"Va où ton cœur te mène", le dernier livre de Gabriel Ringlet

Publié le par Garrigues et Sentiers

"Va où ton cœur te mène", le dernier livre de Gabriel Ringlet

Original et alerte, ce petit livre (1) se lit d’une traite et mène, par des détours inattendus, à dépasser radicalement la représentation de Dieu qui a prédominé et qui prévaut encore dans la tradition judéo-chrétienne. La glorieuse puissance du Très-Haut s’efface pour laisser se révéler une divinité humble et miséricordieuse dans le secret des cœurs. Reprenant la rocambolesque saga des prophètes Élie et Élisée, Gabriel Ringlet fascine par ses intuitions théologiques marquées du sceau de l’Évangile, et touche le lecteur par sa délicate et profonde sensibilité aux gens et aux choses. Sa créativité poétique survole d’instinct les doutes et réserves qui peuvent surgir ici ou là au fil des pages. Pour entendre le subtil message spirituel mis en musique par l’auteur, le lecteur est invité à s’ouvrir à un ailleurs indicible échappant à toute saisie – « De l’âme du violon, oseriez-vous relever les empreintes digitales ? » (Gilles Baudry, cité en exergue)…

Il va sans dire que nous ne pouvons plus croire que les histoires rappelées dans ce livre se sont réellement passées comme relatées dans la Bible – le miraculeux approvisionnement en farine et huile chez la veuve de Sarepta (à l’instar de la manne) et, entre autres prodiges, la résurrection du fils de cette femme par Élie, la foudroyante issue de la compétition sacrificielle entre les prêtres de Baal et le prophète de Yahvé, l’horrible carnage qui s’en est suivi pour imposer la domination du Dieu d'Israël, la traversée à pied sec du Jourdain (calquée sur le franchissement de la Mer Rouge par les Hébreux), l’irruption d’un char de feu pour emporter Élie… Et l’exigence critique ne s’arrête pas là : nous ne pouvons plus adhérer – qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament – à la sacralisation plus ou moins fondamentaliste des Écritures quand, proclamées « Parole de Dieu », elles sont considérées comme l’unique, complète et ultime Révélation divine. Cela étant, comment résoudre les multiples ambiguïtés et contradictions de ces textes pour discerner la Parole qui, en amont des mots, est véhiculée à travers la relativité des langages empruntés par ces récits ? De la Création de l’univers à la Nativité et à la Résurrection de Jésus, tout est à réinterroger sans céder aux interprétations qui arrangent – comme la transmutation de la toute-puissance providentielle en sublime impuissance par exemple, etc. L’Ascension de Jésus qui parachève sa résurrection n’est aujourd’hui pas plus crédible en tant que phénomène physique que l’enlèvement au ciel du prophète Élie ou, d’après le Coran, le voyage céleste du prophète Mahomet sur la jument Al-Borak.
 

Pourtant, c’est un enrichissant voyage spirituel et théologique que Gabriel Ringlet nous offre dans ce livre en méditant les incroyables événements des récits bibliques concernant le prophète Élie et son disciple Élisée. Un voyage qui transcende l’enracinement culturel de ces narrations vieilles de près de trois mille ans, et qui ouvre des horizons à même d'éclairer nos questionnements actuels. Pour ce faire, l’auteur recourt – avec sa coutumière maîtrise dans ce domaine – au registre de la littérature et de la transfiguration poétique, estimant que les émotions, notamment esthétiques et religieuses, peuvent avantageusement contribuer à dévoiler la portée intrinsèque des Écritures au double niveau symbolique et existentiel, par-delà les déconstructions et reconstructions critiques. Que cette relecture de la vie d’Élie soit ou non conforme à ce qui a été effectivement vécu par ce prophète importe moins, dans cette perspective, que la fécondité des réflexions que l’auteur propose en privilégiant les éléments qui expriment le mieux, selon lui, les enjeux spirituels majeurs des récits plus ou moins mythiques de la Bible. Dieu ne se réduit jamais à ce qui en est dit et l’homme ne peut, en tout état de cause, accéder qu’aux vérités fragmentaires qu’il découvre progressivement en élucidant les croyances du passé et en s’ouvrant aux rencontres et aux connaissances nouvelles. Pourquoi, dès lors, les anges qu’affectionne Gabriel Ringlet ne pourraient-ils pas, qu’ils soient ailés ou simples poètes, parler à leur façon des cieux aux femmes et aux hommes désireux de faire luire un peu de ciel sur notre terre ?

