« Vous ferez cela »… oui, mais quoi ?

Publié le par Garrigues et Sentiers

Ce titre un peu byzantin concerne un phénomène qui me turlupine depuis longtemps et arrive même à m’énerver (ce qui est, il est vrai, assez facile en ce qui concerne les textes bibliques et liturgiques) !
Vous êtes déjà habitués à mes grandes et saintes colères, amis internautes fidèles, mais celle-ci concerne une habitude liturgique qui pour un catholique ordinaire devrait, en principe, se répéter au moins tous les dimanches (ce qui n’est pas rien !) et même plus si on ajoute les fêtes et les messes en semaine.
Il semblerait pourtant que personne n’a encore fait les remarques que je voudrais proposer à votre réflexion.

Je veux parler de l’épisode central de nos eucharisties (on ne dit plus guère messe dans nos églises) : la Consécration.

Le texte officiel des paroles de la liturgie pour la Consécration (selon la Prière Eucharistique n° 2, la plus utilisée, les autres en étant très proches) est le suivant :
Au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion, il prit le pain, il rendit grâce, il le rompit et le donna à ses disciples, en disant : « Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous. »
De même, à la fin du repas, il prit la coupe ; de nouveau il rendit grâce et la donna à ses disciples, en disant : « Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi. »

Et voici le sujet de ma sainte colère

Il y a à l’évidence deux gestes et deux textes parallèles qui concernent le pain puis le vin, dont les premiers mots sont comparables : prenez et mangez-en tous… prenez et buvez-en tous…
Mais… le geste sur le vin est suivi de la phrase : « Vous ferez cela, en mémoire de moi ».
Je ne m’étendrai pas sur la virgule inutile après cela… mais sur le fait que – dite ainsi – cette dernière phrase : vous ferez, etc. semble ne se rapporter qu’à la coupe de vin et non au pain, ce qui n’est manifestement pas la volonté des auteurs.

Il serait pourtant très simple de remettre l’église au milieu du village, pour reprendre l’expression de nos amis belges qui a bien sa place ici.

Voici le déroulement qui devrait « normalement » être celui de la liturgie :

1 – Les paroles sur le pain et l’ostension du pain ; génuflexion
2 – Les paroles sur le vin et l’ostension du vin ; génuflexion
3 – Les paroles de conclusion « vous ferez cela en mémoire de moi » seulement après la génuflexion : le mot cela s’appliquerait alors sans ambiguïté aux DEUX gestes précédents.

Pourquoi entendons-nous ces textes depuis tant d’années sans nous poser cette question ?
Pourquoi les prêtres disent-ils ces textes depuis tant d’années sans se poser cette question ?
Pourquoi les commissions liturgiques du Vatican ont-elles validé cette liturgie depuis tant d’années sans se poser cette question ?
Mystère !
Et vous, qu’en pensez-vous ? Dites-le ici, dites-le ailleurs… mais dites-le.

Cela dit, gardez votre calme pendant la Consécration, car le Bon Dieu en fait son affaire  !

