Urgent ! Refondons la politique européenne

Publié le par Garrigues et Sentiers

L’élection présidentielle autrichienne a vu la déroute de ce qu’on appelle les partis de gouvernement, pour le face-à-face, au deuxième tour, du responsable d’un parti d’extrême droite et d’un candidat écologiste indépendant. À quelques milliers de voix près, le candidat vert Alexander Van der Bellen a gagné, au grand soulagement des capitales européennes. À l’heure où l’Europe connaît des replis identitaires et réinvente ses frontières, il est hautement symbolique qu’un pays européen qui compte un des plus importants parti d’extrême droite ait élu, fût-ce de justesse, un homme que le journal La Croix présente ainsi : « À 72 ans, ce professeur d’économie à la retraite oppose au projet de son ancien adversaire la vision d’une société multiculturelle. Son patronyme néerlandais lui vient d’aïeux lointains, protestants, qui ont émigré au XVIIIe siècle des Pays-Bas vers la Russie. En 1917, nouvel exil : chassée au moment de la révolution bolchevique, sa famille passe par l’Estonie puis s’établit à Vienne, en plein IIIe Reich, où il voit le jour en 1944 ».

Ce petit succès ne devrait pas nous masquer la montée croissante des nationalismes en Europe et une lassitude vis-à-vis des partis traditionnels. Ce qui a été vécu par les pères fondateurs de l’Europe comme une passionnante aventure de réconciliation entre nations si longtemps en guerre et de création d’un espace politique habité par de grandes valeurs humanistes est ressenti aujourd’hui comme un abandon aux forces du marché promues comme régulation ultime de toute l’activité humaine.
L’enjeu fondamental de toute société réside dans sa capacité de faire de la politique, c’est-à-dire de réguler concrètement les forces militaires, économiques, financières au service du bien commun et de la justice sociale. Chaque échéance électorale devrait être l’occasion d’un grand débat politique sur ces enjeux. Malheureusement, nous assistons trop souvent à la juxtaposition de discours gestionnaires qui se présentent comme le seul cercle de la raison et de discours d’opposition radicaux qui relèvent plus du témoignage que de propositions responsables.
Dans ces conditions, le propos du germaniste Jacques Le Rider dans une tribune publiée dans le journal Le Monde sous le titre L’Autriche, banc d’essai de l’Europe, mérite toute notre attention : « Aujourd’hui, l’Autriche n’apparaît plus du tout comme une exception, mais comme le banc d’essai d’un scénario qui pourrait se dérouler dans un autre décor. En France par exemple, au printemps 2017, si les partis de gouvernement persistent à ne s’intéresser qu’à eux-mêmes en ignorant les préoccupations du pays réel et à ne compter que sur la victoire du Front National au premier tour de la présidentielle pour éliminer leur adversaire »1.

En cette période préparatoire aux primaires pour l’élection présidentielle, les médias nous entretiennent plus de la foire aux egos et de petites phrases assassines que de grandes visées capables de mobiliser les citoyens. Il est urgent de redonner un horizon politique à notre vivre ensemble.

Bernard Ginisty

1 – Jacques Le Rider : L’Autriche, banc d’essai de l’Europe. Les grandes coalitions ont asphyxié le débat politique, journal Le Monde, 22-23mai 2016, page 24

Publié dans Réflexions en chemin

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