Il s’avère de fait crucial pour l’avenir de la foi de passer, comme ce livre le propose, de la figure archaïque d’un Dieu jaloux et violent à une divinité d’une tendre et universelle compassion. « Dieu, au-delà de Dieu » suggère Gabriel Ringlet : une quête déjà ancienne, mais qui se renouvelle dans l'environnement culturel et scientifique contemporain. « Dieu, après Dieu ? » s’interroge le post-théisme… Alors que plus de la moitié des Français déclarent ne plus croire en Dieu et que les « pratiquants » ne constituent plus que 2 % de la population, comment les Églises peuvent-elles continuer à répéter leurs sermons et leurs rites sans s’interroger sérieusement sur le désamour ou le rejet dont elles font l’objet ? Le cléricalisme systémique et les multiples abus qui en ont découlé ont assurément hâté le naufrage du catholicisme, mais l’indifférence aux questions religieuses a des racines plus profondes. Qui peut encore croire en un Dieu tout-puissant qu’il faut, sous la conduite d’une caste sacerdotale sacralisée, glorifier et supplier selon des modalités analogues à celles autrefois exigées à leur profit par les puissants de ce monde ? Pour retrouver sa ferveur et sa force originelles, le christianisme devra renaître selon l'Évangile en acceptant de mourir dans sa forme actuelle. Le prophétisme biblique porte à sortir du conservatisme et des enfermements religieux, et Jésus a assumé cette vocation jusque sur la croix. Avant de s’abandonner à Dieu en ces termes : « Entre tes mains, Seigneur, je remets ma vie », il a traversé la pire déréliction devant l’issue du projet qu’il avait prêté à Dieu en rapport avec les croyances de son temps : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Dans le sillage de l’expérience religieuse vécue par le prophète Élie, Gabriel Ringlet termine son livre par une évocation très personnelle de l’intime et féconde proximité de Dieu au cœur de la perpétuelle fragilité de l’homme et de notre monde. Les confidences qu’il livre sur ses échanges avec un petit enfant nommé Élie, le dernier-né de ses filleuls, en parlent en termes émouvants. Qu’advienne, au diapason du « Souffle ténu  » qui chante les Béatitudes après son silencieux dévoilement sur le mont Horeb, un monde nouveau dans lequel chacun pourra se réaliser pleinement en toute liberté – « libre, vraiment, y compris libre de Dieu » ! Alors, loin des pulsions individualistes que le consumérisme à la mode présente fallacieusement comme génératrices de bien-être et de développement personnel, nous pourrons entendre et suivre l’exigeante exhortation prophétique qui – empruntée à Qohélet et faisant écho à la fameuse maxime Ama et fac quod vis ! de saint Augustin – a été choisie comme titre pour ce livre : « Va où ton cœur te mène ».


