Oui, l’Église Catholique est misogyne ; mais nous y restons !

Publié le par Garrigues

dit l’Atelier-Femmes d’Évreux 13 Marseille.

 

Brève présentation

Le Collectif Évreux 13 dans le diocèse de Marseille s’est créé lors de la destitution de Jacques Gaillot Évêque d’Évreux, en Janvier 95. Il est composé de 4 ateliers dont un, l’atelier 1 est un atelier « femmes ». Évreux 13 adhère à l’association Réseaux des Parvis qui regroupe tous les mouvements de France qui sont dans cet état d’esprit : vouloir une Église insérée dans la vie et rejoindre ceux qui sont sur le parvis.

Notre groupe femmes participe à un autre Collectif, Collectif 13-Droits des Femmes, qui lutte contre la pauvreté et les violences faites aux femmes en France et dans le monde. Ce collectif, à Marseille, regroupe une quarantaine d’associations de femmes (mouvements, syndicats et partis politiques).

Il a participé très activement à la Marche Mondiale des Femmes en 2000 et 2005 et prépare 2010. Le témoignage de Renée Aillaud, publié dans ce dossier, nous décrit son action).

 

Un peu d’histoire

Avant de parler de la misogynie de l’Église Catholique Romaine, parlons de la place du Fidèle-Laïc (celui qui n’est ni prêtre, ni religieux) dans cette Église. À l’époque on parlait du « peuple ».

Voici ce qu’en disent, en 1550, les cardinaux qui donnent au Pape Jules III quelques conseils : « La lecture de l’Évangile, très Saint Père, ne doit être permise que le moins possible, surtout en langue moderne et dans les pays soumis à votre autorité. Le très peu qui en est lu généralement à la messe devrait suffire et on devrait défendre à quiconque d’en lire plus. Tant que le peuple se contentera de ce peu, vos intérêts prospéreront, mais dès l’instant qu’on voudra en lire plus, vos intérêts commenceront à en souffrir, car voilà le livre qui, plus qu’aucun autre, provoquera contre nous les rebellions, les tempêtes qui ont risqué  de nous perdre. En effet, très Saint Père, quiconque examine diligemment l’enseignement de la Bible et le compare à ce qui se passe dans nos églises, verra bien vite les contradictions et verra que nos enseignements s’écartent souvent de la Bible et plus encore s’opposent à celle- ci. Si le peuple se rend compte, il nous provoquera jusqu’à ce que tout soit révélé et nous deviendrons alors l’objet de la dérision et de la haine universelles. Il est nécessaire, très Saint Père, que la Bible soit enlevée et dérobée des mains du peuple, avec zèle toutefois et sans provoquer de tumulte. »1. Voilà des cardinaux très lucides !

Depuis cet écrit, il y a eu quelques progrès. L'Église a un peu évolué, tant dans son dialogue avec l’ensemble de la société qu'avec les femmes : on ne les brûle plus lorsqu'elles s'opposent ! Vatican II a eu lieu et tous, prêtres, laïcs, religieux, nous formons le « Peuple… de Dieu ».

Il faut reconnaître que la société a mis du temps, elle aussi, pour progresser dans son attitude envers les femmes… Alors dans l'Église !!!

 

Regardons dans la société occidentale

La place de la femme dans la société a eu une évolution difficile : Philon, philosophe grec né à Alexandrie  en 20 avant J.C et mort en 54 de notre ère, ne disait-il pas : « Les places publiques, les bâtiments officiels les tribunaux, les clubs, les assemblées composées de foules grouillantes, la vie en plein air, avec ses palabres et ses activités, conviennent aux hommes, en temps de guerre comme en temps de paix ; au sexe faible, au contraire, conviennent la vie domestique et l'assiduité au foyer ; les jeunes filles, à l'abri de la clôture intérieure, ont pour frontière la porte du gynécée ; les femmes, elles, ont pour frontière la porte extérieure… »

Passons au XXe siècle, et énonçons quelques dates :

* 1918-1920 : le droit de vote est accordé aux femmes en Angleterre, Allemagne et Russie. Pour la France, il faudra attendre 1944 !!

* 1937 : les femmes sont autorisées à enseigner le latin, le grec et la philosophie.

* 1938 : elles sont autorisées à s'inscrire en faculté sans autorisation de leur mari.

* 1941 : Fête des Mères.

* 1944 : enfin le droit de vote est octroyé donc acquis.

* 1960 : les femmes célibataires peuvent avoir un livret de famille.

* 1965 : les femmes peuvent exercer une profession sans le consentement de leur mari.

* 1967 : la pilule contraceptive est délivrée sur ordonnance.

* 1975 : promulgation de la loi autorisant l'avortement.

* 1970 : le 8 mars est proclamée Journée internationale de la femme aux Nations-Unies.

* 1972 : l’École Polytechnique devient mixte, avec 8 femmes ; c'est une femme qui devient major de la promotion.

* 1982 : le gouvernement Maurois et Yvette Roudy instaurent un Secrétariat de la Femme. Ce secrétariat réclame la parité en politique, la lutte contre les violences faites aux femmes, l'égalité des sexes et la lutte contre la pauvreté et les violences. Chaque Région a un Secrétariat de la Femme auprès du Préfet de Région.

