A l'écoute de la Parole de Dieu
33eme Dimanche du T.O. 14/11/2021
Dn 12, 1-3 ; Ps 15 ; He 10, 11-14. 18 ; Mc 13, 24-32
Ce que les textes disent
Ils nous parlent de la fin des temps, la fin de notre parcours sur terre.
Dans 15 jours, nous fêterons le premier dimanche de l’Avent. La fin du cycle liturgique préfigure la fin des temps.
La première épître est tirée du prophète Daniel qui écrit vraisemblablement vers 164 av. J.-C. C’est une période extrêmement troublée : Antiochus IV Épiphane organise une grande persécution et des massacres à Jérusalem ; un décret abolit les pratiques juives et instaure le culte de Jupiter olympien au temple. C’est « l’abomination de » : poursuivis à mort, les Macchabées se révoltent. Daniel décrit cette période tragique en langage apocalyptique, un genre littéraire, classique à son époque : « Ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu… » mais Dieu n’abandonnera pas son peuple. Toujours selon le scenario apocalyptique, intervient Michel, le chef des anges, pour délivrer Israël en un jugement final, « les uns pour la vie éternelle les autres pour la honte ». Apparaît pour la première fois le thème de la résurrection générale.
Dans l’Évangile de Marc (13,24 32), Jésus circule dans le Temple avec ses disciples qui admirent les grosses pierres de la construction. Jésus annonce la ruine de Jérusalem et du Temple : « Il ne restera plus pierre sur pierre ». Celle-ci aura lieu en 70. Puis Jésus prend à part Pierre, Jacques, Jean et André pour leur parler de la fin des temps. Ce choix signifie qu’il va dire un message essentiel : ce sont les premiers appelés (Marc, 1, 16-20), et parmi les témoins privilégiés (1) de la transfiguration (Marc 9,2-9). Jésus reprend le langage de Daniel : « Le soleil s’obscurcira ». Interviendra alors un personnage important dans les Évangiles, le Fils de l’homme, homme céleste qui dépasse mystérieusement la condition humaine (2). Il annonce la fin des temps avec solennité : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (3).
L’épître aux Hébreux compare les sacrifices des prêtres de l’Ancienne Alliance qu’il fallait répéter quotidiennement et le sacrifice de Jésus Christ qui, en s’offrant à son Père sur la Croix; a offert le sacrifice parfait qu’il ne faut pas répéter. « Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. »
Ce que les textes nous disent
Ils sont de grande actualité, dans un langage qu’il faut décoder. Nous vivons, comme les premières communautés chrétiennes, des temps de grande incertitude :
On nous prédit « le naufrage des civilisations » avec des menaces de guerre entre les grandes puissances. Le récent rapport du GIEC annonce qu’il est déjà probablement trop tard pour éviter que les catastrophes écologiques ne se déchaînent, avec la destruction de possible de l’humanité. Le rapport Sauvé dénonce la perversion systémique de l’institution de l’Église Catholique française. Plusieurs s’interrogent sur la survie de l’Église catholique en France.
Quelle attitude ? Celle de l’autruche, ne pas voir les problèmes ? Se désespérer, « tout est foutu » ?
Les textes nous disent d’affronter les problèmes avec lucidité et courage, en responsables. Ils parlent d’un jugement général, thème essentiel dans les Évangiles : on ne peut rien comprendre à la Bonne Nouvelle du Royaume sans cette idée de jugement. Or ce thème est devenu si choquant à nos oreilles modernes qu’on n’ose plus en parler, surtout dans l’église. Or il ne peut y avoir d’activité humaines, bonnes ou mauvaises, individuelles ou collectives, sans évaluation et jugement (4). Le rapport de la CIASE ne cesse de le rappeler : il ne peut y avoir de vrai pardon que si d’abord justice a été faite.
C’est là que le message chrétien est irremplaçable, car c’est un message d’espérance et de certitude de la victoire, comme le décrit l’Apocalypse dans son langage codé. Les hommes ne se sont pas donné la vie physique, la leur et celle de l’univers. Elle est un don qui nous dépasse et vient de bien plus loin que de nous-mêmes, de Dieu. La vie en plénitude, dont nous possédons dès aujourd’hui les arrhes, sera elle aussi un don de Dieu. Et ce combat et cette victoire ont déjà eu lieu avec la mort et la résurrection de Jésus Christ. Cela n’enlève rien à notre responsabilité et à nos actions. Mais, avec l’Esprit de Jésus Christ mort et ressuscité (5), nous sommes associés à un combat et à une victoire qui nous dépassent, dont nous n’avons aujourd’hui que les prémisses (6).
Faisons nôtre le chant de triomphe du psaume : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance, car tu ne peux m’abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption ». Ps 16(15), 10.
Antoine Duprez
1 En langage d'entreprise, on dirait « l'élite du staff. »
2 Cf Fils d'Homme cf Daniel 11, 31ss
3 Jésus, en homme de son temps, pense que cette arrivée du Royaume est imminente. Paul partagera la même conviction et ce sera une épreuve pour la première communauté de découvrir que ce triomphe de Dieu s'étalera dans le temps.
4 Comme visiteur de prison, j’animais un groupe de parole de détenus de moins de 18 ans : le thème était la « justice ». Pour la majorité des jeunes, « il n’y avait pas de justice, « tous pourris » ; intervient un jeune musulman : « Je sais que j’aurai à rendre compte de mes actes à Allah ». Le ton de l’échange a radicalement changé, du fait que quelqu’un avait parlé en responsable.
Une entreprise ne peut exister sans évaluation et contrôle ; toute la question est de savoir de quel type de jugement il s’agit : une mise à mort ? une aide pour recibler l’action ? Le « péché », en hébreu (hata’) en grec (amartia), c’est « manquer la ». D’où l’intérêt de pouvoir réajuster son tir et d’avoir d’autres chances de l’atteindre.
5 Cf Ephésiens 2,6, « Avec lui, il nous a ressuscités et fait asseoir dans les cieux , en Jésus-Christ ». La devise des Chartreux est « la croix demeure, tandis que bouge le monde »
6 Comme dans la dernière guerre, après Stalingrad et le débarquement en Normandie, la victoire des alliés était acquise, même si se déroulèrent encore de terribles combats, où le courage des soldats assura la victoire.