René Guyon

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E
Personnellement il m'a toujours semblé qu'au dela de l'aspect mémorial de la liturgie il y avait dans ces paroles une invitation à nous aussi nous livrer à la suite du Christ par amour à notre modeste mesure
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E
Je crois que l'on pourrait s'accrocher à ce type de "manque" sur beaucoup d'autres choses encore durant le déroulement de la messe. Personnellement, il m'est douloureux de voir un prêtre, le nez dans son ciboire, qui ne regarde pas avec bienveillance le fidèle qui lui sourit (perso, je souris), quand il lui donne le Corps du Christ, mais s'exécute la plupart du temps, bien machinalement. Jésus nous traitera-t-il ainsi quand nous le verrons ? <br /> J'ai toujours compris le "Faites ceci en mémoire de moi", comme englobant les deux parties de la Consécration, et je n'ai pas particulièrement de révélation en lisant votre remarque. Je suis déjà portée par la joie de ce qui va suivre... Peut-être est-ce un tort, peut-être pas. Bien fraternellement,
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R
Cher René,<br /> La Consécration n'est-elle pas le prélude à la Communion ?<br /> Et qu'est-il le plus important ? les paroles qui précédent ou l'acte qui suit , avec toutes ses conséquences ?<br /> Dans la première, les Chrétiens sont partagés entre le SYMBOLE et la PRÉSENCE RÉELLE..<br /> Dans le geste, c'est la foi qu'on met dans celui-ci qui compte plus que les deux espèces.<br /> C'est ça qui me parait plus important que la position de la virgule.<br /> Et comme je ne suis pas théologien; que j'ai la chance d'avoir eu une mère luthérienne et d'être <br /> moi-même un catéchumène, voila quelque temps que j'ai renoncé à troubler mes nuits par ces questions sans réponses et que je fais ce geste davantage en communion avec ma communauté paroissiale.<br /> Et je n'oublie pas que Jésus sait sans doute mieux que nous-mêmes ce que nous avons au fond du coeur, au-delà de toutes les enveloppes dans lesquelles on voudrait enfermer gestes et paroles...<br /> <br /> Robert Kaufmann
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R
Cher Robert, je n'ai JAMAIS pensé ou dit que les paroles étaient plus importantes que l'acte !<br /> Je voulais SIMPLEMENT faire remarquer cette anomalie, qui est le signe d'un manque de rigueur multi-séculaire, peut-être lié au fait que les ouailles ont pendant des siècles communié au seul corps de Jésus.<br /> Depuis l'époque où j'étais enfant de chœur (il y a donc à peu près 60 ans) je me posais la question et j'ai fini par la partager. Ni plus, ni moins.<br /> Cela dit, mes insomnies nocturnes ont d'autres causes :-)
R
Puisque nous sommes sollicités pour donner notre avis....<br /> N'est-il pas utile de rappeler que lorsqu'on se heurte à une difficulté, à un point délicat, conflictuel, notre raison ou notre inconscient nous porte à détourner l'attention sur" le sexe des anges", comme il est coutume de dire, plutôt que d'aller à l'affrontement. Il en est ainsi dans les questions de sociale démocratie, de politique, et pourquoi pas en matière théologique ?....<br /> Sur la question de l'eucharistie, la question clé qui se pose entre Chrétiens est celle de la présence réelle du corps du Christ dans l'hostie, puisqu'une bonne part d'entre eux sont partagés là-dessus et que, même chez les Catholiques romains, lors des sondages d'opinion à la sortie des messes, la majorité restent sans voix si on leur parle de transsubstantation....<br /> La lecture de ce dimanche de la 1ère Lettre de Paul aux Corinthiens nous donne une version répétitive du geste à faire...et, puisqu'on nous demande après Paul de dire "Paroles du Seigneur"... (ce qui,moi, m'agace davantage ! ) <br /> Jean (VI- 51-56) lui, nous dit carrément : "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle"...<br /> Si on veut bien remettre les pieds sur terre= on m'a appris qu'en assemblée restreinte (équipe Notre Dame par exemple) on peut pratiquer les 2 espèces.. Dans les grandes assemblées modernes comportant des centaines, voire des milliers de fidèles, il va de soit que c'est pratiquement infaisable et ce serait même très anti-hygiénique. D'où peut--être le petit doute laissé volontairement dans la liturgie ? Il en va de même chez le Législateur= si on fixe un cadre trop rigide à la loi, elle ne pourra pas s'appliquer dans la plupart des cas.On laisse une porte ouverte à l'interprétation.<br /> Et puis !!..... est-ce vraiment un point sur lequel nous devions en perdre le sommeil ?? L'Eglise nous a bâti un tel mille-feuilles au cours des siècles,qu'il y aurait bien des points plus importants à revoir.<br /> A COMMENCER PAR LA PROFESSION DE FOI, qui me laisse de plus en plus perplexe dans sa formulation ! ...<br /> Mais cela est une autre question.<br /> <br /> Robert Kaufmann