Jean-Marie Kohler

(1) Gabriel Ringlet, Va où ton cœur te mène, éd. Albin Michel, septembre 2021, 152 p., 18 €.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
La question qui sous-tend le commentaire d’Armand Vulliet du 9 novembre hante de plus en plus de croyants : que peut-on encore croire aujourd’hui ? Pour répondre à cette vaste et difficile question, il faudrait se reporter aux recherches qui étayent les perspectives esquissées dans l’article – cf. entre autres. Mais les brèves remarques ci-dessous ne peuvent évoquer que les points explicités dans le commentaire.<br /> <br /> - Si le terme « réinterroger » cause des allergies, il faut lui substituer le terme « repenser » dans le sens du propos « tout est à repenser » attribué au pape Paul VI.<br /> <br /> - « Quelles sont les interprétations qui arrangent » ? L’article en avance au moins une qui n’est pas des moindres : « la transmutation de la toute-puissance providentielle en sublime impuissance ». Il s’agit là d’un changement de paradigme significatif et lourd de conséquences religieuses et politiques au double plan personnel et institutionnel.<br /> <br /> - La Résurrection de Jésus est-elle plus crédible, en tant que phénomène physique, que son Ascension, ou que l’enlèvement d’Élie sur un char de feu et le voyage céleste de Mahomet sur la jument Al-Borak ? Les croyances illustrées par l’iconographie traditionnelle n’étant plus recevables, cet événement fondateur est également à réinterpréter.<br /> <br /> - L’historicité des paroles dites par Jésus sur la croix n’est pas plus assurée que le reste. Mais quel que soit l’avis des exégètes, la foi qui inspire la vie des croyants est fondée sur toute l’existence de cet homme habité par Dieu qui, jusqu’à sa mort, a révélé un nouveau visage de la divinité et le dépassement de la religion.<br /> <br /> - Est-ce pour « faire sa petite popote et pour tenir le coup » que le chrétien est aujourd’hui amené à se « réinterroger (pardon !) », à repenser sa foi dans l’environnement culturel présent ? Assurément non ! Mais, au défi des mutations contemporaines, c’est parce que l’avenir de l’Évangile est à ce prix – fidélité créatrice ou fossilisation identitaire. <br /> <br /> - Dieu est au-delà de ce que l’homme peut en dire, et même au-delà de ce que Jésus, en tant que Juif de son époque, en a dit. C’est pourquoi le croyant et les communautés de croyants doivent toujours se libérer des images réifiées de Dieu pour chercher « Dieu au-delà de Dieu » dans le monde où ils vivent, en leur for intérieur et dans la société.<br /> <br /> - Tandis que le christianisme sociologique s’effondre, une nouvelle façon de vivre personnellement et en communauté la foi chrétienne émerge. Choisir la voie ouverte par Jésus consiste d’abord à vivre concrètement selon les Béatitudes et les paraboles qu’il a enseignées, plutôt qu’à adhérer à un corpus doctrinal ou à des pratiques rituelles. Les critères du Jugement dernier solennellement énoncés dans Mt 25, 35-40 (« J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger… ») ne comportent pas la moindre allusion à une appartenance ou à une pratique religieuse.
Répondre
A
Je viens de me rendre compte que j’ai commis une bourde monumentale dans ma première réponse à votre réponse (j’ai juste écrit le contraire de ce que je voulais dire). L’exemple que vous donnez d’une «interprétation qui arrange», c’est l’exemple de la toute-puissance de Dieu et certes pas son changement en totale impuissance, que vous applaudissez au contraire. J’avoue ne pas comprendre du tout en quoi le changement de la toute-puissance de Dieu en totale impuissance pourrait échapper au reproche d’«interprétation qui arrange» plus que l’affirmation de la toute-puissance, qui est beaucoup plus difficile à soutenir s’agissant d’un Dieu d’amour brillant par son silence dans des circonstances où normalement il aurait dû intervenir.
A
Monsieur Kohler,<br /> <br /> Je vous remercie beaucoup (je pense que vous êtes le premier à le faire) d’avoir répondu dans le détail à mes remarques sur votre article. <br /> <br /> – Remplacer «réinterroger» par «repenser» ne change strictement rien pour moi. C’est aussi un mot très à la mode qui remplit exactement la même fonction que je prête à «réinterroger».