L'Église-Institution lanterne dans ses positions ; elle est semblable à l'opinion courante…

 

Précisons la misogynie de l’institution Église Catholique Romaine

Dans son texte Les enjeux de la contestation féminine, paru dans la revue des Réseaux de Parvis de juin 2005, Suzanne Tunc argumente : « Quand on prononce le mot Église pour désigner l'Église Catholique, tout le monde pense au Pape et au Vatican, éventuellement aux évêques, accessoirement au curé de la Paroisse... Qui y verra les femmes ? Pourtant l'Église est le "Peuple de Dieu", femmes et hommes à égalité (cf. lettre de Saint-Paul aux Galates 3,27-28). Les femmes ne demandent rien d'autre que d'être reconnues comme membres à part entière dans l'Église, Corps du Christ.

À part entière ?... Non comme des membres de seconde zone, soumises ou silencieuses, inférieures aux hommes puisqu'elles ne sont pas considérées comme capable de "représenter" le Christ dans les sacrements. Reconnaître aux femmes la capacité ministérielle serait donc rendre visible le vrai visage de l'Église, hommes et femmes "en parité absolue", selon les termes de la lettre apostolique de Jean-Paul II, Mulieris Digitatem, qui n'accorde pourtant cette "parité" qu'en "dignité" et non "en pratique".

L'égalité hommes-femmes dans l'Église serait donc mettre fin au scandale que pose pour beaucoup ce qui est considéré comme son machisme et la rendre plus crédible, plus "humaine".

Mais ce serait aussi aider la société tout entière à se débarrasser de l'idée de l'infériorité féminine qui demeure aussi bien dans les autres religions que dans la vie politique, et même dans les esprits de ceux qui s'en croient exempts.

Des expressions comme "compenser les inégalités d'origine naturelle", les "dépasser", le révèlent. Établir des "quotas" pour permettre aux femmes d'agir dans la vie politique ou sociale montre la difficulté des hommes à les admettre à côté d'eux.

La "condescendance" à les accepter, ou à obliger qu'on les accepte, est preuve de l'infériorité où on les tient encore. Permettre aux femmes de participer à la vie politique, économique, sociale, religieuse est une des conditions du développement même des sociétés, comme de nombreuses études l'ont mis en lumière.

L'Église catholique devrait être la première à lutter contre les préjugés qui les en écarte, alors qu'elle est au contraire en retard sur les avancées du monde moderne, dont elle se coupe de plus en plus.

Mais la reconnaissance de la pleine égalité des femmes en matière ecclésiale présente encore un autre enjeu. Est-il nécessaire d'insister sur le handicap que constitue leur situation actuelle, non seulement pour elles mêmes, qui ne peuvent réaliser leur éventuelle "vocation" (qu'on leur dénie), mais surtout pour ceux dont il faut bien qu'elles aient la charge quand personne ne se présente ? Femmes en aumônerie de lycée  et surtout d'hôpital, religieuses en mission, souvent dans de contrées éloignées de tout prêtre-homme, sont bien démunies en face de ceux qu'elles doivent entraîner vers Dieu et son Christ : pas de sacrement, pas d'Eucharistie, "sommet" de vie chrétienne…

Pourtant, ne représentent-elles pas en fait le Christ, sans que l'Église officielle accepte de le reconnaître ?

Quant aux paroisses sans prêtre, que deviendraient-elles sans les femmes qui y font tout, sauf célébrer ? Elles ne peuvent que maintenir un lien fragile entre les chrétiens. Mais cette situation ne peut durer. Il faudra soit ordonner des femmes, soit reconnaître aux laïcs, hommes et femmes, qu'ils sont aussi l'Église, ayant part au sacerdoce royal du Christ et qu'ils peuvent donc transmettre éventuellement pleinement sa vie. La contestation féminine aura aidé à en prendre conscience.

Enfin ce serait rendre à l'Esprit (saint) le droit de parler ! Qui peut prétendre l'empêcher d'appeler qui il veut au ministère de son Église ? Pierre a eu la modestie de l'écouter :"Si Dieu a accordé à ces personnes le même don qu'à vous… qui suis-je, moi, pour faire obstacle à Dieu ? (Actes 11,17) L'Église–institution, le Vatican, l'a-t-il oublié  ? »

 

 

Quelles attitudes avoir devant cette situation ?

Actuellement, nous savons que la personne humaine faite à l'image de Dieu est sacrée, que sa conscience éclairée par l'Esprit Saint, lui permet de faire des choix, que personne ne peut la contraindre, s'y opposer, même pas le Pape.

Notre rôle est de continuer à nous battre à dénoncer ce qui ne va pas, tout ce qui est inhumain. Participer à la venue du Règne de Dieu c'est faire croître l'humanité c'est faire grandir en humanité chaque personne, homme et femme. L'Église n'existe que pour acheminer vers le Règne de Dieu.

Nous faisons nôtres les phrases de Vatican II qui nous disent, dans un des textes intitulé L'Église dans le monde ce temps (article 39 paragraphe 3) : « Toutes ces valeurs de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous avons propagés sur cette terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père "un Royaume éternel et universel, royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d'amour et de paix". Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra. »

Jacques Gaillot nous a dit : « Ne soyez pas obnubilés par les problèmes de l'Église–Institution, soyez partie prenante, en solidarité, avec les personnes qui vivent avec vous dans la société, pour plus de justice, d'amour et de paix ».

Alors nous continuons !!! En faisant ce que nous pouvons avec nos limites d’hommes et de femmes.

Nous pouvons retenir la phrase de Robert Scholtus : « C’est sans doute la grâce du christianisme d’être héritier d’un geste de vie et non d’un patrimoine à conserver ! » 

Collectif Evreux 13. Atelier Femmes

 

Publié dans DOSSIER LA FEMME

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