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R
Cher ami lecteur, merci pour ce commentaire.<br /> Je répondrai juste que je n'ai malheureusement pas eu besoin de ce sujet pour perdre le sommeil !<br /> Quant aux grandes assemblées, mes années passées dans la Communauté du Chemin -Neuf m'ont appris qu'il est possible de "pratiquer les deux espèces" dans des rassemblements (très) importants comme les "sessions Cana".<br /> Cependant, le sujet de mon article était la Consécration et non la communion.
G
Dans la première lettre aux Corinthiens 11,23-26 Saint-Paul dit deux fois, une fois pour le pain et une fois pour le vin :"Faites le en mémoire de moi" ainsi l'accent est mis deux fois sur la "mémoire".<br /> Au lieu de lire le passage de cette lettre seulement pour la solennité du saint-sacrement, pourquoi ne pas prendre et garder définitivement cette version de Saint-Paul qui traduit le mieux ce que voulaient dire les évangélistes et qui serait la mieux appropriée pour toutes les célébrations de l'Eucharistie?
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G
Est-ce que la génuflexion va changer quelque chose?<br /> Pour moi il y a les gestes et il y a les mots.<br /> Ne faudrait-il pas plutôt dire à la fin :"Ce repas de pain et de vin vous le ferez en mémoire de moi"?<br /> Beaucoup de paroles évangéliques ont été déformées. Ainsi le nom de "Père" ne devait être donné qu'à Dieu seul. Et on nous a appris à appeler Père tous les prêtres catholiques.
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R
Merci pour ce commentaire !<br /> Je suis moi aussi troublé par l'appellation de "père" aux ecclésiastiques et de "Saint-Père" au Pape !
L
Vos remarques sont tout à fait justifiées. En fait, dans les récits de l'institution évangélique, seul Luc précise "Faites ceci en mémoire de moi" et justement après le geste et les paroles sur le pain. Saint Paul (1 Co 11, 23-26) est réputé transmettre le mémorial tel qu'il était déjà pratiqué liturgiquement par les premiers chrétiens et précise "Faites ceci en mémoire de moi" après le geste et les paroles sur le pain et aussi après ceux sur le vin. Le déroulement que vous préconisez paraît donc souhaitable. Une explication me vient à l'esprit : au fur et à mesure que l'aspect sacrificiel et l'insistance sur la transsubstantiation se sont développés, l'aspect mémoriel a été progressivement amoindri dessaisissant aussi les fidèles de leur implication directe dans la célébration du mémorial. Le "prenez" de Matthieu (26, 26), Marc (14, 22), et Luc (bénédiction de la 1ère coupe, 22, 17) a d'ailleurs déjà disparu chez Paul (1 Co 11, 23-26). Sur l'évolution du mémorial eucharistique, vous pouvez lire l'article sur mon blog : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2015/04/eucharistie.html
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L
Assurément, réviser ainsi cette liturgie est bien "remettre l’église au milieu du village". Je prolonge l'incompréhension exaspérée qui vise la pratique en vigueur. Quel sens que l'on donne, dans l'intimité de sa foi, au "ceci est mon corps" et au "ceci est la coupe de mon sang" au milieu de l'abondance des intellections qu'a suscitées le mystère exposé dans les paroles de la Cène (et de la complexité - inutile s'agissant précisément d'un mystère ? - de ces figurations interprétatives) , l'incompréhension devrait être encore infiniment plus grande devant l'abyssale méconnaissance de l'implication du « Vous ferez cela en mémoire de moi » : comment concevoir que le partage en communion du vin ne soit pas TOUJOURS, et DEPUIS TOUJOURS, absolument inséparable de celui qui est fait du pain ? Didier LEVY
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