<br /> <br /> – J’ai été ravi que vous classiez en «interprétation qui arrange» (c’est le moins qu’on puisse dire) le changement de la toute-puissance de Dieu en totale impuissance (j’avais lu avec consternation la conférence de Hans Jonas «Le concept de Dieu après Auschwitz»: je n’ai jamais vu d’exemple plus pathétique d’expédient qu’un croyant est capable d’inventer pour ne pas perdre sa foi). Mais j’avoue ne pas avoir compris où vous voulez en venir dans votre réponse. Si l’inversion de la toute-puissance divine en impuissance signifie pour vous «un changement de paradigme significatif et lourd de conséquences religieuses et politiques au double plan personnel et institutionnel», est-ce à dire qu’il faut garder la toute-puissance, qu’il suffira de «réinterroger» (ou «repenser», ou «réinterpréter» [troisième variante que vous employez, à propos de la Résurrection])?<br /> <br /> – Pourquoi, d’ailleurs, faudrait-il «réinterpréter» la Résurrection (comme les autres croyances que vous citez: l’Ascension, etc.)?<br /> <br /> – Jésus, cet «homme habité de Dieu», était «libre, vraiment, y compris libre de Dieu». Est-ce cela, le «nouveau visage de la divinité»?<br /> <br /> – Répondre «Assurément non!» à l’imputation portée à certains chrétiens de «faire [leur] petite popote» «pour tenir le coup» en argumentant: «l’avenir de l’Évangile est à ce prix» me paraît paradoxal et aller plutôt dans mon sens. Devrais-je dire, plus violemment vu le contexte actuel: «Le christianisme veut se refaire une virginité»? <br /> <br /> – Qu’«une nouvelle façon de vivre personnellement et en communauté la foi chrétienne émerge» est indéniable chez certains chrétiens. Qu’ils soient nombreux n’est pas évident. Encore moins que «Choisir la voie ouverte par Jésus consiste d’abord à vivre concrètement selon les Béatitudes et les paraboles qu’il a enseignées». Le dernier volume paru de John Paul Meier sur Jésus, Un certain Juif, Jésus. Les données de l’histoire, vol.5: Enquête sur l’authenticité des paraboles, soutient que seules quatre paraboles remontent peut-être à Jésus. Meier est catégorique sur la parabole la plus connue, celle du bon Samaritain: c’est une pure création lucanienne.<br /> <br /> Que chacun se fasse sa propre image de Jésus est inéluctable, vu l’ignorance abyssale à son sujet (à tel point que certains se posent même la question de son existence). Han Ryner, qui se définissait comme un «libre-rêveur», écrivait au début de son Cinquième Évangile (Eugène Figuière, 1911; réédité aux éditions protestantes Théolib, 2014, p.15): «puisque le souvenir de Jésus, fluide et flottant comme un fantôme, a pris les formes successives de poètes qui se croyaient des historiens, Il prendra bien encore la forme d’un rêveur qui n’ignore pas que son rêve est un rêve.
A
« Il va sans dire que nous ne pouvons plus croire que les histoires rappelées dans ce livre se sont réellement passées comme relatées dans la Bible ». Très bien.<br /> « Nous ne pouvons plus adhérer – qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament – à la sacralisation plus ou moins fondamentaliste des Écritures ». Toujours très bien.<br /> « De la Création de l’univers à la Nativité et à la Résurrection de Jésus, tout est à réinterroger sans céder aux interprétations qui arrangent ». Bémol : pourquoi « réinterroger »? Ce mot très à la mode (je ne l’emploierai personnellement jamais) sert en général de passe-passe pour ne rien dire tout en donnant l’impression de se poser des questions (par exemple : quelles sont les « interprétations » qui arrangent ? Pas de réponse, évidemment).<br /> « L’Ascension de Jésus qui parachève sa résurrection n’est aujourd’hui pas plus crédible en tant que phénomène physique que l’enlèvement au ciel du prophète Élie ou, d’après le Coran, le voyage céleste du prophète Mahomet sur la jument Al-Borak ». La Résurrection ne fait manifestement pas partie du lot des choses incroyables (parce qu’il faut la « réinterroger » ? elle est plus crédible que le voyage au ciel de Mahomet ?)<br /> « Le prophétisme biblique porte à sortir du conservatisme et des enfermements religieux, et Jésus a assumé cette vocation jusque sur la croix. Avant de s’abandonner à Dieu en ces termes : “Entre tes mains, Seigneur, je remets ma vie”, il a traversé la pire déréliction devant l’issue du projet qu’il avait prêté à Dieu en rapport avec les croyances de son temps : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” ». Autrement dit, « les histoires rappelées dans ce livre », qui « ne se sont pas réellement passées comme relatées dans la Bible », sont rigoureusement exactes. Les paroles de Jésus sur la croix rapportées par Matthieu, Marc et Luc sont toutes authentiques (pas celles de Jean ?). Gabriel Ringlet est « libre, vraiment, y compris libre de Dieu », comme Jésus était libre de Dieu comme chacun sait, tout comme les prophètes.<br /> Je maintiens, en conclusion, que chaque chrétien non traditionaliste se fait aujourd’hui (quand il le peut : c’est-à-dire dans une société laïque) sa petite popote pour tenir le coup et se fabrique le Jésus (et donc le Dieu) qu’il lui plaît.
