Le chemin synodal dans l’Église catholique : un entretien avec l’évêque d’Anvers
Johan Bonny est évêque d’Anvers et observateur du chemin synodal allemand. Il a déjà tenu des propos clairs lors de la récente assemblée synodale. Ici, pour katholisch.de, il parle de la difficile « position en sandwich » des évêques allemands, de la synodalité et des différences de vitesses dans le monde, et des discussions avec le pape François sur les bénédictions des couples homosexuels.
Mgr Bonny, lors de l’Assemblée synodale, vous avez eu des mots très clairs à l’égard de vos confrères allemands, disant qu’ils étaient « fatigués et tendus ». Comment êtes-vous parvenu à ce jugement ?
J’ai observé la situation et l’ai perçue ainsi. Mais j’ai de la compréhension pour cela. Il n’est pas facile, en tant qu’évêque, de se retrouver dans cette « position en sandwich » entre son propre peuple d’Église et Rome. À cela s’ajoutent la situation des abus dans l’Église en Allemagne et dans le monde, la sécularisation de la société et, en plus, on dirige un diocèse entier avec des catholiques de différentes tendances. En même temps, en tant qu’évêque, on veut aussi transmettre la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Tout cela n’est pas facile. Pourtant, il ne sert à rien de se retirer : si nous restons avec notre peuple, il nous donnera de nouvelles forces, de nouvelles idées et pas seulement de nouveaux problèmes.
Or, tous les évêques ne semblent pas pouvoir ou vouloir rester auprès de leur peuple, si l’on en juge par les résultats des votes lors de la dernière assemblée synodale…
Je ne serais pas aussi négatif. On ressent certes des tensions, mais les catholiques en Allemagne ont aussi travaillé dur. Avec le chemin synodal, ils ont fait quelque chose que nous n’avions pas encore fait en Belgique. Ils ont mis en lumière tous les problèmes de l’Église qui étaient jusqu’à présent balayés sous le tapis. Cela a fait apparaître des différences. Mais ce n’est pas grave. J’ai dit aux évêques que c’était une vertu germanique dans le bon sens du terme. En Europe du Sud, on n’en est pas encore là.
Donc vous ne voyez pas les différences entre les évêques – par exemple sur le texte de base pour une nouvelle morale sexuelle de l’Église – comme un problème ?
Je pense que chaque évêque essaie à sa manière de rester dans la vérité. Mais ce n’est pas comme si un côté était dans la vérité et l’autre pas. Au contraire, la vérité est complexe. Il faut donc rassembler les différents aspects de la vérité. Ce chemin synodal n’a pas pour but d’écrire un traité académique, mais il est un instantané de ce que pensent la plupart des catholiques – évêques, prêtres, religieux et laïcs – en Allemagne. Il n’est donc pas sans importance que le texte de base obtienne 75 ou 80% d’approbation, mais ce n’est pas tout. Le texte est dans le monde et va développer sa propre vie.
Lors de l’assemblée plénière des évêques à Fulda, vous avez pu vous adresser une nouvelle fois à vos confrères à huis clos. S’agissait-il plutôt d’un discours théologique ou d’un appel émotionnel ?
Je suis aussi un peu germanique et j’essaie de ne pas être émotionnel (rires)/ J’ai apporté quelques réflexions sur la manière dont les évêques peuvent réussir à travailler ensemble au niveau national et en communion avec le pape. En même temps, j’ai fait des propositions sur la manière dont la synodalité peut être vécue en impliquant les fidèles.
La synodalité ne peut cependant pas être dissociée des thèmes de fond qui sont négociés de manière synodale. Vous dites qu’en Belgique, vous avez à l’ordre du jour les mêmes thèmes – les ministères pour les femmes, le célibat, la morale sexuelle – que le chemin synodal. En Irlande, en Australie ou en Suisse, c’est la même chose. Pourquoi y a-t-il malgré tout autant de résistance au chemin synodal dans le monde ?
L’Église fait partie de ce monde. Et le monde n’est pas un : ni politiquement, ni économiquement, ni culturellement. L’Église veut annoncer l’Évangile dans le monde entier. Mais elle s’adresse à chaque fois à des personnes très différentes. C’est pourquoi la question du « comment » de l’annonce reçoit des réponses très différentes. C’est la réalité.
Le chemin synodal a également fait l’objet de critiques de la part de Rome. Pensez-vous que les thèmes négociés chez nous joueront également un rôle dans le processus synodal mondial ?
Actuellement, je ne peux absolument pas imaginer comment se déroulera la phase mondiale de ce processus. Mais je dis : on ne peut pas laisser l’eau déborder. L’histoire suivra son cours, même si ce n’est pas partout à la même vitesse.
Pensez-vous que le chemin synodal a plutôt approfondi les divisions au sein de l’Église ou qu’elle a été à l’origine d’un renouveau ?
Il n’a pas divisé, mais mis à nu les plaies de l’Église. Un abcès – comme le scandale des abus sexuels dans l’Église – ne peut pas se guérir tout seul. La plaie doit être ouverte et nettoyée. Ce n’est pas facile. Mais ce n’est qu’alors qu’elle peut guérir.
Le thème de l’homosexualité est un grand sujet de lutte dans l’Église. Pourquoi en est-il ainsi ?
Parce que ce sujet a lui aussi été longtemps passé sous silence et balayé sous le tapis. Mais chez nous, en Europe occidentale, il est maintenant mis sur la table, notamment par la société dans son ensemble. Nous en parlons donc. Mais ce n’est pas encore le cas dans le monde entier. Cette différence de rythme est l’une des raisons. Une autre est la diversité des traditions théologiques morales avec lesquelles on argumente. Ces traditions peuvent évoluer. Mais de tels processus ne sont pas exempts de tensions. Pour de nombreuses personnes dans l’Église, il est fondamentalement difficile de changer sa propre position et sa propre perspective.
Vous vous êtes vous-même engagé depuis 2015 pour la célébration de la bénédiction des couples homosexuels. Comment a-t-on réagi à cela ? Après tout, vous êtes encore évêque…
Oui, je suis toujours évêque. J’ai été convoqué à Rome et j’y ai dit ce que j’en pensais. J’en ai aussi parlé personnellement avec le pape François.
Quel a été le résultat ?
Je sais maintenant ce qu’il en pense. C’est le plus important pour moi. Et je sais que nos lignes directrices pour la bénédiction des couples homosexuels, que nous avons récemment publiées, sont en phase avec le pape François. C’est important pour moi, car la communion avec le pape est sacrée. C’est la responsabilité propre que le pape nous a donnée, à nous évêques, et qu’il soutient également. Mais les mêmes thèmes ne doivent et ne peuvent pas être abordés à tout moment dans le monde entier. En outre, le pape ne doit pas non plus tout consigner sur papier. De même que moi, en tant qu’évêque, je ne consigne pas non plus chaque entretien sur papier.
Roland Müller & Björn Odendahl