Pourquoi je tiens à la célébration de 11 h 15 au Centre Pastoral Saint-Merry
(Le moi est haïssable bien sûr et pourtant je vais dire « je », laissant à ceux qui le veulent la possibilité de dire leur propre « je »).
L'archevêque met fin à la mission du Centre Pastoral Saint-Merry, soit ! ça ne correspond pas à sa façon de voir, à ses urgences.
Mais je ne viens pas Saint-Merry pour accomplir une mission, je viens à Saint-Merry parce que j'en ai besoin pour nourrir ma vie, ma foi, ma présence au monde, mes engagements.
L'archevêque met fin à la célébration eucharistique du dimanche à 11 h 15 parce que les prêtres ne s'y sentent pas en communion avec nous.
Mais je ne viens pas à Saint-Merry pour faire plaisir aux prêtres ou qu'ils se sentent bien avec moi, je viens à Saint-Merry parce que j'ai faim d'une parole actuelle, vivante, questionnante : j'ai besoin de Jésus-Christ sorti des rites, des interdits, en prise sur la vie d'aujourd'hui. Je ne comprends pas en quoi cela peut vraiment mettre mal à l'aise les prêtres.
Je ne viens pas à Saint-Merry pour avoir une messe. Des messes, je peux en trouver tout près de chez moi, à 30 km de Saint-Merry... et, à Paris, le dimanche, je n'ai que l'embarras du choix !... Il n'est donc pas question pour moi de vouloir rejoindre la messe de 10 h de Saint-Merry.
Si je fais tous ces kilomètres, presque tous les dimanches, et ce depuis 39 ans, ce n'est pas pour m'accrocher à une tradition, c'est pour être nourri, pour rencontrer des amis et d'autres personnes qui, comme moi, cherchent une parole vivante, nourrissante et pouvant les animer pour vivre en ce temps.
Ce n'est pas le rite de la célébration de 11 h 15 que je cherche ! Ce dont j'ai vraiment besoin, c'est de ce temps de rencontre préparé et porté par quelques volontaires depuis le début de la semaine précédant le dimanche. Je viens « au puits », comme la Samaritaine, auprès de Jésus-Christ et de sa parole, entouré, questionné par des femmes et des hommes qui, comme moi, cherchent un sens, un guide, une nourriture pour leur vie de chaque jour.
Je viens à Saint-Merry parce que j'ai faim, parce que j'ai soif, parce que j'ai besoin des autres. Et quand deux ou trois sont réunis en son nom, je sais et je crois qu'Il est là.
En 15 jours, près de 12000 signataires de la pétition Pour garder ouvert le Centre Pastoral Saint-Merry viennent d'exprimer leur faim...
Cette faim, ce besoin, sont tellement importants que même la grande presse française s'en empare ! Qu'en est-il donc réellement ces quelques soi-disant « méchants » capables de faire interdire la célébration eucharistique et fermer ce centre pastoral ? Même si c'était vraiment la méchanceté qui était responsable de cette fermeture, il me vient à l'esprit le « marchandage » d'Abraham avec Dieu à propos de Sodome, et la réponse de Dieu : «...Même s'il n'y a que dix justes, je ne détruirai pas Sodome »...
Et puis, sont-ce vraiment des conflits de personnes qui causent cet interdit de la célébration de 11 h 15 ?
Y aura-t-il possibilité de laisser le lieu ouvert, le dimanche à 11 h 15, sans mission spécifique, pour permettre de se rencontrer, de partager la parole, – renonçons à l'eucharistie –, simplement pour que nous puissions continuer de vivre cette recherche ?
J'ai faim, j'ai soif, j'ai envie de vivre !
Près de 12000 personnes expriment le même besoin...
N'est-ce pas le signe, l'expression d'une famine silencieuse, insoupçonnée ?
Finalement, de toute cette épreuve, de ma faim à assouvir, et des aspirations très fortes que je sens à travers la multitude des réactions provoquées par cette fermeture brutale d'un lieu de vie, si imparfait soit-il ou a-t-il été, surgit en moi une interrogation assez radicale : je me demande si tout cela n'est pas comme un SOS, un appel lancé à mon Église à accepter de vivre une véritable « révolution copernicienne ».
Ce n'est plus à l'Église de se prétendre maitresse de vérité et de dire aux humains ce qu'ils doivent penser ou faire . Mais c'est à l'Église d'ouvrir son cœur, avec toute la force d'amour et l'Esprit de Jésus-Christ, pour écouter et semer. Écouter avec des oreilles, des yeux, une intelligence du 21e siècle, les besoins et la vie des hommes et des femmes de ce temps, et semer les graines de l'Évangile, afin que chacun puisse se les réapproprier, les ruminer, les « remâcher » pour aujourd'hui.
Pour moi, c'est comme une évidence ! Ce n'est plus : l'Église au centre, et le monde qui tourne autour. C'est le monde des femmes et des hommes au centre, et l'Église partageant la même vie et proposant, sans exclusives et sans conditions, des traits de lumières et des pistes de vie inspirées de l'Évangile, sans cesse relu au présent au travers de nos expériences humaines...
Comme Jean, l'apôtre, le fait dire à Jésus : « Je suis venu pour que les humains aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10)
Jean-Luc Lecat