Répondre
L
Jean-Marie Kohler nous donne ici à lire un aperçu saisissant d'un ouvrage qui avance plus qu'un renouvellement de l'approche du croire et de l'appréhension textuelle qui a fait sa Tradition.<br /> Ce qu'il nous rapporte - lumineusement ,et d'autant plus que tout y procède à l'évidence d'une adhésion d'intime partage - est rien moins que la planche de rebond pour un corpus de représentations qui finissent, dans nos sociétés, de perdre leur sens. Autrement dit, qui sont en train de mourir sans même qu'on puisse encore parler de mort lente.<br /> Oui, "Le cléricalisme systémique et les multiples abus qui en ont découlé ont assurément hâté le naufrage du catholicisme, mais l’indifférence aux questions religieuses a des racines plus profondes. Qui peut encore croire en un Dieu tout-puissant qu’il faut, sous la conduite d’une caste sacerdotale sacralisée, glorifier et supplier selon des modalités analogues à celles (d') autrefois ?".<br /> Ce à quoi il est loisible d'ajouter que le dogme, par nature figé (et de surcroît depuis les siècles les plus lointains), face à l'inconnaissable qu'il prétend capter, figurer et décrire, face à l'indicible qu'il va formuler, se confond avec les autres idoles, ses mots se substituant juste au bois, au bronze et à l'or dont se fabriquent celles-ci. Et que le littéralisme, devant des Ecritures dont nous avons été avertis que chaque verset comporte sept lectures, est la mort de l'idée de D.ieu, avant de s'inscrire comme une mort de D.ieu. <br /> Finalement, davantage que d'une planche de rebond, c'est d'une planche de salut dont il est question dans cet article. Qui se configure grâce au témoignage de lecture que nous apporte vigoureusement Jean-Marie Kohler : c'est bien un monde nouveau qui est appelé à s'incarner - j'entends pour ma part une relation nouvelle à l'Esprit; que celle-ci en appelle aux anges ou aux poètes, aux parcours du midrash ou aux langues de feu descendant sur les mystiques, au prophétisme biblique ou simplement à l'intelligence en mouvement. <br /> Le monde d'un autre quête du discernement, où la perception, hasardeuse mais confiante, de la transcendance pourra se chercher par chacun(e) "pleinement en toute liberté – « libre, vraiment, y compris libre de Dieu »".<br /> Un dernier mot : est-il beaucoup d'espaces "de foi et de réflexion chrétiennes", en dehors de notre "Garrigues & Sentiers", pour croire en la liberté, et la pratiquer en allant jusqu'à publier un article tel celui de Jean-Marie Kohler qui invite à "discerner la Parole" en récusant les enfermements religieux, les conservatismes d'ordre moral et les rites d'un catholicisme institutionnel et clérical. Dont le "désamour", public ou personnel, fait au reste plus que jamais percevoir que l'appropriation millénaire par sa cléricature du sacré et du sacramentel a penché du côté de la reproduction des castes de prêtres des cultes païens.<br /> Et, bien plus encore, un article qui, au-delà du champ des "sensibilités" en général attribuées (paresseusement) à un lectorat catholique, interpelle de front tout le dit et le redit du christianisme tel qu'il est contenu dans "la sacralisation plus ou moins fondamentaliste des Écritures" : en lui opposant le non-dit qui renvoie à une ré interrogation systémique de la non matérialité et de la non historicité des figures du récit testamentaire, "de la Création de l’univers à la Nativité et à la Résurrection de Jésus", pour finir par "l’Ascension de Jésus qui parachève sa résurrection (et qui) n’est aujourd’hui (plus) crédible en tant que phénomène physique". <br /> De sorte que si dans ces récits, tout est bien métaphore, allégorie et symbolique, la planche de salut dont Jean-Marie Kohler nous a rapporté la forme et les contours, s'offre pour une élévation théologique et spirituelle. Dont nous pouvons penser, en nous y engageant, et pour hésitant qu'on soit devant les pénombres et la complexité du parcours, qu'elle porte en elle quelque accointance avec "l’irruption d’un char de feu pour emporter Élie". "Irruption" péchant sans doute par excès de confiance, ou plutôt par présomption - on s'en tiendra à l'image d'un ticket d'accès à un très lent remonte-pente, ou à celle d'un portage mû par l'intuition, les hasards rencontrés et les dons reçus.
Répondre