premières communautés chrétiennes et leur mode d’expression apocalyptique ?

D'abord ils affirment que tous nous mourrons et que nous ne sommes pas éternels, ni la société des hommes, ni l’Église. De même que chacun personnellement n’aimons pas envisager notre mort, le même déni risque d’intervenir pour la société et l’Église.

Un autre message concerne les persécutions passées, actuelles et futures de l’Église au nom de l’Évangile. Elles ont existé et existent encore dans le monde actuel (5). Il est important de se sentir solidaires de ces croyants, par la prière et par l’aide financière, même si les persécutions ne sont pas d’actualité en Occident, sauf cas individuels (6), ce n’est pas cependant une affaire du passé.

La question peut rebondir : les textes évangélique et paulinien semblent dire qu’une Église qui serait vraiment fidèle au Christ, subirait nécessairement des persécutions, comme Jésus lui-même et les premières communautés chrétiennes ? Sans tomber dans l’« idéal » du martyre à tout prix, l’absence de persécutions pour l’ Église, ne pose-t-elle pas question ? Une Église qui lutterait réellement pour la défense des pauvres, le partage réel des richesses et l’accueil des migrants, au risque de se mettre «  hors la  », ne serait-elle pas persécutée par les régimes en place (7) comme c’est le cas pour ceux qui accueillent aujourd’hui des migrants ?

Dernière forme de la question, concernant la chute du temple et de Jérusalem (8). Dans la situation actuelle de l’Église, d’où viendraient les persécutions ? Sans doute non d’une destruction venant d’ennemis extérieurs (9) mais peut-être, au moins pour l’Église catholique occidentale, d’une implosion interne (10) provenant de son exculturation par rapport à la culture moderne, concernant son mode de gouvernance, la disparition des prêtres et la place des femmes dans les lieux de décision. Comment préparer cette crise qui semble inéluctable, à moins de tomber dans le déni de la réalité ?

 

Les textes de ce dimanche, difficiles mais forts, veulent nous réveiller de notre torpeur quotidienne, mais en même temps, ils nous invitent à ne pas sombrer dans une panique insurmontable. Ils nous présentent un univers de crises « Ne vous laissez pas égarer ; beaucoup viendront en mon nom disant c'est moi. » Comme pour Jésus et les communautés primitives persécutées, notre foi ne vient pas de nous-mêmes, mais de l’Esprit qui a ressuscité Jésus Christ : «C'est par votre persévérance que vous garderez votre vie… tenez bon, l’Esprit de Jésus-Christ vous soutiendra ». Faisons donc confiance à l’avenir.

 

Antoine Duprez

 

-1- Les assassinats du Père Hamel et de Samuel Paty, bien que différents, montrent le danger toujours menaçant même en Occident ; mais il s’agit de cas individuels et non pas étendus à une collectivité, la laïcité en France, en principe, interdit de faire une ségrégation au nom de motifs religieux.

-2- Ce temple splendide venait d’être achevé par Hérode le Grand vers 19 avant notre ère.

-3- Chez Marc et Mathieu, ces annonces s’adressent aux seuls disciples sur le Mont des Oliviers.

-4- Cf TOB Lc 21, 20 note r.

-5- Ce langage apocalyptique, courant surtout après l'époque de Jésus, utilisant des événements actuels sont signes avant-coureurs d'événements futurs. Ainsi,la chute de Jérusalem est présentée comme signe avant coureur du jugement de Dieu. Sur la note r, le peuple élu, Jérusalem qui n'a pas accueilli Jésus devient signe des événements.

-6- Notamment en Afghanistan avec les Talibans et en Afrique Subsaharienne (Pakistan et Nigeria) qui sont les «  tristes champions » et pourraient concerner plus de 360 millions de chrétiens. En Chine, beaucoup d'églises sont menacées de fermeture, en Inde, en Corée du Nord, fermeture aujourd’hui. Ce ne sont pas des anomalies du passé. Ne parlons pas des attentats antisémites visant particulièrement la population juive.

-7- Comme c’est le cas pour des individus en certains pays d’Amérique Latine et en France pour l’accueil des migrants.

-8- En admirant à Rome la splendeur des constructions Saint-Pierre-au-Vatican je ne pouvais m'empêcher de penser aux cris d'admiration des Juifs (Luc 21, 6) devant la beauté du temple : tout sera détruit.

-9- Sauf d’envahisseurs extérieurs

-10- Cf. le livre de Danièle Hervieu-Léger et Jean-Louis Schlegel, Vers l’implosion ? Entretien sur le présent et l'avenir du catholicisme, qui annonce la quasi-disparition interne de l'intérieur de l'institution-Église du fait de son exculturation, du cléricalisme et de la disparition des prêtres.

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P
Helder Camarra : "Quand j'apporte de l'aide aux pauvres, on dit que je suis un saint,<br /> quand j'interroge sur les causes de cette pauvreté, on dit que je suis communiste" <br /> Où en sont aujourd'hui ces missionnaires théologiens de la libération ?
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